ARTE. Jeudi 6 juillet 2017, 20h55. BIZET : CARMEN par Tcherniakov. Depuis de longues annĂ©es, les productions lyriques Ă Aix sont le prĂ©texte de prise de pouvoir par les metteurs en scĂšne. Parfois au risque dâune dĂ©naturation de lâunitĂ© musicale et de lâĂ©quilibre originel, dramatique et lyrique souhaitĂ© par le compositeur⊠Aix ne dĂ©roge pas en cela d’une tendance planĂ©taire : pour renouveler, rĂ©gĂ©nĂ©rer le genre lyrique, les directeurs de théùtres ou de festivals lyriques, n’hĂ©sitent pas Ă inviter des metteurs en scĂšne aux dictats théùtreuses souvent criminelles qui n’ont que faire de l’efficacitĂ© musicale ; seul compte pour beaucoup la validitĂ© d’une grille dramaturgie et des trouvailles / gadgets qui finalement attĂ©nuent pour beaucoup l’impact dramatique de la seule musique. Dans bien des cas, on se passerait volontiers de mise en scĂšne, tant les productions relĂšvent le plus souvent de cette “malscĂšne” – comme on parle de malbouffe, ici et lĂ regrettĂ©e. Mais qu’importe, les effets spectaculaires, Ă grand renfort d’images et de sensations visuelles crĂ©ent le buzz. Rien ne suffit alors pour mieux faire parler d’un spectacle, soit-disant ou autoproclamĂ© “Ă©vĂ©nement” lyrique de l’annĂ©e ou de l’Ă©tĂ©, ou de la rentrĂ©e. VoilĂ bien longtemps que sâagissant de Bizet, lâauteur nâa plus voix au chapitre. Dâautant quâĂ la crĂ©ation en 1875, scandaleuse, lâĂ©chec ressenti avait prĂ©cipitĂ© le musicien dans une dĂ©pression, marquĂ©e quelques jours aprĂšs, par sa mort par noyade. Les Ă©vĂ©nements rĂ©els de sa disparition ne sont toujours pas clairement Ă©lucidĂ©s.
PANNE SEXUELLE POUR DON JOSĂ
Mais le propre des chefs dâoeuvres de lâopĂ©ra nâest il pas dâĂȘtre confrontĂ© toujours et encore Ă la grille de lecture de metteurs en scĂšne omniprĂ©sents / omnipotents ? Au Festival dâAix, “Carmen” nâa Ă©tĂ© reprĂ©sentĂ© quâune seule fois en 1957. 60 ans plus tard, le chef espagnol remarquĂ© en 2014 pour « la FlĂ»te enchantĂ©e », Pablo Heras-Casado, sâen empare sur la scĂšne du Grand Théùtre de Provence. AprĂšs « Don Giovanni » montĂ© en 2010, le metteur en scĂšne Dmitri Tcherniakov, iconoclaste, provocateur, plus théùtral que rĂ©ellement opĂ©ratique, mais toujours soucieux de la cohĂ©rence psychologique des caractĂšres, offre Ă Aix sa premiĂšre vision de « Carmen ». Son approche sâintĂ©resse plus Ă la continuitĂ© Ă©motionnelle des protagonistes, laquelle ne rencontre pas toujours le temps musical : on lâavait vu dans Don Giovanni (avec titres projetĂ©s indiquant les Ă©carts du temps narratif alors dĂ©fendu, et des tombers de rideau trop nombreux, coupant lâĂ©coulement du continuum musical). Ce Don Giovanni Ă©tait plus celui de Tcherniakov que celui de Mozart. Quâen sera-t-il pour Carmen ? Relecture originale mais respectueuse ou appropriation dĂ©calĂ©e ?
DâaprĂšs les premiĂšres informations tirĂ©es des rĂ©pĂ©titions, Dmitri Tcherniakov privilĂ©gie surtout le regard de JosĂ©, plutĂŽt que de Carmen : le soldat qui trahit lâarmĂ©e, abandonne la fiancĂ©e trop sage que sa mĂšre lui destinait (MicaĂ«la), devient brigant puis marginal, dĂ©calĂ©, ⊠tout pour Carmen, laquelle le trahit en fin dâaction, affirme ce qui intĂ©resse le metteur en scĂšne et homme de théùtre : le profil dâun inadaptĂ©. JosĂ© souffre parce quâil est dĂ©passĂ© par lâamour quâil ressent ; il en perd toutes notions concrĂštes, se dĂ©socialise car il ne vit que pour et par ses sentiments. Le parti est justifiĂ© : MĂ©rimĂ©e dans sa nouvelle originelle dont est tirĂ©e lâopĂ©ra (adaptation des librettistes Meilhac et HalĂ©vy), structurait lui aussi son propos selon lâ angle de Don JosĂ©.
