lundi 5 mai 2025

Weill: Mahagonny (Madrid, 2010)1 dvd Bel Air classiques

A lire aussi
En septembre 2010, Gérard Mortier directeur du Teatro Real de Madrid invite une troupe fétiche: les Catalans déjantés exubérants de la Fura dels Baus… La mise en scène et tout le dispositif scénique jouent sur l’accumulation des ordures, la bestialité envahissante d’une barbarie humaine en marche, où le cynisme et le sadisme font leur loi; de la verve satirique de la partition très ancrée dans l’esthétique expressionniste et pessimiste du Berlin des années 1930, choc de la crise oblige, les Catalans font une scène déglinguée, sordide, laide, souvent sombre; le sexe, la nourriture, l’alcool sont ici la sainte trilogie ordinaire… entre l’esprit du cabaret, le cirque (parodie de justice au III pour le procès de Jimmy), l’oratorio (le dernier duo des adieux entre Jenny et Jimmy, Crane duet ou duo des grues), la réalisation traverse l’action sent vraiment exprimer l’amertume souterraine, ce poison dilué qui colore aussi l’opéra de Weill: à Madrid, c’est moins un théâtre désespéré et ténébriste, qu’une comédie musicale où les chanteurs, belles voix certes (Measha Brueggergosman) déploient un miel vaguement habité, mais si peu proche du texte. Comme l’Opéra de Quat’sous, Rise and Fall of Mahagony (chanté ici en anglais et non en allemand, d’où la perte de cette âpreté linguistique qui fait tant défaut ici), Grandeur et décadence de la ville de Mahagony, même si la succession des tableaux tend à la métaphore et l’allégorie critique pour le genre humain, reste du théâtre: le verbe agissant, le geste vocal sont pourtant les composantes majeures du spectacle. On peut apprécier ce dispositif scénographié (parfois lourd dans ses références visuelles comme la scène du manger où les ouvriers chercheurs d’or sont nourris comme le bétail…). La Fura ne peut offrir que ce qu’elle a: des idées visuelles qui finissent par encombrer…
Le sordide, le laid, la monstruosité d’une société qui sacrifie tout pour l’or et l’argent… oui on a compris! Seuls, Jane Henschel (Leocadia Begbick), Willard White (Trinity Moise), Michaël König (Jim) tirent leur épingle du jeu: vrais tempéraments qui accrochent justement ce texte qui tend à disparaître au second plan.
Même problème de nuances et de précision psychologique pour le chef dans la fosse: le jeune maestro confond expressivité, surjeu, fracas avec justesse et vérité: tendu, sec, sans véritable caresse trouble, la direction de Pablo Heras-Casado oublie la noirceur amère d’une partition qui sonde en profondeur l’âme humaine. Souvent chez La Fura dels Bahaus, le visuel encombre et déborde, là ou seule la musique, si elle était réellement ciselée, peut tout dire. A méditer. Production à demi convaincante.

Kurt Weill: Mahagonny (Rise and Fall of the City of Mahagonny).
Jane Henschel, Donald Kaasch, Willard White, Measha Bruggergosman, Michael König, Choeurs et orchestre du Teatro Real Madrid. Pablo Heras-Casado, direction. La Fura dels Baus, mise en scène. 1 dvd Bel Air classiques BAC067. 2h18mn
Derniers articles

OPÉRA DE LIMOGES. POULENC : Les mamelles de Tiresias, les 13 et 15 mai 2025. Sheva Téhoval, Jean-Christophe Lanièce, … Samuel Jean (direction), Théophile...

Pour Les Mamelles de Tirésias, Guillaume Apollinaire invente de toute pièce, le terme de « surréaliste » ! Le...

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img