lundi 24 mars 2025

CD, critique. Mahler : le Chant de la terre (Orch Victor Hugo, JF Verdier — 1 cd Klarthe, 2016)

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MAHLER chant de la terre eve maud hubeaux orchestre hugo verdier cd critique review presentation par classiquenews kla043couv_lowCD, critique. Mahler : le Chant de la terre (Orch Victor Hugo, JF Verdier — 1 cd Klarthe, 2016). Jouer Le Chant de la Terre de Mahler n’est pas aisé : tant il faut contrôler de paramètres dont … le relief et l’éloquence de l’orchestre, l’équilibre avec les deux voix solistes. Récemment le sublime ténor munichois Jonas Kaufmann avouait sa passion pour Mahler et cette partition mystique, en relevant le défi de chanter les deux tessitures vocales requises (ténor et soprano, devenues / réunies pour lui, ténor et baryton) : pari fou mais résultat convaincant tant le chanteur, diseur dans sa langue, a su varier les couleurs et les nuances de l’intonation poétique (Mahler : Le Chant de la terre / Jonas Kaufmann / 1 cd Sony classical, CLIC de CLASSIQUENEWS).

Sous la direction de Jean-François Verdier, les instrumentistes de l’Orchestre Victor Hugo savent ciseler la langue instrumentale de la partition, ici abordée en petit effectif (version de chambre), tandis que les parties vocales sont tenues par deux jeunes chanteurs, dont le mezzo nous paraît le plus riche en intentions, sachant en particulier réussir le trouble du dernier lied, L’Adieu / Der Abschied, et sa résolution énigmatique, ni renoncement total, ni tristesse sèche… mais pardon et espérance d’une ineffable hauteur de vue et de conscience.

Le dispositif orchestral en version allégée, résonne presque plus acéré voire acide où le fruit des timbres surgit avec un détail décuplé (violon solo, hautbois final du premier air pour ténor, à l’ivresse éperdue, tendue et ardente comme une prière). Egalement énoncé dans le mystère, et avec plus d’ampleur comme de richesse expressive, le second lied pour mezzo, s’insinue dans l’obscurité ; d’une tendresse préservée, la mélodie y laisse peu à peu s’affirmer la gravité de la tragédie, celle d’un lyrisme serein mais sans espérance et d’une insondable tristesse : en dialogue avec le hautbois, le mezzo charnu de la jeune Eve-Maud Hubeaux, talent prometteur, et révélation confirmée de l’album, construit avec intelligence et nuances, un parcours sans aspérité, d’une onctueuse mélopée.

Le chant de la Terre en version allégée, ciselée

Puis, pour ténor, « De la jeunesse » présente un climat plus insouciant, entre détermination tendre et aussi bravache : là encore, le timbre du ténor, son style manquent de richesse, d’imagination (or le texte est des plus imagés et la musique, particulièrement suggestive…). En un écrin instrumental de mieux en mieux ciselé, s’imposent le beau détail et l’allant de l’orchestre.

« De la beauté », pour soprano, est servi par l’accord encore plus harmonique entre instruments (flûte, cor) et voix soliste (mezzo-soprano) : la voix se révèle par une ligne suave et timbrée, même si elle ne mord pas réellement dans l’allemand, manquant à notre avis de consonnes, mais l’intention, la couleur, les passages sont de haute tenue. Certainement la séquence la plus réussie, en totale symbiose avec l’orchestre, lui aussi ciselé, nuancée, chantant, amoureux, affectueux.

9ème Symphonie de Gustav Mahler à l'Opéra de ToursUltime tableau, de plus de 25 mn, « L’Adieu », testament spirituel et poétique de Mahler, marque un changement d’atmosphère ; les premiers coups imposent subitement le gong tragique dénonçant un paysage dévasté, celui d’un cœur détruit au fond du gouffre amer le plus noir. La direction de Jean-François Verdier se montre attentive aux jalons de l’architecture musicale, assurant tous les passages de la séquence, dont à 4’26 : le soudain flottement, d’une insouciance imprévue (hautbois, flûte), qui s’accorde aux très belles couleurs et à l’intonation mesurée de la jeune mezzo ; à 9’57 : chef et instruments articulent le climat de nouvelle prière et d’espérance éperdue (violon solo). Enfin à 13’40, soit à peu près au milieu du gué, s’accomplit comme un rituel inéluctable, le basculement irrémédiable dans la nuit de la désolation, un gouffre sans limites d’où peut surgir l’adieu final, dessiné comme une espérance… le tact des instrumentistes dans ce parcours, entre résignation, renoncement et inextinguible croyance, fait toute la valeur de cette version, particulièrement intéressante sur le plan instrumental. Cerise sur le gâteau, on peut en dire de même du mezzo voluptueux, ample, remarquablement couvert en particulier dans cette séquence, la plus raffinée, du mezzo aux nuances qui se révèlent, d’Eve-Maud Hubeaux. La résurrection et le miracle conclusifs peuvent se réaliser dans les dernières mesures, en un murmure, justement énoncé, … et des plus énigmatiques. Bel envoûtement.

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CLIC_macaron_2014CD, critique, compte-rendu. MAHLER : Le Chant de la Terre. Eve-Maud Hubeaux, mezzo-soprano. Jussi Myllys, ténor. Orchestre Victor Hugo. Jean-François Verdier, direction — 1 cd Klarthe. CLIC de CLASSIQUENEWS de septembre 2017.

 

Gustav Mahler / Le Chant de la Terre

1. Das Trinklied vom Jammer der Erde
La Chanson à boire de la douleur de la terre (ténor)

2. Der Einsame im Herbst
Le Solitaire en automne (mezzo)

3. Von der Jugend
De la jeunesse (ténor)

4. Von der Schönheit
De la beauté (mezzo)

5. Der Trunkene im Frühling
L’Ivrogne au Printemps (ténor)

6. Der Abschied
L’Adieu (mezzo)

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