mercredi 14 mai 2025

Versailles. Opéra Royal, le 1er juillet 2012. Haendel : Serse. Malena Ernman, Luigi de Donato… Jean-Christophe Spinosi, direction

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Festival Haendel à Versailles
Par notre envoyée spéciale Monique Parmentier

Alors que le Festival Haendel est à son zénith au Château de Versailles, en ce dimanche de début juillet , la représentation de Xerxès (ou Serse), le dernier opéra italien de Haendel, est véritablement aussi folle et brillante que le Caro Sassone l’aurait lui – même certainement aimé, tant il a voulu cet opéra différents de tous les autres.

Tout était réuni pour cela. La musique, les musiciens, le lieu qu’on ne présente plus tant son cadre et son acoustique sont un régal et pour les interprètes et pour le public.

Xerxès est donc la dernière œuvre scénique d’Haendel. Elle ne connut qu’un faible succès à sa création et disparu ensuite du répertoire jusque dans les années 1920. Après l’Alcina si noire et mélancolique, son œuvre précédente, elle revient à un genre qu’Haendel lui-même avait jusqu’alors quasi rejeté, la tragi-comédie voire la bouffonnerie.

Si l’on ignore qui est « l’auteur » du livret, ce dernier s’inspire directement de celui écrit pour Bononcini par Niccolo Minato en 1694 sur le même thème, reprenant lui-même le livret qu’il avait déjà réalisé pour Cavalli quelques années plus tôt.

Xerxès, roi de Perse y tombe amoureux de Romilda, une jeune femme de la noblesse, elle-même amoureuse d’Arsamène le frère du roi et fille d’Ariodate, le général du Xerxès. La sœur de Romilda, Atalante, jette son dévolu sur Arsamène et vient troubler un temps la relation des deux jeunes gens qui tentent comme ils peuvent de sauver leur amour, ce à quoi ils parviendront, aidés en cela par le serviteur d’Arsamène, Elviro et par la promise de Xerxès, Amastre.


Xerxès, un arc en ciel de nuances et de couleurs


Jean-Christophe Spinosi
, s’entoure d’une distribution magnifique, qui sur le papier déjà semblait riche en promesses qui ont pour l’essentiel été plus que tenues.

Ce superbe coloriste aussi bien de la pâte orchestrale que des timbres vocaux nous a permis de passer une soirée exceptionnellement riche en plaisirs musicaux et scéniques. Car s’il s’agissait d’une version de concert, les chanteurs se sont mis en scène, certains chantant sans partitions comme Malena Ernman et Bruno Taddia ou ne s’en servant que comme d’un simple aide mémoire. Libres de leurs mouvements, ils ont vécu leur rôle avec sensibilité et humour, se laissant emporter comme Malenna Ernman à esquisser un pas de danse avec le chef à la fin d’un de ses airs « Per rendermi Beato ». Cette dernière a été le Xerxès extravagant, à la limite de la folie, mais aussi d’une somptuosité vocale qui nous enlève vers des sommets. Outre cette forte présence scénique, son timbre superbe et sa virtuosité renversante font partie des grands atouts de cette production (que les autrichiens ont eu la chance cela dit de voir en version scénique mais avec une distribution différente, sauf pour le rôle-titre précisément).
Dans la distribution, c’est ensuite l’Elviro de Bruno Taddia que l’on remarque. Lui aussi maître de son jeu, d’une grande souplesse vocale et prenant un tel plaisir à jouer et à chanter que tout lui semble facile. Il met ainsi la salle de son côté, avec une réelle maestria. Il est plus qu’un valet couard ou farceur, il est à la fois un grand acteur et un baryton qui nous enchante. Si Veronica Cangemi est une Atalante mutine et capricieuse à souhait, on la verrait bien dans le rôle de Romilda où la jeune soprano Yeree Suh est certes charmante, avec un très jolie timbre, mais dont la projection est limitée. Elle est parfaitement associée au contre-ténor David DQ Lee qui confirme l’excellente impression déjà faite au cours de précédents concerts en 2011, même si ce soir certains aigus nous ont parfois semblé un peu tirés. Sa fine musicalité, son timbre charmeur sont autant de qualités que l’on doit lui reconnaître. Enfin Luigi de Donato est un Ariodante parfait, tant vocalement que scéniquement, entre noblesse de ton et personnage fat et un peu trop imbu de lui-même. Quant au mezzo irlandais Paula Murrihy, elle fait preuve d’une conviction touchante mais elle nous a semblé la plus en difficulté face à ces joutes permanentes auxquelles Jean-Christophe Spinosi invite ses chanteurs avec cette forme de démence qui nous séduit et qui chez certains fait peur. Toujours sur le fil du rasoir, il fait de son orchestre un acteur à part entière et n’hésite d’ailleurs pas à les associer aux jeux de scènes. Mais surtout que de beautés orchestrales. Avec seulement une trentaine de musiciens, il nous offre un véritable arc en ciel de nuances et de couleurs qui donne vie à cette musique. Les récitatifs accompagnés deviennent passionnants. Le violoncelle, le théorbe viennent enrichir ce véritable dialogue avec les chanteurs. Tandis que dans les arias basson, flûtes, trompette et cors sont d’une somptuosité royale. Les cordes forment un tissu soyeux, capable aussi d’enrichir la furie jusqu’à la limite d’un point de rupture qui jamais n’est franchi.

On ne peut que souligner le grand art d’une telle direction d’orchestre qui ose plutôt que de se soumettre et qui prend des risques plutôt que de nous offrir un Haendel embourgeoisé et mou.

À l’issue d’une soirée qui n’a été que grâce, intelligence scénique et musicale, on en vient à souhaiter, un enregistrement qui viendrait compléter la discographie en apportant un autre regard que celui que nous connaissons tous de la version passionnante de William Christie.

Ce soir tous les interprètes ont vraiment réussi à nous faire partager leur joie à être sur scène et à nous offrir un très beau Xerxès. Une belle réussite encore à mettre au crédit de ce festival Haendel à Versailles.

Versailles. Opéra Royal, le 1er juillet 2012. Xerxès ou Serse. George Frideric Haendel (1685-1759). Opéra en 3 actes. Version concert. Sersé, Malena Ernman ; Romilda, Yeree Suh ; Ariodate, Luigi de Donato ; Arsamene, David DQ Lee; Atalante, Veronica Cangemi; Elviro, Bruno Taddia ; Amastre, Paula Murrihy. Ensemble Mattheus, Jean-Christophe Spinosi, direction.

Illustration: JC Spinosi © D.Olivre

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