vendredi 29 mars 2024

CD, critique. FR. COUPERIN : Concerts royaux (Les Timbres, 1 cd Flora 2017)

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COUPERIN par les timbres cd visuel cd classiquenewsCD, critique. FR. COUPERIN : Concerts royaux (Les Timbres, 1 cd Flora 2017). Révélé après l’obtention du Premier Prix au prestigieux Concours International de Bruges en 2009, l’ensemble LES TIMBRES, fondé par Yoko Kawakubo (violon), Myriam Rignol (viole de gambe) et Julien Wolfs (clavecin) ne cesse depuis de régénérer la scène baroque et l’approche des oeuvres, dont comme ici, les plus difficiles. Les habitués du Festival Musique et Mémoire en haute-Saône le savent bien à présent : le collectif qu’ils ont coutume de suivre chaque été (et aussi pendant l’année musicale), incarne une pratique musicale en partage qui révolutionne concrètement le fonctionnement d’un ensemble. Ce jeu sans leader, comme s’il s’agissait pour chaque programme, d’une conversation à parties égales, a depuis produit ses effets… souvent éblouissants. L’art subtil, exigeant du consort de violes par exemple, – avant eux défendu par Jordi Savall entre autres, devient dans ce dispositif égalitaire, une expérience forte, réellement fluide, où la musique devient langage…
ENSEMBLE MAGICIEN : Les Timbres, trio enchanteurCar il ne suffit pas de jouer les notes, il faut aussi savoir respirer, comprendre la fine architecture qui relie chaque partie à l’autre, en un tout organique qui permet surtout à chacun de caractériser sa partie, sans dominer les autres. A une telle école de l’intelligence collective, de suggestion et de l’infinie richesse des nuances, les Timbres font merveille, invitant à leur table raffinée, mélancolique, enivrée, plusieurs complices de leur choix, à leur convenance, car François Couperin (1668-1733), s’agissant de l’instrumentarium de ses Concerts royaux, a laissé l’interprète libre de choisir les combinaisons sonores, question de goût, question de timbres. Ainsi autour du noyau trinitaire (violon / viole / clavecin), se joignent hautbois, flûtes, seconde viole… le miracle se produit à la fois voluptueux et subtil, sachant aussi exprimer toute l’ineffable grâce retenue des épisodes très contrastés de l’immense François Couperin. Pour l’année Couperin 2018 – 350è anniversaire, le programme précédemment joué / rodé en concert, ne pouvait mieux tomber.

 
 
 

Couperin ciselé, enchanteur, miraculeux ressuscite grâce aux TIMBRES

Quand François Couperin inventait la musique de chambre

 
 
 

COUPERIN portraitVERSAILLES, heure dominicale… Et d’abord, précisons l’enjeu du cd, en explicitant la nature et le caractère des pièces enregistrées. Pour chaque dimanche à Versailles, Couperin satisfait le plaisir de Louis XIV, grand amateur de « petits concerts de chambre » : la fin du grand siècle, s’accomplit ainsi à l’heure dominicale, en 1714 et 1715, le compositeur offrant au souverain de lumière, un crépuscule baigné de lueurs chaudes et caressantes, dans l’intimité de sa chambre, en un rouge et or, fascinant. Les amateurs de peinture diront de teintes solaires et automnales, « vénitiennes » car le style qui marque la fin du règne de Louis XIV, est un tonalisme de fin d’été, un néotitianisme, … les Coypel, Rigaud, Largillière, Lafosse,- pour certains, peintres de la voûte de la Chapelle royale, dernier chantier du Roy-, s’inspirent directement de la palette vaporeuse, chromatique de l’inégalable peintre vénitien du XVIè, Titien. En musique, Couperin fait de même, avec la pudeur mélancolique d’un Watteau.

Edités à Paris en 1722, après les avoir joués lui-même à Versailles (depuis le clavecin), les quatre Concerts royaux choisis ici offrent un catalogue de danses d’une poésie intense, rappelant au Souverain vieillissant, l’éclat juvénile de sa jeunesse perdue. Car il fut grand danseur. Couperin qui ne fut jamais claveciniste de la Chambre (charge qui incombe à D’Anglebert fils), comme Marc-Antoine Charpentier, fut proche du Souverain : la finesse de son écriture parlait directement au cœur du roi. Mais déjà, la vivacité, l’espièglerie, une nouvelle virtuosité rayonnante, « italienne » se fait jour en particulier dans les dernières séquences des derniers Concerts : en cela, Couperin annonce directement Rameau, grand amateur de musicalité et de vocalità italiennes. Deux ans plus tard, en 1724, les Nouveaux Concerts ou « Goüts réunis » affirmeront cette dilection ultramontaine. Et la fusion franco-italienne, en un esprit de synthèse dont Couperin le Grand garde le génie toujours intact. Les Sonades (Sonates en trio dans le goût italien, selon la terminologie chère au compositeur) citent Corelli ; elles répondent et complètent ici l’élégance racée des Concerts (strictement français, dans le style du très admiré Lully dont Couperin écrit une Apothéose demeurée célèbre en 1725 : leur tendresse, leur équilibre diffusent l’éclat versaillais à l’époque de Louis XIV). Les Concerts Royaux de 1722 (qui forment une totalité avec leur « suite », les Goüts réunis de 1724) ne ferment pas une ère, ils la subliment en l’inscrivant irrémédiablement vers le futur.
L’écriture de Couperin convient d’autant mieux aux Timbres, qu’elle cultive et inspire le jeu collectif, le dialogue, l’esprit d’une conversation idéale. Voici assurément le premier sommet de la musique de chambre française.

