vendredi 19 avril 2024

CD, compte rendu critique. La Mascarade : Robert de Visée, Francesco Corbetta. Rolf Lislevand, 1 cd ECM New Series…

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lislevand rolf la mascarade theorbe guitareCD, compte rendu critique. La Mascarade. Pièces pour théorbe de Robert de Visée / pour guitare de Francesco Corbetta. Rolf Lislevand, 1 cd ECM New Series…
Bien que le présent album n’exprime pas l’ultime défi imposé par le luth (si magicien), tel que maîtrisé par l’immense et trop rare Miguel Yisrael auquel CLASSIQUENEWS a récemment attribué le CLIC de CLASSIQUENEWS pour le superbe disque Les Rois de Versailles (Pinel de Visée), on s’incline cependant face à la construction du programme et face à l’intelligence musicale de l’interprète : alterner le bas théorbe et l’éclatante guitare renforce le contraste des deux sonorités et des deux mondes, comme sur le plan des caractères, surgit chacun par opposition/dialogue, l’alchimie allusive et poétique des instruments, un accord rare entre suavité et folie, repli et affirmation. Si la maîtrise de l’instrument au XVIIè est l’élément premier du gout des élites (Louis XIII et Louis XIV), on entend plus au Château de Versailles, de concerts ou de récitals pour l’instrument seul : son écoute est pourtant d’un bénéfice rare…

Mais aujourd’hui, les séducteurs plus faciles, séduisent non plus sur le luth mais le théorbe, instrument beaucoup plus aisé et confortable pour l’interprète, et d’une profondeur, ample, caverneuse, délicatement suggestive, d’un abord irrésistible, d’une suavité qui emporte…
C’est évidemment l’apport de ce programme serti dans le raffinement sonore et l’allusion ciselée.

 

 

 

Castagnette de Corbetta, volutes évanescentes de de Visée

 

lislevand rolf theorbe A-1006977-1378760560-2457.jpegRolf Lislevand (né en 1961) y cultive l’art indéniablement virtuose de l’intimité poétique. Ici et là on relève, l’excellence des climats défendus, idéalement énoncés, intelligemment contrastés : étonnante gravité résonante de Visée (Prélude en ré mineur), l’allant plein de sobre panache de la passacaille en ré mineur qui lui fait suite, et son déroulement à la fois princier et d’une douceur nostalgique enchantée… Que dire aussi de la nostalgie des Sylvains de Mr Courperin, ou de la tendresse ciselée de la Passacaille en sol mineur de Francesco Corbetta (à la guitare / lequel l’apprit au Roi-Soleil parait-il), comme sur le même instrument plus nerveux, aux accents plus pincés, de la virtuosité fantasque, libre, délirante du Caprice de Chaconne ? Le tempérament altier de Corbetta ; l’ivresse nostalgique plus royale de Visée, composent l’équation réussie de ce cocktail sonore remarquablement réalisé. Ses enchaînements subjuguent littéralement.

La Chaconne en sol majeur de Visée qui suit, sur le théorbe enchante par ses teintes nuancées, sa palette presque plus brumeuse d’un noble abandon : tout le caractère et l’envoûtement du programme est contenu dans cette pièce majeur de presque 7 mn…
L’impériale digitalité de l’instrumentiste quinquagénaire qui pourtant ne joue pas le luth, affirme une vélocité habitée, d’une tension continue (formidables scintillements de chacun de ses Préludes / Intro pour les deux Passacailles de Visée, éclairant par un pur esprit vivace, la nature dansante des pièces choisies. Elève de Hopi (Hopkinson Smith), comme Miguel Ysrael, Lislevand architecture un récital à double facette : élégance versaillaise des Passacailles, Chaconnes, Préludes de Visée ; irrévérences et crépitements des Sarabande, Caprice, Folie de Corbetta… Et pour finir en une métamorphose enivrée qui s’apparente à une impro d’entre deux, le théorbiste passe dans la dernière séquence, de la Passacaille à la Sarabande, toutes deux en si mineur, autant de volutes aspirées, aériennes, d’une vélocité maîtrisée, comme ses Corbetta avaient le nerf bravache des castagnettes. Superbe récital du poète venu d’Oslo. Mais au théorbe, pas au luth.

 

 

 

CLIC_macaron_2014CD, compte rendu critique. La Mascarade. Pièces pour théorbe de Robert de Visée / pour guitare de Francesco Corbetta. Rolf Lislevand, théorbe à 14 choeurs / Guitare baroque à 5 choeurs. 1 cd ECM New Series, enregistré en 2012. 48 mn. CLIC de CLASSIQUENEWS de l’été 2016. Paru en mai 2016.


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