Tous les sens en éveil avec Stravinski à Toulouse
Pulcinella ainsi interprété a été la pièce qui a le plus changé avec un appui rythmique plus ferme sans rien perdre des nuances. L’humour y a été aussi bien plus présent. Il faut dire que la production venue d’Amsterdam (Scapino Ballet de Rotterdam 1987) a gardé une élégance classique permettant un agréable voyage au pays de la Comedia del arte. Naples est présente avec ses lessives et ses marchands hauts en couleur. L’unité dramatique est renforcée par une qualité de danseurs aussi grande pour les solistes que pour les simples danseurs tous ayant à cœur de jouer autant que de danser. L’esprit du théâtre a semblé transcender la danse dans cette chorégraphie souple de Nils Christie.
Symphonie de Psaumes est une chorégraphie de Jiří Kylián pour le Nederland Dans theater datant de 1978. Il faut reconnaître que quelque chose d’intemporel se dégage de ce dispositif simple, avec des tapis persans sur le fond, des chaise et surtout des lumières très sophistiquées de Joop Stokvis réalisée par Loes Schakenboos. Les costumes sont très seyants et en plus de leur élégance pour les deux sexes permettent une liberté de mouvement rare. Les portés ont été de toute beauté avec des admirables moments de puissance et de délicatesse très proches de la partition. Les pas de deux et les ensembles se sont intriqués subtilement dans un jeu de lumière troublant. Il est rare de rencontrer un tel mélange de puissance, avec des portés athlétiques ou alanguis, certains pas de deux conduisant à l’extase. Les chœurs un peu réduits ont été magnifiques de cohésion et superbes de projection. Les forte on été un peu trop proches de la saturation, mais quel souffle !
Si Pulcinella représentait la séduction amoureuse un peu facile et superficielle, le couple dans sa dimension mystique pouvait s’exprimer dans la chorégraphie large et puissante de Symphonie de Psaumes. Noces, est à prendre comme une moquerie féroce de l’institution du mariage. Les maquillages assez truculents de ce dernier ballet donnaient un côté ridicule aux danseurs, qui avec des mouvements d’une frénésie calquée sur la partition semblaient décrire combien il est vain de croire au mariage. La production des Grands Ballets Canadiens de Montréal crée en 2002 n’est pas en demi-teintes et prend parti. Tout va très, très vite et rien n’a vraiment d’autre sens que cette agitation fébrile qui n’est mémé pas festive. La mariée, simple poupée désarticulée est à peine une personne… la farce stravinskienne est à son apogée quand les musiciens et les danseurs sont dans la même énergie délirante comme ce soir.
Les percussions et les quatre pianos sont des acolytes très baroques et le solo de contrebasse est si désopilant que l’humour grinçant de la chorégraphie est comme démultiplié par l’interprétation musicale.
En Choisissant comme chef Tugan Sokhiev, Kader Belarbi et Frédéric Chambert savaient compter sur la passion du chef ossète pour Stravinski. L’osmose a été totale et les spectateurs ont fait un triomphe à cette association victorieuse au service de partitions rares dans des chorégraphies trouvées dans les meilleurs théâtres du globe.
Toulouse. Théâtre du Capitole. 25 octobre 2012. Stravinski et la danse. Igor Stravinski (1882-1971) : Pulcinella, ballet chanté en un acte : Nils Christe, Chorégraphie ; Tom Schenk, Décors et costumes ; Kees Tjebbes, Lumières ; Symphonie de Psaumes : Jiří Kylián, Chorégraphie ; William Katz, Décors ; Joop Stokvis, Costumes ; Joop Caboort, Lumières originales, récréées par Kees Tjebbes ; Noces, scènes chorégraphiques russes : Stijn Celis, Chorégraphie et décors ; Catherine Voeffray, Costumes ; Marc Parent, Lumières ; Inessa Lecourt ; Robert Gonella, Christophe Larrieu, Miles Clery-Fox : piano ; Anastasia Kalagina, soprano ; Olga Savona, mezzo-soprano ; Vasily Efimov, ténor ; Gennady Bezzubenkov, basse ; Ballet du Capitole, directeur de la danse : Kader Belarbi ; Chœurs du Capitole, directeur : Alfonso Caiani ; Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Direction : Tugan Sokhiev.