vendredi 25 avril 2025

Toulouse. Halle aux Grains, le 17 décembre 2009. Prokofiev : Lieutenant Kiejé ; Symphonies n° 1 et n° 7. Orchestre National du Capitole de Toulouse. Tugan Sokhiev, direction

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Prokofiev,
chez lui à Toulouse

Tugan Sokhiev entretient une relation de confiance si forte avec son public et son orchestre qu’il a pu proposer un concert entièrement consacré à Prokofiev qui a affiché complet. Il assume parfaitement la responsabilité de faire évoluer le goût du public en lui proposant un répertoire nouveau. Un concert « tout Prokofiev » n’avait jamais été proposé avant lui dans une saison de l’orchestre. Jamais la symphonie n° 7 n’avait été entendue à la Halle aux Grains.

Le Lieutenant Kiejè est un film d’Alexander Feinzimmer sorti en 1933 avec une musique de Prokofiev. Un an plus tard le compositeur en a tiré cette suite symphonique brillante et pleine d’humour. Tugan Sokhiev en propose une lecture rythmiquement très précise mais un peu trop sage car sans le brin de folie que l’humour ravageur de l’histoire burlesque suggère. La riche orchestration, la facilité mélodique et les moments d’humour en musique permettraient des interprétations plus audacieuses. L’orchestre du Capitole est très concentré et semble se rire des difficultés accumulées. La sonnerie dans le lointain de la petite trompette est jouée avec beaucoup de délicatesse et de précision mais ce n’est qu’un élément d’un pupitre de cuivres somptueux tout du long. Un instrument rare, le saxophone ténor, apporte une touche originale, tour à tour émouvante ou grotesque. La fanfare terminant la première partie est jubilatoire. L’émotion de la Romance est due à une belle interprétation de cette superbe mélodie russe avec des bassons et des contrebasses très investis. L’art de l’orchestration de Prokofiev est varié avec des effets sublimes ou grotesques. L’association du célesta, du piano et de la harpe est un exemple d’association surprenante. Le final qui reprend bien des thèmes entendus précédemment met en valeur les splendides couleurs de l’orchestre.

La Symphonie Classique est une pochade en forme d’hommage au père de la symphonie classique : Haydn. En un petit quart d’heure Prokofiev condense le style de Haydn qu’il venait d’étudier au conservatoire. L’écriture est cristalline, légère et semble facile. Des modulations savoureuses pimentent un peu ce qui ressemble à un simple divertissement. L’interprétation de Tugan Sokhiev est enlevée, rythmiquement très en place mais les nuances sont avares et les couleurs ostensiblement pimpantes.
Cette première partie de concert semble avoir été surtout l’objet d’une mise en place exemplaire avec peu d’audaces interprétatives, comme s’il s’était avant tout agit de démontrer la maturité d’un orchestre en pleine possession de ses moyens.
En deuxième partie la dernière symphonie de Prokofiev a bénéficié de beaux moments permettant de retrouver la flamme interprétative de Tugan Sokhiev, et sa capacité à sculpter les phrases musicales avec évidence. L’orchestre s’est beaucoup plus investi osant des nuances plus marquées et des couleurs plus ombrées. La tendresse et la nostalgie qui habitent ces pages ont été offertes avec générosité au public. Mais la simplicité de cette partition d’avantage repentir qu’œuvre testamentaire reste une énigme. C’est là l’une des difficultés à écouter cette symphonie simple et trop sage sans aucune audace d’écriture même dans une interprétation aussi magnifique que celle de ce soir.
Ce concert tout Prokofiev a été au total sagement interprété. D’autres partitions plus audacieuses ou plus émouvantes suivront certainement, ou reviendront car la Suite de Roméo et Juliette entendue les saisons précédentes avait enchanté le public. L’orchestre du Capitole a assurément tous les moyens pour jouer Prokofiev, Tugan Sokhiev peut oser d’avantage, le public suivra. Concert en forme de hors d’œuvre en somme !
Hubert Stoecklin

Toulouse. Halle aux Grains, vendredi 17 décembre 2009. Sergei Prokofiev (1891-1953) : Lieutenant Kiejé, op.60 ; Symphonie n° 1 en ré majeur, op. 25, classique ; Symphonie n° 7 en ut dièse mineur, op.131. Orchestre National du Capitole de Toulouse. Tugan Sokhiev, direction

Illustration: l’Orchestre national du Capitole de Toulouse et son chef, Tugan Sokhiev (DR)

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