CD, critique. FR. COUPERIN : Concerts royaux (Les Timbres, 1 cd Flora 2017). RĂ©vĂ©lĂ© aprĂšs lâobtention du Premier Prix au prestigieux Concours International de Bruges en 2009, lâensemble LES TIMBRES, fondĂ© par Yoko Kawakubo (violon), Myriam Rignol (viole de gambe) et Julien Wolfs (clavecin) ne cesse depuis de rĂ©gĂ©nĂ©rer la scĂšne baroque et lâapproche des oeuvres, dont comme ici, les plus difficiles. Les habituĂ©s du Festival Musique et MĂ©moire en haute-SaĂŽne le savent bien Ă prĂ©sent : le collectif quâils ont coutume de suivre chaque Ă©tĂ© (et aussi pendant lâannĂ©e musicale), incarne une pratique musicale en partage qui rĂ©volutionne concrĂštement le fonctionnement dâun ensemble. Ce jeu sans leader, comme sâil sâagissait pour chaque programme, dâune conversation Ă parties Ă©gales, a depuis produit ses effets⊠souvent Ă©blouissants. Lâart subtil, exigeant du consort de violes par exemple, – avant eux dĂ©fendu par Jordi Savall entre autres, devient dans ce dispositif Ă©galitaire, une expĂ©rience forte, rĂ©ellement fluide, oĂč la musique devient langageâŠ
Car il ne suffit pas de jouer les notes, il faut aussi savoir respirer, comprendre la fine architecture qui relie chaque partie Ă lâautre, en un tout organique qui permet surtout Ă chacun de caractĂ©riser sa partie, sans dominer les autres. A une telle Ă©cole de lâintelligence collective, de suggestion et de lâinfinie richesse des nuances, les Timbres font merveille, invitant Ă leur table raffinĂ©e, mĂ©lancolique, enivrĂ©e, plusieurs complices de leur choix, Ă leur convenance, car François Couperin (1668-1733), sâagissant de lâinstrumentarium de ses Concerts royaux, a laissĂ© lâinterprĂšte libre de choisir les combinaisons sonores, question de goĂ»t, question de timbres. Ainsi autour du noyau trinitaire (violon / viole / clavecin), se joignent hautbois, flĂ»tes, seconde viole⊠le miracle se produit Ă la fois voluptueux et subtil, sachant aussi exprimer toute lâineffable grĂące retenue des Ă©pisodes trĂšs contrastĂ©s de lâimmense François Couperin. Pour lâannĂ©e Couperin 2018 – 350Ăš anniversaire, le programme prĂ©cĂ©demment jouĂ© / rodĂ© en concert, ne pouvait mieux tomber.
Couperin ciselé, enchanteur, miraculeux ressuscite grùce aux TIMBRES
Quand François Couperin inventait la musique de chambre
VERSAILLES, heure dominicale⊠Et dâabord, prĂ©cisons lâenjeu du cd, en explicitant la nature et le caractĂšre des piĂšces enregistrĂ©es. Pour chaque dimanche Ă Versailles, Couperin satisfait le plaisir de Louis XIV, grand amateur de « petits concerts de chambre » : la fin du grand siĂšcle, sâaccomplit ainsi Ă lâheure dominicale, en 1714 et 1715, le compositeur offrant au souverain de lumiĂšre, un crĂ©puscule baignĂ© de lueurs chaudes et caressantes, dans lâintimitĂ© de sa chambre, en un rouge et or, fascinant. Les amateurs de peinture diront de teintes solaires et automnales, « vĂ©nitiennes » car le style qui marque la fin du rĂšgne de Louis XIV, est un tonalisme de fin dâĂ©tĂ©, un nĂ©otitianisme, ⊠les Coypel, Rigaud, LargilliĂšre, Lafosse,- pour certains, peintres de la voĂ»te de la Chapelle royale, dernier chantier du Roy-, sâinspirent directement de la palette vaporeuse, chromatique de lâinĂ©galable peintre vĂ©nitien du XVIĂš, Titien. En musique, Couperin fait de mĂȘme, avec la pudeur mĂ©lancolique dâun Watteau.
