lundi 5 mai 2025

Toulouse.Théâtre du Capitole, le 27 janvier 2013. Benjamin Britten (1913-1976) : Albert Herring. David Syrus, direction.

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Albert Herrring est un opéra désopilant et il prouve combien la veine comique de Britten est majeure. Son unique ouvrage drôle, avec happy-end, est une pure merveille.

Troisième opéra du compositeur,Albert Herring est le complément lumineux de Peter Grimes (son premier opus lyrique, à la fin si tragique). Ici nous retrouvons le même amour pour un petit monde bien pensant, subtilement écorché et la même passion pour un être marginal : Albert qui est un gentil garçon lequel bénéficie d’une mère si volontaire en terme d’idéal qu’elle ne le laisse pas grandir. Devenu homme, il ne fait que travailler sous la coupe maternelle, et la petite assemblée bien pensante va le choisir comme parangon de vertu, lui un homme, car aucune jeune femme n’est digne cette année d’être récompensée. Cette étrange décision se révèlera une vraie bonne idée, offrant à ce jeune homme l’émancipation à laquelle chacun a droit et dont il avait jusqu’ici été privé ! S’il n’était la musique virtuose de Britten et une dramaturgie excellente, l’argument serait mince, comme la nouvelle de Maupassant, le rosier de mme Husson, dont l’histoire est adaptée avec bien des libertés.


L’ Amour des mères et des fils !

L’ouvrage lyrique de près de trois heure passe comme un songe. Cette production, la première pour le théâtre lyrique de Richard Brunel, créée pour l’ Opéra de Rouen Haute Normandie et l’Opéra Comique est une merveille d’intelligence et de respect de la musique. Tout coule et le théâtre s’associe avec jubilation au chant. Les décors sont légers et évoquent d’avantage qu’ils ne montrent. Les lumières sont subtiles et les costumes très drôles et de bon goût. Le jeu d’acteur est d’un naturel confondant. Chaque chanteur a une aisance vocale et scénique incomparable. Le rôle titre, écrit pour la voix de Peter Pears demande des moyens peu ordinaires en agilité, souplesse et puissance.
Le jeune Sam Furness est un magnifique ténor anglais à l’émission franche et limpide. Il sait dire le texte de manière exacte et son jeu est d’une admirable efficacité. Il ne fait pas le pitre comme d’autres interprètes du rôle, bien au contraire, dans la scène du banquet c’est son interrogation incrédule devant tant de méchanceté qui apporte une autre dimension au personnage d ‘Albert. Durant sa fugue, qui lui est tant reprochée, il est perché en fait sur le mur de fond du jardin ; il change de point de vue sur ceux qui l’entourent, saisit sa chance et transforme sa vie. Comme si prenant enfin un peu de temps (grâce à l’alcool qui lui permet de souffler), il pouvait enfin penser par lui-même.
L’ étroitesse d’ esprit plus que la méchanceté de la mère d’Albert et des « bien pensants », leur bêtise en raison de leurs préjugés, permettent d’alléger l’ambiance et le happy-end est bienvenu ; sans vraie méchanceté : Albert vivra désormais au rythme qu’il entend.

Les autres acolytes sont tous brillants. Le soprano verdien, voir déjà wagnérien blond, de Tamara Wilson fait merveille dans l’ autoritaire et despotique Lady Billows. La mère d ‘Albert est la mezzo corsée et puissante d’Anne-Marie Owens avec un jeu de scène épatant. Le soprano léger et piquant d’Ana James donne un caractère étriqué au personnage faussement pudibond de Miss Wordsworth. Susan Bickley est une gouvernante accorte et son jeu de scène, par exemple de couper le gazon au ciseau, est une merveille ; la mezzo soprano a par ailleurs une belle réserve de puissance. Les autres rôles sont loin d’être mineurs, car souvent ils doivent faire entendre une partie complexe dans des ensembles virtuoses. Tous sont d’admirables chanteur-acteurs. Même les trois enfants, issus de la troupe de Covent Garden, sont parfaits. Des voix saines et bien timbrées et des acteurs engagés.
L’orchestre est minimaliste : Quatuor à cordes, vents, cor, piano, percussions et harpe. La direction très dynamique et nuancée de David Syrus est très belle. Il offre de tranquilles respirations aux chanteurs tout en faisant avancer la dramaturgie. Les interludes sont de toute beauté. Souvent ce sont les instruments qui décrivent les émotions des personnages. Le dialogue entre la clarinette basse et la flûte alto restera comme l’un des moments les plus émouvants de la soirée.

La perfection instrumentale est vraiment l’un des atouts de cette reprise toulousaine avec des solistes majeurs de l’orchestre du Capitole.
Le travail de toute l’équipe est très réussi et vraiment cette production mérite de tourner tant son intelligence est sœur de celle de la partition de Britten.
Un très beau spectacle qui de plus est édifiant pour les fils et leurs mères !
« E viva la Mamma » à condition que le fils lui cloue le bec un jour, comme Albert !

Toulouse. Théâtre du Capitole, le 27 janvier 2013. Benjamin Britten (1913-1976) : Albert Herring. Opéra comique en trois actes op.39. Mise en scène : Richard Brunel ; Collaboration artistique : Laurence Equilbey ; Scénographie : Marc Lainé ; Costumes : Claire Risterucci ; Lumières : Mathias Roche ; Effets sonores : Marc Chalosse. Avec : Tamara Wilson, Lady Billows ; Susan Bickley, Florence Pike ; Ana James, Miss Wordsworth ; David Kimberg, Mr. Gedge ; John Graham-Hall, Mr. Upfold ; Wayne Tigges, Superintendant Budd ; Craig Verm, Sid ; Sam Furness, Albert Herring ; Daniela Mack, Nancy ; Anne-Marie Owens, Mrs Herring ; Fiona Brindle, Emmie ; Emma Warner, Cis ; Finlay A’Couirt, Harry ; Orchestre National du Capitole ; David Syrus, direction.
Illustration: P.Nin

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