couperin-francois-portrait-couleurs-dossier-francois-couperin-par-classiquenews-francois-couperin-dossier-2018Les Timbres portés par l’esprit de connivence, dévoilent aussi tout ce qu’a d’expérimental, l’invention de Couperin, lequel envisage l’interprétation de ses pièces au moyen de divers instruments : flûtes, hautbois comme on a dit mais aussi basson (joué à l’époque de Versailles par André Danican Philidor). Notés sur deux portées (sauf le menuet en trio concluant le Premier concert), les mouvements pourraient être réalisés uniquement par le seul clavecin. Mais il appartient aux instrumentistes de jouer sur la diversité des timbres justement, associant au trio originel (violon, viole, clavecin), un second violon, une seconde viole, les flûtes, le hautbois, etc… jeu de couleurs, savant mélange sonore, comme en témoigne Couperin lui-même quand il évoque les soirées chez le Roi. La séduction des Timbres sait préserver la liberté du geste pourtant à plusieurs, comme le ferait un seul claveciniste.

PARITÉ MAGICIENNE… S’il ne fallait conserver qu’une section, la plage 15 (Sarabande, IVè Concert royal) serait notre préférée, car à la fois grave et tendre, riche en renoncement comme pleine de générosité, elle est emblématique de tout le disque fabuleusement ciselé, d’une éloquence rare, fondée essentiellement sur ce qui compose le fonctionnement premier des Timbres : un esprit de parité, une fraternité collective qui sait écouter l’autre,  l’accompagner en le mettant en valeur, dans le pur esprit – idéaliste, miraculeux, exemplaire-, d’une vraie complicité en dialogue.

 
 
 

Les Timbres au 22è Festival Musique et MémoireLa sonorité somptueuse et affûtée caractérise la phalange d’instrumentistes, tous solistes et chambristes de premier plan.  Chez Couperin, si exigeant et pointilleux quant au respect de ses indications et nuances, une telle intelligence d’intonation et l’élégance du style s’avèrent apte à exprimer tout le raffinement d’une partition parmi les plus subtiles qui soient, entre légèreté facétieuse (plage 16 : Gavotte), surtout langueur d’une nostalgie arachénéenne (la 15 justement), qui sonne comme le retrait et la récapitulation de tout un monde de souvenirs, de révérences (le Grand Siècle, celui que met en carton, Watteau dans un célèbre tableau dont le coloris rare rappelle évidemment la finesse de François le Grand).
Le geste enveloppe, caresse, accompagne le passé vers l’avenir, en une dynamique suave souvent irrésistible.
Dans tous les tons, sur tous les registres poétiques, selon le labyrinthe des nuances précisées par François Couperin lui-même, dans tous les caractères, le geste des Timbres enchante littéralement. A l’attention millimétrée portée à chaque détail, à chaque nuance, le collectif égalitaire trouve la respiration juste, l’élégance naturelle, surtout une intonation d’une mélancolie souveraine, pourtant dynamique et lumineuse.

 
 
 

FESTIVAL DE NUANCES… entre ombre, nostalgie, ivresse vivace. C’est une maîtrise et une intelligence des nuances : le délié hautbois / basson de la Courante du IIIè Concert ; le grave de la Sarabande du même concert, d’une majesté mélancolique irrésistible (la plage 15 citée)  à laquelle succède la vivacité aérienne de la Gavotte (plage 16) ; le naïvement de la « Muzette », sans omettre la dernière Chaconne dite « légère », enchantent.  Dans le IVè Concert, on relève la même ivresse naturelle du jeu collectif : sur le plan des caractères, les interprètes en volubilité, passent du grave au léger, puis enchaînent deux Courantes, la première « françoise », la seconde italienne ; puis du « très tendrement », au « légèrement et marqué », avant de conclure « gayement ». Un festival d’heureuses intonation d’un fini suprême.

