vendredi 25 avril 2025

Toulouse. Halle aux Grains, le 28 janvier 2010, Récital Frédéric Chopin (1810-1849). Krystian Zimerman, piano

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Faisant un sacré pied de nez à une tendance actuelle axée sur la pléthore musicale sous couvert de folles journées ou d’intégrales discographiques, le récital de ce soir prouve que la qualité primera toujours sur la quantité.

Krystian Zimerman est un artiste très à part et lui confier un récital tout Chopin est une idée bienheureuse en cette année anniversaire. Pari tenu car en cinq œuvres maîtresses du musicien, Chopin a été réincarné pour un public subjugué. Krystian Zimerman est né dans un bain de musique, il joue peu comme soliste mais vit totalement dans la musique. Il a pris l’habitude de se déplacer avec son propre piano qu’il accorde lui-même. Il maîtrise ainsi musique et physique du son comme personne. Il peut ainsi fabriquer le son de manière tout à fait unique. Bien qu’assis très droit sur son tabouret (pas aussi usé que celui de Glenn Gould) il fait corps avec son instrument obtenant de lui une variété inouïe de sonorités. Sons fragiles et diaphanes ou puissants comme le tonnerre, les nuances sont d’une extrême amplitude, les harmoniques sont d’une richesse inhabituelle. Le jeu est d’une rigueur et d’une énergie peu commune dans Chopin. La solidité de la structure musicale est mise en évidence ainsi que les audaces harmoniques. Chopin est un digne héritier des grands classiques et même du clavier de Bach et sa virtuosité est proche de Liszt et Schumann. La classe de ces interprétations de Chopin rend au compositeur d’origine polonaise sa place d’immense pianiste avant tout musicien puissant autant que sensible, loin des clichés culturels. La maîtrise technique de Krystian Zimerman est sidérante dans des œuvres si exigeantes en concert. Pourtant ce sont les passages élégiaques et poétiques qui mettent en valeur ses qualités probablement les plus uniques de liquidité du son et de legato belcantiste. Sa joie après avoir interprété les pièces montre une chaleur humaine partagée que sa concentration au clavier de permet pas de suspecter. Il semble chercher une maîtrise absolue afin d’offrir la quintessence de la musique à son public.
Décrire ce que cet immense artiste fait dans les deux sonates si complexes affadirait un art de la plus haute exigence. La musique de Chopin est avec Krystian Zimerman tout sauf anecdotique et jamais simplement jolie. Sa musique, hors de programmes convenus associant des œuvres faciles pour l’oreille, est offerte en sa pureté et l’émotion profonde naît de cette hauteur de vue. La sonate funèbre a résonné comme un voyage intérieur d’une éthique rigoureuse et douloureuse sans pathos superflu. Ce programme relativement court mais très exigeant pour l’interprète et le public, a permis de comprendre comme rarement la valeur de Chopin et a laissé le public abasourdi par la force d’un compositeur et la puissance maîtrisée d’un interprète hors du commun. Tout Chopin en un concert, mais quel concert ! Merci monsieur Zimerman d’être venu aux Grands Interprètes, vous en êtes au même titre que récemment invités à Toulouse les géants Leon Fleisher et Grigory Sokolov !

Toulouse. Halle aux Grains, le 28 janvier 2010, Frédéric Chopin (1810-1849) : Nocturne n°2 en la dièse majeur, op.15 ; Sonates n°2 en si bémol mineur « Funèbre » op.35 ; Scherzo n°2 en si bémol mineur op.31 ; Sonate n°3 en si mineur op.58 ; Barcarolle en fa dièse majeur op.60 ; Krystian Zimerman, piano.

Illustration: portrait de Krystian Zimerman © Kasskara

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