Orgue et orchestre : même splendeur
Ce soir le concert de clôture de Toulouse les Orgues 2011 est également un concert de la saison de l’Orchestre du Capitole. Cette collaboration a été saluée par un grand succès. Le Festival Toulouse les Orgues est particulièrement innovant cette année. L’association avec Tugan Sokhiev et sa phalange a joué la carte de l’humour et du culot.
Les trois danses de Jehan Alain, plus connues pour orgue, dont l’orchestration originale par l’auteur est perdue, ont bénéficié d’une recréation avec le son d’un grand orchestre dès 1945. Ce soir à Toulouse, les conseils de Michel Bouvard, grand organiste comme chacun sait, ont permis une création légèrement retouchée de l’orchestration de départ de Luc Antonini. Le résultat est troublant car d’un côté ce sont trois pièces symphoniques de grande tenue, et de l’autre les sonorités de l’orgue sont convoquées bien souvent, surtout lors des interventions puissantes des cuivres, et celles délicates des bois. Les jeux de l’orgue sont clairement honorés par de tels procédés. La première pièce, Joie, permet à une belle énergie de diffuser. Deuils, avec son ostinato en forme de Passacaille, permet à Tugan Sokhiev de démontrer la beauté de sa direction, capable de transmettre à la fois la peine et le réconfort. Luttes, la troisième pièce, permet un déferlement de puissance impressionnant. Tous les pupitres de l’orchestre sont d’une réactivité confondante et d’une beauté à couper le souffle.
Pour suivre, il fallait oser dans le cadre d’un Festival dédié à l’Orgue en Majesté, donner à entendre cette transcription hollywoodienne de la Toccata en ré mineur de Bach. Rappelons Walt Disney l’avait utilisée dans Fantasia. Le sérieux, la rigueur et la puissance de la direction de Tugan Sokhiev ont permis à une véritable orgie sonore de tout emporter. On a envie de l’encourager devant cette vague d’énergie et de puissance dont il sait embraser son orchestre, à aborder des œuvres plus populaires et terriblement belles comme les partitions de musique de films, tout particulièrement celles de John Williams. Nul doute pour les auditeurs découvrant cette interprétation qu’ils auront été subjugués. La puissance des contrebasses, les réponses entre bois et cordes, le charme de l’association harpe-célesta, autant de moments enthousiasmants. La jubilation du chef égalait celle du public, porté à retenir sa respiration de plaisir avant d’exploser en applaudissements tonitruants. Hors des modes, cette transcription audacieuse en ses excès ici tous assumés, est un vrai hommage à la puissance créatrice de Bach. Seul un grand orchestre symphonique pouvant rivaliser avec l’orgue du Cantor ici poussé à se dépasser.
Cette fin de première partie du concert a permis de reprendre ses esprits à plus d’un.
La Symphonie de Franck a déjà été interprétée par Tugan Sokhiev et l’Orchestre du Capitole en février 2009. Sa lecture pleine de fougue du premier mouvement dérange certains, plus habitués à la clarté et la maîtrise de Michel Plasson. Le bouillonnant Tugan, renforce les contrastes, creuse les nuances et utilise le rubato pour amplifier les phrasés. C’est le deuxième mouvement avec sa construction complexe, andante avec scherzo repris en miroir, qui est la réussite indiscutable de la soirée, pourtant riche en merveilles. Les pizzicati des cordes et la harpe tissent un tapis moelleux de haute laine, riche en délicates nuances comme la soie. Le chant du cor anglais, admirablement phrasé par Gabrielle Zaneboni, est un moment de pure grâce. La reprise du thème si beau par le cor et la clarinette à l’unisson est un autre moment de rêve musical. Jacques Deleplancque et David Minetti ont formé un duo de timbre en fusion des plus rares. Le final, qui reprend les thèmes pour en faire un monde nouveau, est abordé par Tugan Sokhiev avec franchise, acceptant l’enthousiasme contenu dans cet allegro. À nouveau les nuances très sculptées, les phrasés élargis et la précision rythmique donnent puissance et force à ce final en forme d’apothéose. À nouveau un subtil rubato permet de déployer les riches thèmes et leur envol vers des hautes sphères musicales captant le public. Les applaudissements généreux et les vivats enthousiastes ont permis au chef et à tous les musiciens de l’orchestre de mesurer la satisfaction de leur public comblé.
Beau final pour le Festival Toulouse les Orgues 2011 et magnifique concert annonçant une saison grandiose de l’Orchestre du Capitole et son chef, tous au sommet.
Toulouse. Halle aux Grains. 15 octobre 2011. Jehan Alain (1911-1940) : Trois danses, op.81 ; Leopold Stokowski (1882-1977) : Toccata et fugue en ré mineur de J.S. Bach, BWV 565, transcription ; César Franck (1822-1890) : Symphonie en ré mineur. Orchestre National du Capitole. Direction : Tugan Sokhiev.
illustration: Tugan Sokhiev © P.Nin