vendredi 29 mars 2024

CD, coffret. Compte rendu critique. RICHARD WAGNER : Der Ring des Nibelungen – 14 cd RCA / SONY Classical / 1981-1983)

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wagner janowski der ring des nibelungen 14 cd coffret box review cd critique cd par classiquenews synthese et pertinence artistique classiquenewsCD, coffret. Compte rendu critique. RICHARD WAGNER : Der Ring des Nibelungen – 14 cd RCA / SONY Classical / 1981-1983). Et dire que certaines oreilles plus pincées que fines ont jeté aux orties cette intégrale Wagnérienne (enregistrée de 1981 à 1983), au motif que le chef allait faire bien mieux trois décennies après avec un autre orchestre (de la Radio berlinoise). Pourtant la distribution dès le début des années 1980, s’avère passionnante bien supérieure à ce qui se faisait alors à Bayreuth et ailleurs. Quant la plupart des directeurs préfèrent les portes voix hurleurs pour « passer » la fosse (non enterrée comme à Bayreuth selon le voeu de Wagner), Marek Janowski préfère choisir ses chanteurs dans le sens d’un théâtre psychologique et intimiste, avec une balance chambriste, rééclairant évidemment les situations dramatiques. Dans le sillon d’un Karajan, le chef allemand d’origine polonaise s’accorde au défi d’un Wagner humain, aussi psychologique que dramatique. Or l’on sait combien la manipulation et la perversité cynique sont à l’œuvre dans le Ring. C’est souligner en définitive le bien fondé de sa démarche.

 

 

Le RING de Janowski, un théâtre psychologique

 

D’autant que l’orchestre de la Staatskapelle de Dresde est d’une subtilité instrumentale riche autant en intentions dramatiques voire psychologiques, qui s’accorde idéalement à la maîtrise globale du chef l’un des grands Wagnériens à réhabiliter d’urgence, d’autant plus incontournable que l’été 2017 le revoit à Bayreuth dans un Ring musicalement impeccable, soigné, raffiné et dramatique (d’ailleurs France musique diffuse les 3 dernières Journées de cette Tétralogie 2017 à suivre… Lire notre présentation de la Tétralogie / Der Ring des Nibelungen Bayreuth 2017 par Marek Janowski).

Pourquoi réévaluer le RING de Janowski ?

 

norman jessye divaLes arguments les plus irrésistibles en sont Jessye Norman, Sieglinde de rêve enivrée, amoureuse, lumineuse et d’une radicalité époustouflante, dans l’intention et l’articulation d’autant que face à elle, les répliques du Siegmund de Siegfried Jerusalem est plus que convaincant : lui aussi incarné, habité pour une trop brève séquence de plénitude amoureuse, le seul épisode véritablement heureux de toute la Tétralogie. La lyre sentimentale enfin débarrassée de toute entrave se déploie ici, mieux que dans Tristan und Isolde qui eux ne peuvent vivre leur union, sauf sous couvert de la nuit dissimulatrice. Les Wälsungen, frère et sœur incestueux, s’accordent un court temps d’extase éperdue (Acte I de La Walkyrie) ; malgré la noire jalousie de Hunding, l’époux brutal, diabolique de Sieglinde… De cette union bénie allait naître le héros à venir : Siegfried.
Même engouement pour le Loge astucieux, fin, trouble, véritable magicien de l’instant et enchanteur allusif, du ténor Peter Schreier (qui connaît d’autant mieux le rôle qu’il l’a aussi incarné pour Karajan au cd comme au dvd, c’est dire). Son Mime dans Siegfried saisit tout autant par la vérité et la finesse de sa caractérisation. Schreier fut un acteur à l’articulation fine et phrasée soit une maîtrise linguistique et dramatique exceptionnelle qui impose un modèle d’incarnation chez Wagner.
Tout aussi luxueux et d’une vérité dramatique parfaitement associée au chant calibré de la parure orchestrale, les noirs et maléfiques, Kurt Moll (Hunding) et l’inoubliable basse Matti Salminen (Hagen), qui fait aussi un excellent et caverneux géant Fafner (dans l’Or du Rhin / Reingold).

La Fricka d’Yvonne Minton est subtile et précise d’une caractérisation très juste : en elle s’affirment de plus en plus l’obligation de la loi, celle édictée par Wotan qui est le premier à en souffrir contradictoirement. Norma Sharp fait l’oiseau de la forêt le plus suggestif qui soit, merveille de beau chant complice et enchanteur. Sa sensualité active renforce l’onirisme de la geste de Siegfried qui se déploie alors…. Rayonnante bravoure avant la faiblesse tragique qui s’avèrera auto destructrice pour le héros courageux mais trop naïf dans l’opéra suivant (le crépuscule des dieux).
On voit bien que ce Ring fut trop vite écarté : une écoute attentive montre le souci de l’articulation dramatique, le sens de l’approfondissement psychique des caractères, lesquels évoluent considérablement d’une Journée à l’autre ; à tel point que, avant l’écriture cinématographique, l’orchestre semble varier les points de vue, d’actes en actes, privilégiant l’analyse d’une situation selon le regard qu’en a, tel ou tel protagoniste. De cet écheveau de conceptions psychologiques, Janowski fait un drame collectif passionnant à suivre. A réécouter d’urgence. Ce Ring de Janowski est le premier cycle intégral conçu pour le disque et le studio, après l’intégrale légendaire – première stéréo du Ring, par Sir Georg Solti pour Decca à partir de 1958.

 

 

wagner_gotterdammerung_4cd_sony_opera_houseRévélation du Wagner symphoniste… Et pour mieux estimer encore l’apport du chef Janowski au Wagner symphoniste, lire notre présentation du seul Crépuscule des dieux, au moment de réédition en coffret seul (4 cd) par Sony (2013) : … » A notre avis, le symphoniste wagnérien n’a pas encore été suffisamment célébré dans une telle direction au souffle indiscutable. De ce point de vue le sommet du Ring, Le Crépuscule des Dieux offre une vision orchestrale d’un fini irrésistible avec des éclairs chambristes réellement passionnants, une balance instrumentale certainement très proche du dispositif Bayreuth souhaité par Wagner. » / collection Sony opera house (4 cd The Sony Opera House).

 

 

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CLIC_macaron_2014CD, coffret. Compte rendu critique. RICHARD WAGNER : Der Ring des Nibelungen – 14 cd RCA red seal / SONY Classical 2013.

Theo Adam, Matti Salminen, Kurt Moll, Siegmund Nimsgern (basses)
Siegfried Jerusalem, René Kollo, Peter Schreier, Christian Vogel (ténors)
Jeannine Altmeyer, Jessye Norman, Norma Sharp, Lucia Popp, Cheryl Studer (sopranos), Yvonne Minton, Ortrun Wenkel (mezzo-sopranos)

Männer des Staatsopernchores Leipzig
Staatsopernchor Dresden
Staatskapelle Dresden
Marek Janowski, direction (enregistrement réalisé de 1981 à 1983)

 

 

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