mardi 19 mars 2024

CD, critique, compte-rendu. MESSIAH, Le Messie (Niquet, 2016 — 2 cd Alpha)

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handel par niquet messiah 1754 cd annonce par classiquenews prochaine critique cd classiquenews 59ce4d81da552CD, critique, compte-rendu. MESSIAH, Le Messie (Niquet). D’emblée cette nouvelle version séduira par son galbe opératique et ses tempi allants, entraînants qui tournent rapidement à la machine opératique. Quitte à diluer, le chef prend manifestement cette option au risque d’une certaine superficiliaté d’ensemble. Question de style et d’esthétisme… que l’on acceptera volontiers car ici, il y a peu à regretter face à un geste indiscutablement cohérent. D’autant qu’il nous gratifie de la version peu jouée pour 5 solistes, soit 2 sopranos au lieu de l’unique habituelle : la multiplication des voix féminines solistes ainsi retenue devrait renforcer la charge humaine de l’interprétation, son sens de l’intercession, sa chaleureuse humanité… Le jeu – inévitable des comparaison s’agissant d’une oeuvre si abondamment abordée reste incontournable et souligne les limites de la version Niquet : étriquée, réductrice, certes très accessible. Immédiatement séduisante. Pourtant la nature médiane entre opéra et oratorio, disons drame sacré, doit se réaliser entre les deux registres, ni trop dramatique et profane, ni trop éthéré et abstrait. Pas facile… C’est pourtant au diapason de ce défi de l’entre deux, que l’interprète doit trouver sa « voie » et convaincre.

Ainsi écoutez celle autrement inspirée, – habitée de Christopher Hogwood, citée dans la notice (et vite expédiée voire minorée), ou mieux, joyau d’un coffret récemment édité par DECCA et dédié aux oratorios de Haendel : Trevor Pinnock ose des tempi ralentis, au souffle suspendu qui fait surgir dès le premier air pour ténor, ce mystère de l’incarnation qui exprime et rend palpable le souffle divin qui traverse tout le cycle.
Chez Niquet rien de tel sinon le drame de l’opéra. Est ce suffisant pour un oratorio anglais de Haendel où pèse à part égale, la spiritualité et l’action dramatique ?

Messie / Messiah trop prosaïque ?

Les oratorios de HaendelMême sur le plan de l’intelligibilité et de l’articulation instrumentale, Hogwood semble investi par ce souffle spirituel qui manque trop à la direction très prosaïque du chef français. Ecoutez Howard Crook dans « Every Valley » : la diversité et la richesse des couleurs, le naturel des nuances, l’élégance de l’anglais sont absents dans la ligne vocale (et les vocalises expédiées du soliste chez Niquet). Même Katherine Watson manque singulièrement de sobriété comparée à sa consoeur Arleen Auger dont le legato sobre, angélique d’une réelle grâce intérieure se fait regretter là encore. Question de style : pour l’opéra, le drame, l’excès de « pathos » et de théâtralité (et parfois le maniérisme contorsionné.., Niquet est fait pour vous. Ce trop plein de lyrique, ce débordement opératique (avec de surcroît une prise de son du choeur, épaisse qui n’est pas valorisant pour l’effort du choeur) devient difficile. En général la prise de son trop réverbérée fait perdre la lisibilité du contrepoint choral (fugues souvent savonneuses), un contresens à la volonté d’expressivité défendue ailleurs.

Poursuivons notre écoute. Sur le cd2, malheureusement Anthea Pichanick étale un contralto terre à terre, prosaique et finalement laid, d’une articulation trop vulgaire pour l’édification morale du sujet (n°23 : «  He was despised »). D’autant que la tenue de l’orchestre derrière son élocution plate, n’est qu’illustrative, – à 1000 lieues de l’élégance que savait insuffler ici un Christie.
Enfin c’est l’air de la soprano I (ici Sandrine Piau), qui dans le début de la PART III (I know that my Rdeemer liveth) inscrit et synthétise les arguments et les limites de la présente lecture : à ce degré de perfection vocale et de justesse dans l’intention (fragilité si humaine que sait distiller la cantatrice), on loue la noblesse et la dignité du geste (car il s’agit bien d’une espérance formulée, celle d’une croyante affirmant la certitude de la croyance au delà de la pourriture de son corps), mais la direction derrière la soliste se montre si peu nuancée, elle aussi prosaique et rien que narrative.I l faut écouter toute l’articulation ciselée que savent apporter et cultiver les autres chefs, cités ci dessous, infiniment plus inspirés. Même sentiment et plus attristé par le n°28, et l’air de libération voire de révélation que doit instiller le soprano II (ici Katherine Watson) : son beau timbre accuse des aigus déjà courts et usés, et une intonation qui n’exprime en rien la richesse de l’expérience spirituelle qu’évoque le texte. La chanteuse chante mais n’exprime rien sinon un beau chant (nasalisé quand même) qui s’écoute pour lui-même.
Même cette incisivité parfois fulgurante de Pinnock semble définitivement perdue.
Pour une autre perception plus énigmatique, spirituelle, plus naturelle, et d’une inénarrable inspiration perdez vous dans les versions de William Christie, Paul McCreesh (geste élégant, présence du mystère). Ici où est l’éloquence du geste, le secret et l’énigme de la foi triomphante ?
Car à travers les 3 parties, Haendel réussit un tour de force en révélant peu à peu, par le choeur et les solistes, la force de la foi révélée, incarnée, explicitée. Une lecture qui laisse un sentiment d’inachevé, d’inapprofondi. Dommage que l’ensemble fondé par Niquet ait choisi cet enregistrement pour célébrer par le disque ses 30 ans… prise de son épaisse, plateau en déséquilibre ou si peu traversé par le doute et la question spirituelle du texte, orchestre articulé mais strictement illustratif. Si l’on compare avec l’ensemble de Bill Christie (incontournable chez Haendel d’où notre comparaison), pas un manquement à sa ligne esthétique depuis sa création : de la finesse et du mystère (éléments clés chez le Saxon, surtout dans le Messie, comme dans la Messe en si). Peut on en dire autant des effectifs ici réunis ?

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CD, critique, compte-rendu. MESSIAH 1754, Le Messie (Niquet). 2 cd Alpha – enregistrement réalisé à Paris, ND du Liban, décembre 2016 – Piau, Watson, Pichanick, Charlesworth, WOlf – Le Concert Spirituel – Hervé Niquet (2 cd Alpha 362).

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