dimanche 6 juillet 2025

Toulouse. Théâtre du Capitole, le 10 février 2012. Verdi: Le Trouvère. Mise en scène : Gilbert Delfo. Direction : Daniel Oren.

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Dès le rideau d’avant-scène représentant deux lunes sur fond de tenture de soie, les beaux éclairages, la magnificence de l’orchestre et la splendeur de chœurs, permettent au public d’espérer un Trouvère fameux. Les interventions musclées avec un timbre riche et une projection facile du Ferrando de Nahuel Di Pierro, mettent la barre très haut. Reposant sur une splendeur orchestrale rare et des chœurs policés et généreux en nuances, admirablement préparés par Alfonso Caiani, la soirée peut compter ainsi sur des « bases maison » solides.


Un Trouvère dans de beaux draps !

Mais l’attention n’est guère stimulée par un décor minimaliste et répétitif, un jeux d’acteurs frôlant la caricature avec des poses de cinéma muet et des costumes trop simples : casques bleus ou rouges chez les soldats, armure engoncées puis costumes d’intérieur avec pantoufles pour les deux camps de guerriers, dames en robes stylisées blanche pour Léonora, noire pour Azucena aussi élégante l‘une que l’autre. Cette simplification ne réussit pas un seul instant au Trouvère qui dans sa démesure a besoin de sang, de chair et d’âmes pour nous toucher.

Les courtes chorégraphies semblent fragiles et hors propos. Cet opéra romantique est frère d’Hernani: il doit outrer le public, le faire frémir avec ses effets vocaux et ses rythmes fulgurants, illustrant une action pleine de coups de théâtre excessifs. Ce soir est tout à l’opposé marqué par le confort de tentures de soie du décor, et de sons ronds et puissants produits autant à l’orchestre et les chœurs que par les solistes.
De la distribution, dite des aînés que nous avons entendue, car il y avait une double distribution, il convient d’admirer la puissance sonore. La voix de Carmen Giannattasio, nous est connue à Toulouse depuis sa Mimi: force est de constater que le medium est d’une richesse et d’une puissance peu commune et que la grave est particulièrement sonore. Elle ne fait qu’une bouchée de la tessiture meurtrière du rôle de Leonora, assumant les longues tenues aiguës dans de belles nuances piano. Mais trilles et vocalises ne sont pas tous parfaitement réalisés et surtout la poésie lunaire du personnage, sa pureté céleste, son abandon de la vie sont absentes. Par contre dans les ensembles, elle domine tous ces partenaires, orchestre et chœurs compris. Son amoureux est doté d’une silhouette massive peu assortie à la finesse d’allure de la dame. De Manrico, Marco Berti n’a rien du poète rebelle. Pas même la voix séduisante, qui devient fibreuse avec un aigu tiré et désagréable dès la troisième partie, et le brillant de son aigu à la fin de Di quella pira, s’il fait son petit effet sur une partie du public, ne rachète pas ce qui a fait défaut jusque-là. Sans compter qu’une telle émission en force n’entretient pas de bonnes relations avec la justesse. Le Comte de Luna de Roberto Frontalli est doté d’un bel organe vocal et d’une ligne de chant châtiée, mais las, l’interprète est parfaitement inexpressif. En Azucena, la subtilité vocale et la grande élégance de Luciana d’Intino sont une bénédiction. Cette grande habituée du rôle le rend convaincant malgré une direction d’acteur ridicule et une allure générale de dame plus que de sorcière. La subtilité des nuances et l’articulation parfaite du texte sont celles d’une verdienne accomplie. Notons que dans le trio final elle chante si subtilement que sa voix paraît plus claire que celle de la Léonora de Carmen Giannattasio. Tous les petits rôles sont superbement tenus, face des voix si puissantes c’est absolument remarquable. Le Ruiz d’Alain Gabriel est même particulièrement émouvant lors de la scène de la tour.

Reste à évoquer le chef, Daniel Oren, qui fait son effet personnel avec un parti pris original. Il décide de profiter de la phalange Toulousaine en pleine forme pour fait rugir ou murmurer l’orchestre dans une orgie de beauté sonore. Le drame en est expurgé, du moins le drame romantique. Avec la mise en évidence des contre-chants, des superpositions et des articulations complexes il fait sonner cette partition comme quasiment du sous-Otello. C’est beau, mais contre productif dans cet opéra des années de galère verdiennes, car n’oublions pas que ce sont Rigoletto et Traviata qui encadrent le Trouvère. Soirée forte mais sans le Trouvère bouillonnant tiré de la pièce d’Antonio Garcia Gutiérrez. Il s’agissait d’autre chose, de plus grand et de bien plus sage. La soie ne réussit pas au Trovatore …

Toulouse. Théâtre du Capitole. Le 10 février 2012. Giuseppe Verdi (1813-1901). Le Trouvère : Drame lyrique en quatre parties sur un livret de Salvatore Commarano. Mise en scène : Gilbert Delfo ; Décors et costumes : William Orlandi ; Lumières : Joël Hourbeight ; Chorégraphie : Laurence Fanon ; Leonora : Carmen Giannattasio ; Azucena : Luciana d’Intino ; Manrico : Marco Berti ; Le Comte de Luna : Roberto Frontali ; Ferrando : Nahuel Di Pierro ; Ines : Eve Christophe-Fontana ; Ruiz : Alain Gabriel ; Un messager : Claude Minich ; Un Vieux Gitan : Carlos Rodriguez ; Choeur Du Capitole, chef de chœur Alfonso Caiani ; Orchestre National du Capitole. Direction : Daniel Oren.

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