vendredi 25 avril 2025

Toulouse. Théâtre du Capitole. 15 octobre 2010. Giacomo Puccini (1858-1924) : La Bohème. Direction : Niksa Bareza. Mise en scène et décors : Dominique Pitoiset.

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La Bohème est un titre qui fait toujours salle comble et Frédéric Chambert, pour la réouverture du Capitole après une année de fermeture, ne prenait pas grand risque car les toulousains adorent cette oeuvre. Le public est venu nombreux retrouver ou découvrir son Théâtre du Capitole et les applaudissements ont aussi été offerts à ces retrouvailles. Donner la Bohème dans cette salle qui a connu récemment des distributions d’exception était bien plus dangereux au jeu des comparaisons. Prenant le parti pris de confier la mise en scène et les décors à Dominique Pitoiset, venu du théâtre, la rupture évitait toutes comparaisons. Point de Paris des années 1830 mais un déplacement violent hic et nunc. Adieu poésie et bonjour tristesse ! La vision est douloureusement cohérente et les bohèmes sont ici des intermittents du spectacle assez contestables. On gagne en réalisme, mais qui vient à l’opéra pour cela ? Les bons moments ne sont pas exclus et la mise en scène du périlleux troisième acte est habile. Pourtant quelle mise à plat, voir quel écrasement d’une histoire qui en devient presque anecdotique !
Coté distribution quel déplacement violent également ! Ce n’est pas Mimi et Rodolfo qui concentrent tous les regards, mais Marcello et Musetta. Retour donc au roman de Murger : Scènes de la vie de Bohème, adieux le recadrage de Puccini et ses librettistes. Ce n’est pas que le couple des premiers rôles soit indigent mais il ne fonctionne pas car il est trop mal assorti. Si physiquement les jeunes chanteurs sont très crédibles, vocalement la magie puccinienne n’est pas présente. La Mimi de Carmen Gianattasio est dotée d’une voix corsée et puissante avec un médium et un grave riches en harmoniques. Son personnage est tout sauf fragile, assez volontaire et même audacieux. Si le Rodolfo de Teodor Ilincăi est appliqué et prudent vocalement, il est agréable scéniquement. La projection est parfois mal assurée, comme hésitante, mais la tessiture ne lui pose aucun problème. Ce jeune ténor doit gagner en liberté vocale et oser plus d’engagement pour devenir un chanteur italien convaincant.
Le couple Musetta Marcello est par contre superlatif scéniquement et vocalement. Il apporte de la vie dans cette histoire rendue si terne par le parti pris de mise en scène. Dario Solari a une voix chaude et bien timbrée, l’acteur est très doué. L’engagement vocal est à la hauteur de l’engagement scénique. Cet artiste est prêt pour une grande carrière internationale. En Musetta, Jennifer Black brule les planches que ce soit dans les moments exigeants un abattage brillant, comme dans l’émotion entourant la mort de Mimi. La voix est superbement conduite et le timbre intéressant. Elle aussi ne manquera pas de briller sur les plus grandes scènes. Les compères de misère sont des beaux et bons enfants, essayant de résister à la déchéance qui les guette. Les moments de complicité solidaires entre amis sont très réussis. Engagé dans un jeu naturel et tous dotés de belles voix ils honorent la distribution. Diogenes Randes est un Colline attachant et sa voix de basse est magnifique, le Schaunard d’Arttu Kataja, grand escogriffe sympathique, allie humour et sensibilité. Hélas Rodolfo n’est qu’un parmi eux, jamais il n’est le primo uomo que le public est en droit d’attendre.
Le seul moment de bonheur théâtral et vocal totalement satisfaisant est offert par l’acte trois avec un chœur du Capitole, renforcé par des supplémentaires et la maitrise du Capitole, tous admirablement préparés vocalement, ils sont scéniquement enjoués.
Un seul mot de ce qui se passe dans la fosse. La lenteur des tempi, la lourdeur de la direction et l’ampleur des sonorités (superbe orchestre bien trop sonore ici) évoquent d’avantage, surtout au final, Bruckner que Puccini…
Une rentrée au Capitole en forme de mise en bouche. Le prochain spectacle sera à la fois plus audacieux et certainement plus équilibré dramatiquement et vocalement plus adéquat. C’est là que la véritable rentrée capitoline au sommet est attendue.

Toulouse. Théâtre du Capitole. 15 octobre 2010. Giacomo Puccini (1858-1924) : La Bohème. Opéra en quatre actes de Giuseppe Giacosa et Luigi Illica d’après Scénes de la vie de Bohème d’Henry Murger. Costumes : Nathalie Prats ; Lumières Christophe Pitoiset ; Rodolfo : Teodor Ilincăi; Mimi : Carmen Giannattasio ; Marcello : Dario Solari ; Musette : Jennifer Black ; Colline : Diogenes Randes ; Schaunard : Arttu Kataja ; Benoît: José Fardilha; Alcindoro : Jean-Philippe Marlière ; Parpignol : Alfredo Poesina ; Le sergent des douaniers : Laurent Labarte ; Un douanier : Jean Luc Antoine ; Un vendeur ambulant : Claude Minich. Orchestre National de Capitole de Toulouse ; Chœur du Capitole, direction Alafonso Caiani ; Maîtrise du Capitole, direction David Godfroid. Direction : Niksa Bareza. Mise en scène et décors : Dominique Pitoiset.

Illustration: © P.Nin 2010
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