CD. Anfossi : La Finta Giardiniera, 1774. Werner Ehrhardt, 2011     …     Il y a quelques annĂ©es pour rĂ©tablir le contexte de composition de Mozart et rĂ©vĂ©ler tout ce qui fait son gĂ©nie Ă son Ă©poque, Ă©tait exhumĂ© le Don Giovanni de Gazzaniga : une partition antĂ©rieure Ă Mozart, certes attachante qui n’a ni le souffle ni la vision architecturale prĂ©romantique de l’oeuvre mozartienne.

Théùtre enflammĂ© et juvĂ©nile d’Anfossi …
Mozart a du connaĂźtre cette partition finement troussĂ©e de son confrĂšre Anfossi, nĂ© en Italie du nord et trĂšs rapidement formĂ© sur le modĂšle napolitain : rien de mieux pour maĂźtriser l’art ciselĂ© du comique lyrique. De fait, sa Finta Giardiniera respire la douceur tendre et volage des amants dĂ©lirants, dans un style trĂšs europĂ©en, riche en formules divertissantes et faciles mais toujours d’une rĂ©elle Ă©lĂ©gance. On imagine que le vertige des arias souvent Ă vocalises, combinĂ© Ă l’impĂ©tuositĂ© facĂ©tieuse et souvent juste d’un orchestre oĂč dominent l’agilitĂ© des cordes ait immĂ©diatement sĂ©duit les auditeurs et surtout le jeune Mozart qui sur le sillon ainsi inaugurĂ©, s’empresse de rendre et livrer sa propre version de La Finta Giardiniera (livret de Giuseppe Pietrosellini). Cette Ă©lĂ©gance Ă©clectique et europĂ©enne vient directement de ses deux maĂźtres napolitains, europĂ©ens distinguĂ©s autant qu’adulĂ©s et sollicitĂ©s, Piccinni et Sacchini, les deux figures italiennes majeures Ă Paris sous la rĂšgne de Louis XVI et Marie-Antoinette au dĂ©but des annĂ©es 1780.
Délices et trépidations sentimentales
Dans cet Anfossi, nous goĂ»tons les dĂ©lices d’un vocabulaire musical et lyrique d’une exquise suavitĂ© dramatique, piquante et tendre … autant de qualitĂ©s spĂ©cifiques que musiciens, chanteurs et chef s’ingĂ©nient Ă servir ici de leur mieux. Aucun des rĂŽles ne dĂ©mĂ©rite, autant dans la langueur feinte, les serments sincĂšres que le dĂ©lire hallucinĂ© parfois parodique mĂȘme (voyez le couple purement buffa des domestiques : Serpetta et Nardo ; Serpetta regarde Ă©videmment du cĂŽtĂ© de La Serva Padrona de pergolĂšse, regardant du cĂŽtĂ© de son patron le PodestĂ …).
Cette richesse de tons et d’accents est idĂ©alement dĂ©fendue et exprimĂ©e par la qualitĂ© collective des solistes et par le chef qui assurent un continuo et un soutien orchestral souvent trĂšs palpitant et nuancĂ©. Leur mĂ©rite vient d’une attention Ă varier l’accompagnement, Ă©cartant la rĂ©pĂ©tition des formules comme l’ennui du systĂšme.
Les voix fraĂźches, ductiles, expressives sont des tempĂ©raments théùtraux, trĂšs finement incarnĂ©s par tous au point souvent d’Ă©blouir par une flexibilitĂ© dramatique plutĂŽt convaincante (piquante voire exquise Nuria Rial en Sandrina et Katja Stuber en Arminda, ou Nedro plein de fougue juvĂ©nile de l’Ă©patant jeune baryton Florian Götz au timbre idĂ©alement mozartien – pour lui demain les Guglielmo, Figaro voire Leporello ?- … entre autres).
Voici une perle lyrique qui n’a pas volĂ© son rayonnement au XVIIIĂš et l’on comprend pourquoi Mozart ait certainement puiser ici son inspiration gĂ©niale entre vocalitĂ et jeu purement dramatique, dĂ©lire et poĂ©sie, pour sa propre conception du buffa. Superbe dĂ©couverte servie par une jeune troupe de chanteurs totalement irrĂ©sistible.
Pasquale Anfossi: la Finta Giardiniera, 1774. Mikenko Turk, Florian Gotz , Katja Stuber, Krystian Adam, Nurial Rial, … L’Arte del Mondo. Werner Ehrhardt, direction. 3 cd DHM. Enregistrement rĂ©alisĂ© en novembre 2011.
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