EditĂ©s Ă Paris en 1722, aprĂšs les avoir jouĂ©s lui-mĂȘme Ă Versailles (depuis le clavecin), les quatre Concerts royaux choisis ici offrent un catalogue de danses dâune poĂ©sie intense, rappelant au Souverain vieillissant, lâĂ©clat juvĂ©nile de sa jeunesse perdue. Car il fut grand danseur. Couperin qui ne fut jamais claveciniste de la Chambre (charge qui incombe Ă DâAnglebert fils), comme Marc-Antoine Charpentier, fut proche du Souverain : la finesse de son Ă©criture parlait directement au cĆur du roi. Mais dĂ©jĂ , la vivacitĂ©, lâespiĂšglerie, une nouvelle virtuositĂ© rayonnante, « italienne » se fait jour en particulier dans les derniĂšres sĂ©quences des derniers Concerts : en cela, Couperin annonce directement Rameau, grand amateur de musicalitĂ© et de vocalitĂ italiennes. Deux ans plus tard, en 1724, les Nouveaux Concerts ou « GoĂŒts rĂ©unis » affirmeront cette dilection ultramontaine. Et la fusion franco-italienne, en un esprit de synthĂšse dont Couperin le Grand garde le gĂ©nie toujours intact. Les Sonades (Sonates en trio dans le goĂ»t italien, selon la terminologie chĂšre au compositeur) citent Corelli ; elles rĂ©pondent et complĂštent ici lâĂ©lĂ©gance racĂ©e des Concerts (strictement français, dans le style du trĂšs admirĂ© Lully dont Couperin Ă©crit une ApothĂ©ose demeurĂ©e cĂ©lĂšbre en 1725 : leur tendresse, leur Ă©quilibre diffusent lâĂ©clat versaillais Ă lâĂ©poque de Louis XIV). Les Concerts Royaux de 1722 (qui forment une totalitĂ© avec leur « suite », les GoĂŒts rĂ©unis de 1724) ne ferment pas une Ăšre, ils la subliment en lâinscrivant irrĂ©mĂ©diablement vers le futur.
LâĂ©criture de Couperin convient dâautant mieux aux Timbres, quâelle cultive et inspire le jeu collectif, le dialogue, lâesprit dâune conversation idĂ©ale. Voici assurĂ©ment le premier sommet de la musique de chambre française.
Les Timbres portĂ©s par lâesprit de connivence, dĂ©voilent aussi tout ce quâa dâexpĂ©rimental, lâinvention de Couperin, lequel envisage lâinterprĂ©tation de ses piĂšces au moyen de divers instruments : flĂ»tes, hautbois comme on a dit mais aussi basson (jouĂ© Ă lâĂ©poque de Versailles par AndrĂ© Danican Philidor). NotĂ©s sur deux portĂ©es (sauf le menuet en trio concluant le Premier concert), les mouvements pourraient ĂȘtre rĂ©alisĂ©s uniquement par le seul clavecin. Mais il appartient aux instrumentistes de jouer sur la diversitĂ© des timbres justement, associant au trio originel (violon, viole, clavecin), un second violon, une seconde viole, les flĂ»tes, le hautbois, etc⊠jeu de couleurs, savant mĂ©lange sonore, comme en tĂ©moigne Couperin lui-mĂȘme quand il Ă©voque les soirĂ©es chez le Roi. La sĂ©duction des Timbres sait prĂ©server la libertĂ© du geste pourtant Ă plusieurs, comme le ferait un seul claveciniste.
PARITĂ MAGICIENNE⊠Sâil ne fallait conserver quâune section, la plage 15 (Sarabande, IVĂš Concert royal) serait notre prĂ©fĂ©rĂ©e, car Ă la fois grave et tendre, riche en renoncement comme pleine de gĂ©nĂ©rositĂ©, elle est emblĂ©matique de tout le disque fabuleusement ciselĂ©, dâune Ă©loquence rare, fondĂ©e essentiellement sur ce qui compose le fonctionnement premier des Timbres : un esprit de paritĂ©, une fraternitĂ© collective qui sait Ă©couter lâautre, lâaccompagner en le mettant en valeur, dans le pur esprit – idĂ©aliste, miraculeux, exemplaire-, dâune vraie complicitĂ© en dialogue.
