jeudi 8 mai 2025

Toulouse. Halle-aux-Grains, le 3 Novembre 2012.Balakiev, Weinberg, Rimski-Korsakov… Orchestre National du Capitole de Toulouse. Tugan Sokhiev, direction.

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Il est des interprétations qui ne peuvent se juger. Bien malin qui pourra détailler cette version de Shéhérazade de Rimski-Korsakov. Il semble que Tugan Sokhiev ait fait sienne cette partition fleuve et qu’à la tête de son orchestre en état de grâce il ait décidé de faire voyager toute la Halle-aux-Grains pleine à craquer. Mieux qu’au cinéma nous avons vu l’Orient, les vastes étendues, les montagnes sauvages, le sultan cruel et une Shérézade pleine de courage d’audace et de ruse.


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La poésie a été épique et rutilante en des accents d’un romantisme sauvage. Les cuivres ont osé vociférer, les cordes ont semblées parfois surdimensionnées pour notre plus grand plaisir. Les violons ont plané très haut. Les alti ont eu des couleurs rondes et boisées de haute épice et les violoncelles avec des soli de toute beauté, ont porté l’émotion à son comble en bien des moments. Les contrebasses ont donné une assise abyssale. Les bois ont été la poésie même de l’humaine tendresse et que dire encore ? Ne pas oublier de signaler le cor solo qui a été magistral de présence troublante. Mais ce qui a agit comme un rapt c’est l’autorité avec laquelle Tugan Sokhiev a obtenu une tonitruante entrée du pacha à la limite de la brutalité mais dans une si totale lisibilité de chaque famille d’instruments que la peur n’a pas duré trop longtemps. Le violon de Shéhérazade a ensuite déplié ses volutes avec beaucoup d’autorité et de passion comme une bataille à armes égales. C’est ainsi que tous les thèmes avec leurs orchestrations rutilantes ont convoqué des images pleines de couleurs, d’odeurs et de sensations parfois vertigineuses. Un bel orchestre pour une symphonie concertante mettant chacun en valeur à tour de rôle avec le violon comme fil directeur. Le temps suspendu a semblé se distendre et les 45 minutes ont passé sans vraiment pouvoir être mesurées. La frustration de l’arrêt du voyage a été vaincue par des applaudissements nourris et un succès colossal à la hauteur de cette partition si éblouissante. Geneviève Laurenceau au violon persuasif a été une Shéhérazade courageuse et volontaire mieux que charmante esclave. Le tempérament de la jeune violoniste a permis au chef d’oser lui opposer des masses orchestrales d’une force peu commune osant une lecture conflictuelle et dramatisée de la partition.
Sans démériter en rien les deux pièces de la première partie ont plutôt introduit le voyage fulgurant de la deuxième partie de soirée. La partition aussi courte que variée Islamey de Balakiev a été avant tout une partition rutilante pour les pianistes virtuoses. Orchestrée par son élève Liapounov elle gagne encore en brio. Les thèmes d’origines ethniques du Caucase sont variés à l’infini et les choix d’orchestration sont très originaux et en une si courte pièce tiennent presque lieu de catalogue pour orchestre virtuose.
Le concerto pour flûte et orchestre à cordes de Weinberg date de 1961. Cette pièce sonne classique en sa formation resserrée mais la flûte est un supersoliste qui doit dès les premières mesures prendre d’autorité la main sur l’orchestre. Que de notes, que de traits… C’est vertigineux… Tugan Sokhiev soutient sa soliste aujourd’hui sur le devant de la scène, elle qui sait dans les soli d’orchestre sortir avec une sonorité chaude et claire. Ce soir elle égale les plus grands virtuoses par un jeu olympien qu’aucune difficulté ne déroute. Mais c’est dans les magnifiques phrases du Largo, dans le grave de l’instrument, que l’art de la flûtiste est le plus éloquent. Enfin, du final fort abrupt elle ne semble faire qu’une bouchée. Ainsi Sandrine Tilly ovationnée par ses pairs comme le public revient seule offrir sa version calme et nuancée de Syrinx de Claude Debussy.

Ce concert au programme tout Russe avec des pages très rares a été dominé par une version fulgurante de la si virtuose partition de Rimski Korsakov, Shéhérazade étant son œuvre certainement la plus emblématique de cette Russie orientale qui fait rêver à travers les âges. Tugan Sokhiev a bien son orchestre en main qui ose pour lui des sonorités généreuses « à l’américaine » avec une précision et une clarté toute française. Une nouvelle tradition toulouso-russe serait elle en train de naître avec l’accord du public conquis ?

Toulouse. Halle-aux-Grains. Le 3 Novembre 2012. Sergueï Mickaïlovitch Balakiev (1837-1910) : Islamey, op.18 orchestration de S.M. Liapounov (1859-1924) ; Mieczyslav Weinberg (1919-1996) : Concerto n°1 pour flûte et orchestre à cordes, op.75 ; Nikolaï Rimski-Korsakov (1844-1908) : Shéhérazade, suite symphonique, op. 35. Sandrine Tilly, flûte ; Geneviève Laurenceau, violon solo ; Orchestre National du Capitole de Toulouse. Direction : Tugan Sokhiev.

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