mardi 6 mai 2025

Toulouse. Halle-Aux-Grains. 24 mars 2011. Fauré : Shylock. Offenbach : Concerto pour violoncelle. Mendelssohn. Jérôme Pernoo, violoncelle ; Orch. Nat. du Capitole. Direction : Marc Minkowski.

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Toulouse, acte I

Du Grand Minkowski

Premier de deux concerts de Marc Minkowski à Toulouse ce printemps, il a obtenu un franc succès à la tête de l’Orchestre du Capitole. Si le prochain concert avec ses Musiciens du Louvre dans la Messe en si de Bach est de la même eau, il rejoindra les plus grands chefs tel John Eliot Gardiner parfaitement à l’aise dans tout ce qu’il entreprend sans accepter de rentrer dans une quelconque spécialisation.
L’orchestre ne comprenait pas forcement les musiciens les plus prestigieux (ce concert a eu lieu entre deux représentations du Barbier de Séville) mais ce qui est remarquable, comme à l’accoutumée, est leur engagement sans retenue lorsque le chef est musicien jusqu’au bout des ongles. Marc Minkowski est étonnant car sa gestuelle est si engageante en sa robustesse qu’il semble obtenir ce qu’il veut des instrumentistes. Impulsant parfois le tempo d’un mouvement incantatoire de tout son corps, il phrase à l’envie, détaille certains rythmes avec une précision horlogère, construit les divers mouvements en un tout admirablement dramatique. Ainsi les extraits de Shylock de Fauré, s’ils ne représentent pas une composition de la même splendeur mélancolique que la suite de Pelléas et Mélisande, est une œuvre très belle qui mériterait d’avantage les honneurs du concert. Le Nocturne en particulier est très émouvant et le final brillant exulte ainsi dirigés.

L’entrée sur scène du soliste, Jérôme Pernoo, annonce bien du bonheur. Violoncelliste de haute école française, il a une belle complicité avec Marc Minkowski car ils ont enregistré cette œuvre si rare il y a quelques années. Ce long concerto incroyablement virtuose est peu connu. Il bénéficie grâce à Jean-Christophe Keck d’une version complète après bien des vicissitudes. Offenbach est un virtuose du violoncelle qui à la manière de Paganini a voulu écrire pour son usage personnel un concerto, militant sinon militaire, permettant un affrontement parodique entre le soliste et l’orchestre. En charge du théâtre des Bouffes Parisiennes Offenbach a du renoncer à sa carrière de violoncelliste soliste et a oublié son concerto. Quelle ambition en tous cas dans ces pages à faire rougir Paganini lui même ! Car doubles voir triples cordes, sauts d’arpèges, traits fulgurants, tessitures extrêmes, rien ne manque et tout fait un effet sidérant. On a le sentiment par moments que le violoncelle rêve d’être un violon et y qu’il y parvient avec une utilisation des sur-aigus tout à fait inhabituelle. Mais ce qui rend ce concerto irrésistible est l’humour ravageur dont il est farci. En véritable Diva à la manière de la Grande-Duchesse de Gerolstein à venir, l’écriture pour le violoncelle est lyrique et sardonique, et Jérôme Pernoo est l’homme de la situation. Virtuose que rien n’effraie il s’amuse et avec un esprit facétieux, engage un dialogue coquin avec l’orchestre sous le regard amusé du chef. Il y a même une cadence avec la caisse claire tout à fait irrésistible et inénarrable ! Et l’Andante central est digne des cantilènes les plus émouvantes et tendres de l’opéra romantique italien. Bouillonnant, fulgurant et facétieux Jérôme Pernoo et Marc Minkowski trouvent le style exact, à la limite du trop, qui met en éveil l’auditeur sensible à l’humour et à l’intelligence d’Offenbach, dont le style inimitable est tout entier dans ce concerto : diaboliquement virtuose avec un sens du second degré bien trop rare en musique classique.

Après un tel enthousiasme et un tel engagement dans l’œuvre, le public a applaudi à tout rompre à peine le premier mouvement terminé. Mais à la toute fin du concerto c’est un délire heureux qui s’empare de la Halle-aux-Grains. En bis, Pernoo offre avec la complicité du chef, une adaptation savoureuse de la Barcarolle des Contes d’Hoffmann pour violoncelle et orchestre.

En deuxième partie de soirée après l’émotion et l’humour c’est à la savante construction et le sens du voyage musical de Mendelssohn qui est mis en exergue par Marc Minkowski. La Symphonie n°3 dite Ecossaise est de belle facture. Dès les premières mesures concentrées et sérieuses nous devinons que l’interprétation va rendre honneur au génie un peu malmené de celui que le méchant Debussy a comparé à un notaire ! Rien de tel ici mais une générosité enthousiasmante qui magnifie une partition riche et sensible. L’introduction est grandiose et l’Allegro puissant en son avancée robuste. Le scherzo a ensuite la finesse et l’élégance si caractéristique de ce compositeur. La rapidité du tempo demande aux instrumentistes et surtout aux bois des trésors de virtuosité. La clarinette évoquant la cornemuse est à la fois élégante et amicale sous les doigts de Francis Tropini avec une délicatesse de sonorité appréciable. La mélancolie de l’adagio est obtenue par des mouvements comme enlaçant de Marc Minkowski, semblant embrasser tout l’orchestre. Aucune sensiblerie superflue mais des phrasés si délicats qu’ils convoquent une émotion tendre et virile. C’est le mouvement final en sa puissance dégagée qui illustre à merveille les qualités du chef, capable d’obtenir le meilleur de l’orchestre. Le souvenir de la beauté de l’appel final des cors est grandiose. Et les cordes mordantes et vives relancent le tempo à l’envie. Une belle construction de ce mouvement avec un crescendo savamment amené arrache des bravos reconnaissants au public ravi par un tel charisme et une telle osmose entre ce chef invité et son orchestre tant aimé.
En bis, une interprétation du Scherzo encore plus aboutie est offerte avec une incroyable générosité.
Marc Minkowski a su séduire orchestre et public comme peu le peuvent, mais ce qui demeure unique est cette capacité à l’humour comme au sérieux, convoquant des émotions fortes et contrastées, trophées de la musique vivante. Le public ne s’y est pas trompé !

Toulouse. Halle-Aux-Grains. 24 mars 2011. Gabriel Fauré (1845-1924) : Shylock op.57, musique de scène (extraits) ; Jacques Offenbach (1819-1880) : Concerto pour violoncelle et orchestre ; Félix Mendelssohn (1809-1847) : Symphonie n°3 en la mineur op.56 dite Ecossaise. Jérôme Pernoo, violoncelle ; Orchestre National du Capitole. Direction : Marc Minkowski.

Illustration: Jérôme Pernoo © Guy Vivien
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