JOSĂ en handicapĂ© sexuelâŠ
Voici donc la descripion du spectacle Ă venir : « Don JosĂ© forme un couple avec MicaĂ«la, conformĂ©ment Ă ce que nous apprend lâexposition de lâopĂ©ra, mais il a perdu tout dĂ©sir sexuel. Câest la raison pour laquelle MicaĂ«la le conduit dans un lieu Ă vocation thĂ©rapeutique oĂč, par le biais de scĂšnes jouĂ©es et de jeux de rĂŽle, on va tenter de rallumer la libido de son fiancĂ©. Le spectacle se situe donc dans un dĂ©cor unique, vaste lieu avec de multiples entrĂ©es, recoins et fenĂȘtres (donnant notamment sur une galerie au premier Ă©tage). LĂ , vont se dĂ©rouler les diffĂ©rentes scĂšnes de lâopĂ©ra, qui ont toutes une charge fantasmatique : scĂšnes de garnison, flirt avec les cigariĂšres, et surtout apparition dâune figure fĂ©minine exerçant une forte attraction sexuelle â câest Carmen ! Cette figure fictionnelle va sâemployer Ă soigner Don JosĂ© par ses danses et scĂšnes de sĂ©duction. Don JosĂ© lui-mĂȘme nâest pas conscient que toutes les scĂšnes quâil vit sont factices. Et la brĂ»lante passion quâil va Ă©prouver pour Carmen, ainsi que ses emportements jaloux et sa violence, vont faire dĂ©railler le jeu, jusquâĂ la tragique scĂšne finale⊠A moins que tout ne se rĂ©duise Ă des faux-semblantsâŠ. »
Que donnera tout cela sur la scĂšne aixoise ? RĂ©ponse sur Arte le 6 juillet 2017, 20h55 (diffusion en lĂ©ger diffĂ©rĂ©, car la chaĂźne Ă©vite les risques du direct pur, en diffusant en dĂ©calĂ© afin de mĂ©nager un temps de rĂ©action pour Ă©viter interruptions, incidents, intrusion non prĂ©vusâŠ).
CĂŽtĂ© vocal, c’est bien lĂ que la valeur de cette nouvelle production aixoise devrait marquer des points : on relĂšve la prĂ©sence de la gĂ©nĂ©ration nouvelle de jeunes chanteurs confirmĂ©s et dĂ©jĂ remarquĂ©s par CLASSIQUENEWS, Ă travers de rĂ©centes production : Elsa Dreisig (mezzo-soprano couronnĂ©e par les Concours de Clermont-Ferrand puis Operalia (Micaela), les chanteurs Guillaume Andrieux (Aben Hamet puis PellĂ©as Ă Tourcoing), surtout l’excellent Mathias Vidal dont on ne cessera jamais assez de louer le sens de la diction, le jeu percutant, le style vif argent d’un chant prĂ©cis et toujours trĂšs actif (Remendando).
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ARTE, Jeudi 6 juillet 2017, 20h55. BIZET: Carmen - en lĂ©ger diffĂ©rĂ© du Grand Théùtre de Provence – DurĂ©e envisagĂ©e : 3h
Georges Bizet (1838 – 1875)
CARMEN
Opéra-comique en quatre actes
Livret d’Henri Meilhac et Ludovic HalĂ©vy
d’aprĂšs la nouvelle de Prosper MĂ©rimĂ©e
Créé le 3 mars 1875 Ă l’OpĂ©ra Comique
NOUVELLE PRODUCTION
3h entracte compris
Spectacle en français surtitré en français et en anglais
Direction musicale : Pablo Heras-Casado
Mise en scÚne et décors : Dmitri Tcherniakov
Carmen : StĂ©phanie d’Oustrac
Don José : Michael Fabiano
Micaëla : Elsa Dreisig
Escamillo : Michael Todd Simpson
Frasquita : Gabrielle Philiponet
MercédÚs : Virginie Verrez
Zuniga : Christian Helmer
Morales : Pierre Doyen
Le DancaĂŻre : Guillaume Andrieux
Le Remendado: Mathias Vidal
ChĆur Aedes
ChĆur dâenfants : MaĂźtrise des Bouches-du-RhĂŽne
Orchestre de Paris