mercredi 7 mai 2025

Tours. Opéra, le 23 avril 2010. Puccini: Tosca. Nicola Beler-Carbone, Tosca. Nouvelle production. Orchestre Symphonique Région Centre Tours. Jean-Yves Ossonce, direction. Gilles Bouillon, mise en scène

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Opéra du défi

Tosca est chanteuse; et son amant, Mario, peintre. Passionné dès 1899 par la pièce de Victorien Sardou, Puccini fait de Tosca, l’opéra des artistes. Mais des artistes broyés par la machine politique. Pour autant l’intrigue ne fait pas le portrait de deux passifs soumis, victimes immolées sur l’autel du cynisme et du pouvoir satanique (celui du baron Scarpia). Tosca est d’abord un opéra du défi et de la révolte. S’il est peintre, Mario, pendant tout l’acte I, passe davantage son temps en créateur engagé, à aider le fuyard clandestin (ex consul de la république romaine), Angelotti, qu’à manier ses pinceaux…
A l’extrémité de l’intrigue, Tosca n’adresse pas ses ultimes mots à son amant fusillé mais bien à Scarpia, ce boucher manipulateur et sadique qui a ourdi la destruction du couple dont l’éclat amoureux le dévore. En un sublime élan tragique et héroïque, la diva abusée, en donnant rendez-vous à l’infâme au ciel, lance un cri de défi inoubliable.

Tout cela se dévoile idéalement dans la mise en scène sobre et claire de Gilles Bouillon, partenaire familier de la scène lyrique tourangelle. Elle inscrit aussi le rapport sado maso de Tosca/Scarpia avec un réalisme (vérisme) qui fait toute la valeur de l’acte II, grand moment de chant et de … théâtre; la tension érotique d’une violence animale y prend un relief surprenant: c’est un passionnant accomplissement théâtral qui après l’exposition nuancée des caractères, réalise ce huit clos étouffant aux contrastes si subtils: passant du chantage ignoble par Scarpia sur sa victime désignée, au Vissi d’arte , prière aérienne et désespérée de Tosca (chantée sur le piano, comme une victime sur l’autel du sacrifice) jusqu’au renversement spectaculaire où la proie se rebiffe et trouve la force d’assassiner celui qui la harcelait… Pour réussir un tel tour de force scénique, Gilles Bouillon sait exploiter toutes les ressources des chanteurs qui sont aussi deux formidables acteurs.

Plus lyrique que vraiment dramatique, la soprano malgré quelques défaillances dans certains passages et des aigus par toujours idéalement couverts, sait incarner une Tosca fragile et tendre, soupçonneuse et jalouse, ardente et féline. D’autant qu’elle a le physique et la finesse psychologique. du personnage. Dans son récit au III, du crime perpétré contre Scarpia, l’interprète sait exprimer le dérèglement psychique que lui cause l’acte commis: au bord de la folie, Tosca paraît certes victorieuse mais atteinte: fragilité, hypersensibilité qui rehaussent encore la qualité de l’incarnation. Familière du rôle-titre depuis 2005, Nicola Beller Carbone renouvelle l’intelligence et la crédibilité applaudies à l’Opéra Graslin de Nantes dans la production conçue par Patrice Caurier et Moshe Leiser (lire notre compte rendu de Tosca de Puccini avec Nicola Beller Carbone à Nantes, en septembre 2008).

A la justesse de la soprano répond l’intelligence du Scarpia de Peter Sidhom, ardent Alberich, scéniquement tout autant convaincant dans la nouvelle production événement de l’Or du Rhin de Wagner à l’Opéra Bastille à Paris, sous la direction de Philippe Jordan en mars 2010. L’assise vocale du baryton comme sa présence dramatique rétablissent l’impact théâtral de l’opéra puccinien.

Saluons le Mario de Luca Lombardo: voix parfois dure et tranchante, aux aigus bien peu souples, mais quelle intensité sincère, quel investissement dramatique. Si Puccini fut visiblement moins inspiré par le personnage que le duo Scarpia/Tosca, les quelques rares airs de Cavaradossi sont ici projetés avec une conviction et une urgence rares: à l’annonce de la défaite du général Mélas contre Bonaparte, vainqueur à Marengo, le chant libertaire du peintre engagé contre la tyrannie, déchire et brûle la scène par sa ferveur vocale. Voilà qui accrédite davantage la vérité du II.

Sens du drame, couleurs et relief des timbres à la fête, au diapason d’une scène tendue et chauffée à blanc, la direction de Jean-Yves Ossonce trouve les accents justes. La maîtrise du chef et de son Orchestre Symphonique Région Centre Tours (OSRCT) se confirme là encore, comme en témoignera bientôt le prochain enregistrement discographique à venir en juin 2010, de l’excellent opéra de Déodat Séverac: Le Coeur du Moulin, édité par le label Timpani.
Pâte sonore flamboyante, architecture dramatique, lisibilité de la tension tragique, les musiciens gagnent en cours de soirée, en vérité et en sincérité, faisant du II et du III, une réalisation musicale et scénique irrésistible.

Grand chef, trio vocal épatant, théâtre palpitant : que demander de plus? Cette nouvelle production de Tosca à Tours est une évidente réussite. A l’affiche de l’Opéra de Tours, les 25 puis 27 avril 2010

Tours. Opéra, le 23 avril 2010. Puccini: Tosca (1900). Nicola
Beler-Carbone, Tosca. Nouvelle production. Luca Lombardo, Mario. Peter
Sidhom, Scarpia. Antoine Garcin, Angelotti. Olivier Grand, le
sacristain. Jean-Louis Meunier, Spoletta… Orchestre Symphonique Région
Centre Tours. Jean-Yves Ossonce, direction. Gilles Bouillon, mise en scène.

Illustration: Opéra de Tours 2010 © Fr.Berthon 2010
1. Peter Sidhom et Nicola Beller Carbone: Scarpia et Tosca
2. Nicola Beller Carbone
3. Luca Lombardo et Nicola Beller Carbone: Mario et Floria Tosca

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