La sonoritĂ© somptueuse et affĂ»tĂ©e caractĂ©rise la phalange dâinstrumentistes, tous solistes et chambristes de premier plan. Chez Couperin, si exigeant et pointilleux quant au respect de ses indications et nuances, une telle intelligence dâintonation et lâĂ©lĂ©gance du style sâavĂšrent apte Ă exprimer tout le raffinement dâune partition parmi les plus subtiles qui soient, entre lĂ©gĂšretĂ© facĂ©tieuse (plage 16 : Gavotte), surtout langueur dâune nostalgie arachĂ©nĂ©enne (la 15 justement), qui sonne comme le retrait et la rĂ©capitulation de tout un monde de souvenirs, de rĂ©vĂ©rences (le Grand SiĂšcle, celui que met en carton, Watteau dans un cĂ©lĂšbre tableau dont le coloris rare rappelle Ă©videmment la finesse de François le Grand).
Le geste enveloppe, caresse, accompagne le passĂ© vers lâavenir, en une dynamique suave souvent irrĂ©sistible.
Dans tous les tons, sur tous les registres poĂ©tiques, selon le labyrinthe des nuances prĂ©cisĂ©es par François Couperin lui-mĂȘme, dans tous les caractĂšres, le geste des Timbres enchante littĂ©ralement. A lâattention millimĂ©trĂ©e portĂ©e Ă chaque dĂ©tail, Ă chaque nuance, le collectif Ă©galitaire trouve la respiration juste, lâĂ©lĂ©gance naturelle, surtout une intonation dâune mĂ©lancolie souveraine, pourtant dynamique et lumineuse.
FESTIVAL DE NUANCES… entre ombre, nostalgie, ivresse vivace. Câest une maĂźtrise et une intelligence des nuances : le dĂ©liĂ© hautbois / basson de la Courante du IIIĂš Concert ; le grave de la Sarabande du mĂȘme concert, dâune majestĂ© mĂ©lancolique irrĂ©sistible (la plage 15 citĂ©e) à laquelle succĂšde la vivacitĂ© aĂ©rienne de la Gavotte (plage 16) ; le naĂŻvement de la « Muzette », sans omettre la derniĂšre Chaconne dite « lĂ©gĂšre », enchantent. Dans le IVĂš Concert, on relĂšve la mĂȘme ivresse naturelle du jeu collectif : sur le plan des caractĂšres, les interprĂštes en volubilitĂ©, passent du grave au lĂ©ger, puis enchaĂźnent deux Courantes, la premiĂšre « françoise », la seconde italienne ; puis du « trĂšs tendrement », au « lĂ©gĂšrement et marqué », avant de conclure « gayement ». Un festival dâheureuses intonation dâun fini suprĂȘme.
Outre la science des phrasĂ©s, câest lâhymne aux couleurs qui saisit : belle idĂ©e de choisir en couverture, ce Desportes de 1717 qui sĂ©duit le regard par ses symphonies de teintes chromatiques. Le sens du coloris, nuances moirĂ©es dâune infinie dĂ©licatesse, prĂ©pare directement au grand Rameau, gĂ©nie du plein XVIIIĂš (dâailleurs Couperin meurt lâannĂ©e oĂč perce le gĂ©nie ramĂ©lien, en 1733, annĂ©e du scandale de son premier et gĂ©nial opĂ©ra, Hippolyte et Aricie).
Mais ici, la finesse du geste et lâentente de tous qui permet lâĂ©panouissement de chacun, respire avec un naturel, une douceur poĂ©tique, rare et naturelle : Quâil soit musette, chaconne, pavanne⊠chaque Ă©pisode rayonne par sa fraĂźcheur, son alacritĂ©, sa souplesse dĂ©taillĂ©e et gĂ©nĂ©reuse.
Aucune dĂ©monstration, aucune mĂ©ticulositĂ© aride, aucun calcul manifestement affichĂ©, sous-tendu : tout revient au silence, Ă un impĂ©rial lĂącher prise dâoĂč surgit Ă chaque section, lâinfini de lâĂ©vocation et aussi la totalitĂ© humaine de lâincarnation.
Ni abstraite ni calculĂ©e, la musique de Couperin coule avec une apparente sincĂ©ritĂ© qui est Ă©vidence. Une telle maturitĂ© est possible par lâintelligence de chacun avec les autres et le goĂ»t de la nuance, sans sacrifier le naturel. Les Timbres et leurs invitĂ©s solistes ont toutes ces qualitĂ©s aujourdâhui. Partenaires familiers du Festival Musique et MĂ©moire (Vosges du Sud), les instrumentistes avaient créé ce programme pour lâĂ©dition 2016.