 

Outre la science des phrasés, c’est l’hymne aux couleurs qui saisit : belle idée de choisir en couverture, ce Desportes de 1717 qui séduit le regard par ses symphonies de teintes chromatiques. Le sens du coloris, nuances moirées d’une infinie délicatesse, prépare directement au grand Rameau, génie du plein XVIIIè (d’ailleurs Couperin meurt l’année où perce le génie ramélien, en 1733, année du scandale de son premier et génial opéra, Hippolyte et Aricie).
Mais ici, la finesse du geste et l’entente de tous qui permet l’épanouissement de chacun, respire avec un naturel, une douceur poétique, rare et naturelle : Qu’il soit musette, chaconne, pavanne… chaque épisode rayonne par sa fraîcheur, son alacrité, sa souplesse détaillée et généreuse.
Aucune démonstration, aucune méticulosité aride, aucun calcul manifestement affiché, sous-tendu : tout revient au silence, à un impérial lâcher prise d’où surgit à chaque section, l’infini de l’évocation et aussi la totalité humaine de l’incarnation.

CLIC D'OR macaron 200Ni abstraite ni calculée, la musique de Couperin coule avec une apparente sincérité qui est évidence. Une telle maturité est possible par l’intelligence de chacun avec les autres et le goût de la nuance, sans sacrifier le naturel. Les Timbres et leurs invités solistes ont toutes ces qualités aujourd’hui. Partenaires familiers du Festival Musique et Mémoire (Vosges du Sud), les instrumentistes avaient créé ce programme pour l’édition 2016.

Enregistré en juillet 2017, les musiciens réalisent l’un de leurs meilleurs albums (aux côté de leur Rameau inoubliable de finesse et de poésie pudique : Pièces de clavecin en concert) : à travers l’éloquence du geste naturel et précisément nuancé, s’incarne alors une utopie d’ensemble qui restitue au jeu concertant, ce miracle atteint parfois entre plusieurs membres. De toute évidence, le programme apporte cet éclairage et cette conclusion. Les Timbres sont aujourd’hui une phalange sur instruments anciens parmi les plus convaincantes de l’heure. Pareille subtilité s’entend rarement. Procurez-vous en urgence ce disque enchanteur : le nouveau son baroque s’écoute et se dévoile à travers Les Timbres, un ensemble qui séduit décidément de plus en plus. par leur éthique, leur engagement, leurs valeurs… un exemple pour toutes les nouvelles générations d’instrumentistes.

En juillet 2018, Les Timbres abordent à nouveau l’opéra : Orfeo de Monteverdi avec dans le rôle titre, Marc Mauillon, un événement lyrique à ne pas manquer cet été (ouverture du Festival, le 13 juillet 2018)

 
 
 

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CD, critique. FR. COUPERIN : Concerts royaux (Les Timbres, 1 cd Flora 2017). CLIC de classiquenews de mai 2018

 

 
 
 
 

 

VOIR notre reportage vidéo Les Timbres enregistrent COUPERIN
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COUPERIN portraitVIDEO, Reportage. Les Timbres jouent COUPERIN. Le 20 avril 2018 sort le nouveau disque de l’ensemble sur instruments d’époque, Les Timbres : Concerts Royaux de François COUPERIN. L’année Couperin ne pouvait rêver meilleur hommage ni accomplissement plus pertinent. Reportage vidéo réalisé pendant l’enregistrement à Frasne le Château en juillet 2017 – Qu’apportent aujourd’hui Les Timbres ? Quels sont les défis de l’interprétation, le propre de l’écriture de François Couperin, quelle est sa conception de la musique concertante ? Musique d’un équilibre délicat où chaque partie compte, se complète, s’écoute, le monde instrumental de Couperin permet aux Timbres de dévoiler davantage ce qu’ils maîtrisent, l’art du dialogue concerté, l’harmonie collégiale dont rêve tout ensemble musical… CD récompensé par un “CLIC” de CLASSIQUENEWS

Réalisation : Philippe-Alexandre PHAM © studio CLASSIQUENEWS.TV 2018

 
 
 

VOIR le teaser du cd concerts royaux de Fr. Couperin par Les Timbres
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http://www.classiquenews.com/cd-evenement-couperin-concerts-royaux-par-les-timbres-1-cd-flora-musica/NOUVEAU CD, TEASER. Concerts Royaux (Paris 1722) par LES TIMBRES — Les Timbres jouent COUPERIN. Le 20 avril 2018 sort le nouveau disque de l’ensemble sur instruments d’époque, Les Timbres : Concerts Royaux de François COUPERIN. L’année Couperin ne pouvait rêver meilleur hommage ni accomplissement plus pertinent. TEASER vidéo réalisé à l’occasion de l’enregistrement à Frasne le Château en juillet 2017 – Musique d’un équilibre délicat où chaque partie compte, se complète, s’écoute, le monde instrumental de Couperin permet aux Timbres de dévoiler ce qu’ils maîtrisent, l’art du dialogue concerté, l’harmonie collégiale dont rêve tout ensemble musical… CD récompensé par un “CLIC” de CLASSIQUENEWS
Réalisation : Philippe-Alexandre PHAM © studio CLASSIQUENEWS.TV 2018

  
 
 

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