Venise, vision sérénissime
du 10 novembre au 14 décembre 2011
Et si on partait en musique pour Venise ? Le CNSMD a l’humeur voyageuse, pendant les jours d’avare lumière, novembre et décembre. Et du médiéval au XXIe, les classes et départements du quai de Saône explorent les cent façons instrumentales et vocales, symphoniques et solistes, d’honorer la beauté de la Fascinante. Dépaysement annoncé, de Landini à Britten ou Nono…
Le Doge et le vaporetto
C’est avec Milan que Lyon est jumelée : ville de terre ô combien ferme et à sol plat. Pas avec Venise. Lyon n’a-t-elle pourtant pas, sinon des canaux et des gondoles, du moins deux fleuves, un confluent, des ponts et passerelles, ou même des sortes de vaporetto… Et la Méditerranée, très au lointain du sud, mais c’est une autre histoire. N’eût-elle pu, en cas de longue indépendance, s’appeler Sérénissime, elle qui tant aima le commerce ? Avec même pour Doge un « merdelyon », comme disait un humoriste-scato… ? Allons, cessons de plaisanter en rêvassant à d’improbables équivalences, et penchons-nous sur ce mois vénitien que pilote le CNSMD pendant les « courts jours » (plutôt pays du nord français, l’expression) d’un novembre-décembre qui aura sans doute besoin des lumières mouillées, baroques et donc changeantes, magnifiant la vraie Sérénissime.
Richard et Aschenbach, Igor à San Michele
Mais d’abord, ouverture en fête masquée : une Nuit, placée sous le signe de l’échange sans frontières entre les époques, ainsi qu’il sied aux principes du CNSMD. Donc entre département de musique ancienne qui célèbre les Gabrieli, Marcello, Albinoni ou Monteverdi et le groupe du Delirio Fantastico, 8 instrumentistes qui jouent les concerti vivaldiens « avec toutes sortes d’instruments », l’Atelier XX-21 de Fabrice Pierre inscrit résolument notre époque, en particulier avec le plus vénitien des non-alignés (esthétiquement, car il croyait à une musique engagée du côté de la révolution marxiste, presque jusqu’à la fin de sa vie), Luigi Nono, qui fut aussi le gendre et l’héritier de Schoenberg. Et Venise, on y meurt aussi, en apothéose post-romantique : Richard Wagner y finit l’oeuvre-d’art-total que furent sa musique et sa vie au Palais Vendramin, en 1883, et sa dépouille mortelle voyage sur les canaux avant de prendre le chemin…de fer vers Bayreuth.
Et depuis que Visconti a uni le roman de Thomas Mann – La Mort à Venise -, le destin du littérateur Aschenbach, hanté par la beauté incarnée en sublimes adolescents comme son Tadzio, et la musique de Gustav Mahler – une 5e Symphonie et son Adagietto qui n’attendait que le génie d’un cinéaste italien pour vivre d’une seconde et très glorieuse vie-, la fusion orchestrale est légitimée entre toutes ces visions. Ainsi l’Orchestre du CNSMD sera conduit par son chef Peter Csaba vers Prélude et mort d’Isolde, puis vers la 5e de Mahler. Mais rappelez-vous aussi qui voulut mourir à Venise : celui qu’on n’attendait pas forcément du côté de la Lagune, Igor Stravinsky, finit ses jours « là-bas », et se fit enterrer à San Michele, comme un Vénitien qui se respecte. L’Atelier XX-21 – encore Fabrice Pierre, donc -, mis en scène par Caroline Fustier, contera l’Histoire du Soldat, celui a marché, « a beaucoup marché »…
Les tribunes de San Marco
Retour à une Venise résolument « de la Renaissance aux avant-gardes », par le biais du « Théâtre de la Guerre » : un livre du moine érudit Coronelli fait au milieu du XVIIe « le point sur » cette dimension fondamentale de…la civilisation, et permet de mieux lire les conflits réels ou transposés dans la rhétorique amoureuse et /ou guerrière. Une conférence de Sylvie Mamy éclaire ce rapport de la vie à l’art – notamment à travers l’opéra – et aide à réfléchir sur ce qui aux XXe et XXIe prolonge ces notions : encore Luigi Nono, donc… Le Concerto Soave de Jean-Marc Aymes et la chanteuse Maria Cristina Kiehr font écouter Monteverdi et Strozzi, Gabrieli et Storace, on revient à ces auteurs avec le département de musique ancienne (Yves Rechsteiner), et la classe d’orgue (Thomas Pellerin) va en Vivaldi et Merula. C’est encore ce département, cette fois conduit par Jean Tubéry, qui explore le continent si nouveau dont Giovanni Gabrieli enchanta les cuivres par ses Canzoni et Sonates, y mêlant aussi une acoustique spatialisée depuis les tribunes de la Basilique San Marco. Un peu plus haut dans le temps, aux confins du médiéval et du renaissant et même dans le Moyen-Age, le Trio Barbaresque (Virginie Botty, Bérangère Sardin, Nolwenn Le Guern) fait découvrir la richesse d’un instrumentarium et d’une composition spécifiques à l’Italie et à la Cité des Doges.
Gondole, barcarolle
Sous le joli titre Gondollied et Barcarolle, la classe d’accompagnement piano (Billy Eidi), avec la participation des classes de chant, aide à constater que…tout « bouge dans Venise la rouge » : Mendelssohn, Chopin, Schumann, Gounod, Fauré ou Reynaldo Hahn succombent et font succomber aux charmes romantiques ou post-modernes de la Sérénissime. Enfin, alliée au département danse (Dominique Genevois, Philippe Lormeau), la classe de chant et de direction des chœurs (Nicole Corti) voyage entre Monteverdi (La Sestina) et le XXe de F.Malipiero ou B.Britten, qui écrivit sur La Mort à Venise. Au fait : voir Venise, et puis n’en pas mourir, non ?
Lyon, CNSMD. Vision sérénissime. Venise en musique, du 10 novembre au 14 décembre 2011. Jeudi 10 novembre, 19h, 21h, 23h : Nuit à Venise. Mercredi 30, 15h, Stravinsky ; 20h30 : Concerto Soave. 1er décembre, 18h et 20h, « la guerre à Venise ». . 5 décembre, (Auditorium Lyon, 20h) Orchestre CNSMD. 6 décembre, 20h30 : Orgue. 7 décembre, 20h30 : San Marco (Jean Tubéry). 8 déc. 20h30 : Trio Barbaresque. 9 déc. 18h et 20h30 : Gondellied. 13 déc. 20h30 ; 14 déc, 15 h : Monteverdi, Britten. Concerts et conférences
Information et réservation : T. 04 72 19 26 61 ; www.cnsmd-lyon.fr