EnregistrĂ© en juillet 2017, les musiciens rĂ©alisent lâun de leurs meilleurs albums (aux cĂŽtĂ© de leur Rameau inoubliable de finesse et de poĂ©sie pudique : PiĂšces de clavecin en concert) : Ă travers lâĂ©loquence du geste naturel et prĂ©cisĂ©ment nuancĂ©, sâincarne alors une utopie dâensemble qui restitue au jeu concertant, ce miracle atteint parfois entre plusieurs membres. De toute Ă©vidence, le programme apporte cet Ă©clairage et cette conclusion. Les Timbres sont aujourdâhui une phalange sur instruments anciens parmi les plus convaincantes de lâheure. Pareille subtilitĂ© sâentend rarement. Procurez-vous en urgence ce disque enchanteur : le nouveau son baroque sâĂ©coute et se dĂ©voile Ă travers Les Timbres, un ensemble qui sĂ©duit dĂ©cidĂ©ment de plus en plus. par leur Ă©thique, leur engagement, leurs valeurs⊠un exemple pour toutes les nouvelles gĂ©nĂ©rations dâinstrumentistes.
En juillet 2018, Les Timbres abordent Ă nouveau lâopĂ©ra : Orfeo de Monteverdi avec dans le rĂŽle titre, Marc Mauillon, un Ă©vĂ©nement lyrique Ă ne pas manquer cet Ă©tĂ© (ouverture du Festival, le 13 juillet 2018)
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CD, critique. FR. COUPERIN : Concerts royaux (Les Timbres, 1 cd Flora 2017). CLIC de classiquenews de mai 2018
VOIR notre reportage vidéo Les Timbres enregistrent COUPERIN
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VIDEO, Reportage. Les Timbres jouent COUPERIN. Le 20 avril 2018 sort le nouveau disque de lâensemble sur instruments dâĂ©poque, Les Timbres : Concerts Royaux de François COUPERIN. LâannĂ©e Couperin ne pouvait rĂȘver meilleur hommage ni accomplissement plus pertinent. Reportage vidĂ©o rĂ©alisĂ© pendant lâenregistrement Ă Frasne le ChĂąteau en juillet 2017 â Quâapportent aujourdâhui Les Timbres ? Quels sont les dĂ©fis de lâinterprĂ©tation, le propre de lâĂ©criture de François Couperin, quelle est sa conception de la musique concertante ? Musique dâun Ă©quilibre dĂ©licat oĂč chaque partie compte, se complĂšte, sâĂ©coute, le monde instrumental de Couperin permet aux Timbres de dĂ©voiler davantage ce quâils maĂźtrisent, lâart du dialogue concertĂ©, lâharmonie collĂ©giale dont rĂȘve tout ensemble musical⊠CD rĂ©compensĂ© par un âCLICâ de CLASSIQUENEWS
Réalisation : Philippe-Alexandre PHAM © studio CLASSIQUENEWS.TV 2018
VOIR le teaser du cd concerts royaux de Fr. Couperin par Les Timbres
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NOUVEAU CD, TEASER. Concerts Royaux (Paris 1722) par LES TIMBRES â Les Timbres jouent COUPERIN. Le 20 avril 2018 sort le nouveau disque de lâensemble sur instruments dâĂ©poque, Les Timbres : Concerts Royaux de François COUPERIN. LâannĂ©e Couperin ne pouvait rĂȘver meilleur hommage ni accomplissement plus pertinent. TEASER vidĂ©o rĂ©alisĂ© Ă lâoccasion de lâenregistrement Ă Frasne le ChĂąteau en juillet 2017 â Musique dâun Ă©quilibre dĂ©licat oĂč chaque partie compte, se complĂšte, sâĂ©coute, le monde instrumental de Couperin permet aux Timbres de dĂ©voiler ce quâils maĂźtrisent, lâart du dialogue concertĂ©, lâharmonie collĂ©giale dont rĂȘve tout ensemble musical⊠CD rĂ©compensĂ© par un âCLICâ de CLASSIQUENEWS
Réalisation : Philippe-Alexandre PHAM © studio CLASSIQUENEWS.TV 2018