mardi 6 mai 2025

Toulouse. Halle Aux Grains. Dimanche 23 janvier 2011. Camille Saint-Saëns, Antonín Dvorák (1841-1904). Dmitry Silvian, violoncelle ; Orchestre National du Capitole. Tugan Sokhiev, direction

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La ville rose croit en la jeunesse !

Les concerts du dimanche ne sont pas comme les autres. Un public jeune et même très jeune y est chez lui et l’enthousiasme des applaudissements découpe souvent symphonies et concertos avec bonhomie. Cette extraordinaire ouverture vers le public de demain, qui ainsi bénéficie du meilleur pour apprendre à aimer la musique symphonique, est en ce jour glacé d’hiver encore plus inouï. En effet 31 musiciens, en fin de cursus au conservatoire, ont intégré les rangs de l’orchestre pour la Symphonie du Nouveau monde : un titre on ne peut plus symbolique ce matin.

Concerto classique de haute tenue

En première partie l’orchestre en petite formation de titulaires offre le concerto pour violoncelle de Saint-Saëns avec un soliste de 24 ans, Dmitry Silvian. Sa technique très fine associe les meilleures qualités de l’école russe et française. Le parti pris choisi par Tugan Sokhiev et son soliste est surprenant. S’appuyant certainement sur la délicate sonorité au vibrato rapide du violoncelle de Dmitry Silvian cette œuvre est abordée entièrement sous un aspect néoclassique débarrassé de toute hypertrophie post-romantique. Les tempi sont sages et la mise en place stricte permet au soliste un jeu aérien et délicat. La virtuosité est assumée avec quasi discrétion à la manière des concertos de Haydn. Les phrasés sont souples et toujours élégants. C’est le deuxième mouvement, allegretto con moto, qui est le plus abouti et justifie entièrement le parti pris choisi. Il sonne avec un esprit « rococco » charmant et distancié à l’humour sucré-salé. Ce délicat caramel est un bonbon absolument délicieux. Les sonorités mordorées du violoncelle trouvant des échos dans les divers pupitres de l’orchestre tous plus délicats les uns que les autres. La battue de Tugan Sokhiev est économe, comme certaine que le charme de la partition ainsi interprétée ne peut que gagner les cœurs. Le final reste tenu sans débordements ni techniques ni expressifs, avec des nuances très fines dans un élan vif et bien conduit sans aucune hâte. Le public est charmé par la cohérence de l’interprétation et l’entente entre les musiciens et le chef. Il fait une ovation méritée aux artistes.

Symphonie du nouveau monde de la jeunesse

La deuxième partie du concert nécessite que l’orchestre s’étoffe et les 31 élèves du Conservatoire, âgés de 16 à 21 ans, gagnent leurs places avec les titulaires. L’orchestre du Capitole est déjà particulièrement jeune, aussi à la vue, tous ces élèves ne tranchent pas vraiment, mais renforcent une impression de jeunesse et de parité habituelle. La symphonie du Nouveau Monde de Dvořák fédère et porte l’enthousiasme. Jamais la présence des jeunes musiciens apporte fragilité ou d’hésitations. Pourtant ils ne sont pas juste placés en doublures mais mêlés au cœur de l’orchestre avec de vraies responsabilités. Les plus exposés ont été le percussionniste (à qui il a été confié le triangle), l’alto (le solo du quatuor) et le cor (souvent à découvert). L’avenir semble très prometteur avec un tel compagnonnage et une telle entente (quels beaux sourires entre le premier violoncelle et son complice). Si seulement plus souvent il était fait confiance à la jeunesse comme ici ! Car le message est simple et fort !
Tugan Sokhiev aborde cette partition célèbre avec assurance, déployant sa force rythmique et mélodique sans fausse modestie. Il fait sonner l’orchestre exposant la splendeur des cuivres, des bois et des cordes. À son habitude la lisibilité des plans sonores est admirable ainsi que l’enchevêtrement des thèmes, contre-chants et motifs secondaires. Les nuances sont admirables dès les premières notes. Les tempi sont allants sans excès. La construction de la symphonie en ces quatre mouvements va vers le final grandiose dont la fanfare triomphante reste un écho festif pour longtemps. Le mouvement lent avec cette inoubliable mélopée au cor anglais porte toute l’émotion attendue sans sensiblerie. L’âge de la toute nouvelle soliste ne dépasse que peu celui des élèves, pourtant la rondeur de sa sonorité, ses nuances extrêmes et sa fine musicalité, semblent dignes d’une longue expérience tant musicale qu’humaine. Ce sont les fanfares du final et les percussions si exposées qui forcent l’admiration car Tugan Sokhiev leur en demande beaucoup ! Les cordes avec engagement et énergie ne déméritent jamais toujours prêtes à relancer le tempo avec des phrasés soignés et subtils. L’enthousiasme du public est grand au point que les applaudissements fusent après chaque mouvement ! Mais c’est une standing-ovation et des cris de joie qui explosent à la fin. En bis, « petit cadeaux du dimanche » comme l’annonce Tugan Sokhiev, c’est l’Arlésienne de Bizet qui est convoquée avec son si brillant final de la suite pour orchestre n°2. La marche achève avec la superposition de la farandole un concert diablement enthousiasmant. Première en France, mêlant un Orchestre National et des élèves de Conservatoire dans un concert d’abonnement. Après avoir été offert aux étudiants la veille au soir et la répétition générale aux scolaires, ce n’est que le sommet de l’ iceberg d’actions très nombreuses en faveur du jeune public Le succès de l’entreprise, la fédération des énergies sans rien lâcher sur les exigences musicales, n’appelle qu’à se renouveler à Toulouse et à diffuser dans d’autres capitales de région et à Paris. Avec un tel feu et de tels paris osés puis gagnés avec et pour la jeunesse, nul doute que l’Opéra Comique va succomber à cet Orchestre du Capitole et son chef si inventif pour les quatre représentations des Fiançailles au Couvent de Prokofiev.

Toulouse. Halle Aux Grains. Dimanche 23 janvier 2011. Camille Saint-Saëns (1835-1921) : Concerto pour violoncelle n°1 en la mineur, op.33 ; Antonín Dvořák (1841-1904) : Symphonie n°9 en mi mineur, op.95 « du nouveau monde ». Dmitry Silvian, violoncelle ; Orchestre National du Capitole. Direction : Tugan Sokhiev. Concert en partenariat avec les élèves du Conservatoire à Rayonnement Régional de Toulouse.

Illustration: Tugan Sokhiev © Hennek
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