vendredi 25 avril 2025

Toulouse. Théâtre National de Toulouse. Jeudi 31 décembre 2009. Jacques Offenbach (1819-1880) : La Vie Parisienne. Orchestre National du Capitole. Benjamin Levy, direction

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Juste satire !
Il est des satires succulentes qui écornent le pouvoir et nos contemporains avec esprit. La vie Parisienne du grand Jacques Offenbach est de celles qui bien représentées ne se démodent pas. Ce spectacle est un régal de tous les instants grâce à l’art de Laurent Pelly. Monter une opérette est une tradition de fin d’année à Toulouse, quand c’est un opéra bouffe d’Offenbach la qualité d’une grande partition est un régal supplémentaire.

La vie parisienne par Laurent Pelly : la juste satire ! Comme c’est une bonne idée de proposer aux toulousains cette interprétation virtuose du chef d’œuvre d’Offenbach crée en 2007 à Lyon ! On sait avec Platée, reprise à Paris après plus de 10 ans avec le même succès combien l’art théâtral de Laurent Pelly est indémodable tant il s’appuie sur les richesses des partitions. Car ce metteur en scène très apprécié au théâtre comme à l’opéra n’est pas de ceux qui se servent de l’opéra. Lui qui dirige le Théâtre National de Toulouse n’a pas besoin de cela. Il comprend et respecte la musique et met toute son intelligence, et elle est grande, toute sa finesse, et elle irradie, et tout son cœur, gros comme ça, dans cette Vie Parisienne. Il s’est entouré de sa complice de longue date, Agathe Melinand qui réactualise avec art et goût ce chef d’œuvre du Second Empire. Depuis longtemps Paris fantasme sa superbe capacité à accueillir les touristes qui lui font confiance et rien n’a changé depuis Napoléon le petit. Comme les époques se rencontrent… et se ressemblent ! Ainsi le Pouvoir ne change pas, séducteur et hâbleur, offrant bien moins que ce qu’il ne promet !
Meilhac, Halévy et surtout Offenbach, complices fameux, racontent une histoire intemporelle, qui déplacée de 1866 à notre époque fonctionne à merveille. Des étrangers viennent découvrir les plaisirs de la vie parisienne qu’ils rêvent. Des parisiens sans scrupules pensent les abuser… Transports en commun irrespectueux des voyageurs, racisme larvé, prétention à une sexualité débridée faite de vantardise et d’impuissance totale, alcoolisme plus ou moins mondain, petites magouilles et manque d’argent, ascenseur social marchant au fric, tout cela est très contemporain. Mais rien n’est appuyé, tout est suggéré, et la satire fonctionne à merveille. On rit beaucoup et souvent de nos contemporains et un peu de nous-même. Les astuces de mise en scène fonctionnent comme des gags bien huilés, parfois avec rien de bien compliqué, comme cette table à bascule sur laquelle Gondremarck est grisé. Les décors de Chantal Thomas et les costumes de Laurent Pelly sont gais, et spirituels. Le défilé de robes haute coutures noires au troisième acte est d’une réelle beauté. Le cadre dans lequel rentre la fête est quasi pirandellien. Vraiment l’intelligence de l’ensemble de ce spectacle réconcilie avec la vie quotidienne elle-même et presque avec les provinciaux que nous sommes et avec tous nos amis parisiens prétentieux qui à la manière de Raoul de Gardefeu et Bobinet acquièrent une humanité et une épaisseur insoupçonnées dans leur déconfiture finale quand travailleurs du petit matin et fêtards épuisés se croisent sans se voir. Les chorégraphies de Laura Scozzi sont tellement inventives qu’à aucun moment on ne regrette l’absence du fameux « French Cancan » mais il y a les grand-écarts des garçons et des filles ! Des garçons-filles et des filles-garçons dansent avec entrain et drôlerie. Les intermèdes sont coquins et causasses à souhait !

Coté musical l’orchestre, très étiré dans une fosse incommode toute en largeur, bénéficie de la baguette généreuse et efficace, dans ces circonstances quasi impossibles, de Benjamin Lévy (quelle affreuse acoustique avec cette scène sans profondeur !!!! elle rend la communication dans la fosse si difficile et ne permet pas un bon contact scène-fosse). Le jeune chef est très soucieux de belles nuances et le peu d’instrumentistes (pas plus de 20) font des merveilles pour le suivre malgré un éloignement incroyable. Les qualités remarquables d’une partie de l’Orchestre National du Capitole brillent sous cette direction inspirée. Il s’agit avant tout de supplémentaires, car on donnait durant la même période un ballet à la Halle aux Grains avec le même orchestre.
Le rythme est donc bien tenu par un vrai chef de théâtre, la mise en scène est réglée dans les moindres détails et les ballets incluent aussi les solistes. Nous serons donc peu exigeants avec les voix des chanteurs qui se révèlent avant tout d’excellents acteurs. Laurent Naouri domine de sa haute taille, de son crâne chauve et d’un jeu plein d’humour. Sa voix parlée est superbe et lorsqu’il chante l’ampleur de sa belle voix de baryton habituée aux plus vastes scènes mondiales rempli facilement l’espace. Le timbre de Magali Léger est agréable, son volume suffisant pour le rôle de Gabrielle et son assurance de meneuse de revue la rend digne de la composition vocale et dramatique de Laurent Naouri. Juste après Marc Callahan est un Bobinet irrésistible de sex appeal mais la voix est plus discrète. Christophe Mortagne dans les rôles de composition de Prosper et Frick est satisfaisant vocalement le plus souvent. Les autres personnages très bien campés sont avant tout visuels, mais quelle adéquation artiste des physiques et des rôles ! Ainsi Sophie Fournier est une belle Métella et Maryline Fallot a toute de l’élégance blonde attendue d’une suédoise. L’abominable acoustique sèche et mate dévore les voix qui se perdent et ne permettent pas de juger des qualités vocales des artistes. Mais peu importe ! La vie de cette Vie Parisienne est irrésistiblement communicative et il n’y pas plus belle manière de terminer l’année. Merci à Laurent Pelly d’accueillir le Capitole en son année nomade dans son théâtre pour une œuvre remise au goût du jour avec grand art.

Toulouse. Théâtre National de Toulouse. Jeudi 31 décembre 2009. Jacques Offenbach (1819-1880) : La Vie Parisienne. Opéra bouffe en quatre actes sur un livret d’ Henri Meilhac et Ludovic Halévy. Version en quatre actes créée le 25 septembre 1873 au Théâtre des Variétés. Avec : Raoul de Gardefeu, Alexander Swan ; Métella, Sophie Fournier ; La Baronne de Gondremarck, Marylin Fallot ; Le Baron de Gondremarck, Laurent Naouri ; Gabrielle, Magalie Léger ; Le Brésilien, Florian Laconi ; Frick/Propser, Christophe Mortagne ; Bobinet, Marc Callahan ; Mise en scène et Costumes: Laurent Pelly ; Adaptation : Agathe Mélinand ; Décors : Chantal Thomas ; Chorégraphie : Laura Scozzi ; Lumières : Joël Adam ; Orchestre National du Capitole ; Chœurs du Capitole, chef de chœur : Alfonso Caïani ; Direction : Benjamin Lévy.

Illustrations: La vie Parisienne, Magalie Léger © Patrice Nin. Benjamin Lévy, jeune chef à suivre © Thomas Bartel

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