samedi 3 mai 2025

Toulouse. Halle aux Grains. 15 janvier 2011. Béla Bartók, Franz Liszt, Igor Stravinski… Stephen Hough, piano ; Budapest Festival Orchestra ; Direction : Ivan Fischer

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Ivan Fischer n’est vraiment pas un chef d’orchestre comme les autres. Déjà la veille le concert nous avait enchanté. Dès le début de celui-ci une nouvelle surprise nous a éveillé. On sait le patient travail d’ethnographe réalisé par Bartók à la recherche de mélodies populaires. Il a même dit combien il avait connu les plus beaux moments de sa vie durant cette quête errante et laborieuse et semée d’embûches. Les danses qu’il a réorchestrées subtilement ensuite sont agréablement reçu par le public du monde entier avec parfois un peu d’amusement condescendant, comme pour ce qui vient du folklore. Ce soir Des musiciens da l’orchestre ont joué avant chaque danse orchestrée par Bartók une version originale perpétuée par tradition orale avec des instruments « populaires». Un violon, un alto et une contrebasse à trois cordes. Si le violon était tenu par un violoniste et contrebasse par un contrebassiste, l’alto l’était par un corniste qui a aussi échangé avec l’altiste pour le bis… Dépassant le simple cadre anecdotique et sympathique de la démarche c’est le sens même de la musique qui a été révélé : Il n’y a pas la musique savante d’un côté et la populaire de l’autre. Il n’y a que de la bonne musique celle faite avec toute son âme. Cette interprétation ainsi enrichie par la moelle populaire du fond des âges a provoqué une écoute du public différente et émue. Pas un tousseur n’a osé faire le moindre bruit durant tout le concert ! En cette période c’est a peine croyable ! Cette qualité d’écoute du public a mis en lumière la valeur de l’éthique de ces musiciens engagés totalement. Jamais la saveur de la recréation par Bartók de quelque chose de populaire avec une savante orchestration n’a été si limpide. Les minuscules danses ont paru grandies. Aussi touchant que l’écoute inhabituelle du public a été celle des musiciens de l’orchestre et de leur chef durant les facéties des trois compères sur le devant de la scène. C’est cette image qui reste une leçon d’humanité, voir Ivan Fischer s’abandonner à l’écoute des musiciens populaires et leurs collègues les regarder avec admiration !

Un concert débuté sous de tels hospices ne pouvait que mener les auditeurs très loin de ce qu’ils pensaient trouver. Le Concerto pour piano de Liszt a été rendu à la violence de la passion d’un jeune Liszt de 20 ans qui voulait dévorer le monde. La virtuosité de ce concerto est légendaire ; l’orchestration cherche les effets et la provocation de cette partition a été mise en lumière. Le jeu de Stephen Hough tout en énergie et en tension peut étonner. Les moments de lyrismes sont justes esquissés comme un amant qui n’ose pas encore vraiment s‘abandonner. La fougue est présente alors que la tendresse affleure avec de belles nuances piano et un legato moelleux, juste à peine esquissés. La complicité avec le chef et l’orchestre a très bien fonctionnée. Ivan Fischer a tenu la battue avec exigence et n’a pas cherché à gommer les effets d’orchestration un peu hardis. Son sourire radieux lorsque le phrasé de l’orchestre terminait sur une nuance reprise exactement par le pianiste a montré la délicatesse de l’écoute mutuelle.

Stephen Hough a offert en bis après ce Listz viril et fougueux le plus grand contraste possible avec la fille au cheveu de lin de Debussy. Toucher diaphane et mystérieux et nuances subtiles, ont encore renforcé, en prouvant de quoi ce pianiste est capable, le parti pris interprétatif du concerto de Lizst.

Mais dans une construction rigoureuse et audacieuse du programme c’est la deuxième partie du concert avec La Danse roumaine pour orchestre si richement orchestrée par Béla Bartók et le très périlleux Sacre du Printemps de Stravinski qui a prouvé de quel bois sont faits ces musiciens. Dirigeant par cœur Ivan Fischer n’a disposé d’aucun filet. La Danse roumaine a été superbe de textures et de nuances. L’orchestre a semblé dégusté chaque moment de cette partition si riche qui permet a bien des pupitres de briller. Quant au Sacre du printemps, l’audace et le culot de diriger cette partition par cœur n’appartient qu’à très peu de chefs. Cette interprétation a été ahurissante de précision et de mise en valeur de la moindre intention de Stravinski. Les rythmes qui s’entrechoquent, les nuances abruptes, les superpositions à la limite de l’audible, tout a semblé d’une clarté rare. Traité en pièce de concert brillantissime le chef a obtenu de son orchestre (28 ans de vie commune ça crée une confiance aveugle) une discipline admirable et une précision horlogère. Aucun besoin de théâtralisiation du propos tant la puissance des effets de timbres et de rythmes ont provoqué une émotion oscillant entre abattement et exaltation devant tant de perfection. Il serait injuste de ne pas parler d’un seul instrumentiste tant chacun a apporté sa pierre à l’édifice commun. Jusqu‘au violoniste de rang ou au percussionniste le plus éloigné, chacun a été présent entièrement sous la battue d’un chef de génie.

Deux bis ont été offerts, un pas de deux de casse Noisette dégagé du ballet avec une emphase sublime touchant au grandiose et ….. les trois compère ad libitum pour de la belle et bonne musique au charme si musqué d’origine populaire !

Mieux qu’un simple concert les Grands Interprètes ont su inviter des musiciens d’exception donnant en toute humilité une leçon sur la vie même. En cette période si troublée c’est précieux.

Toulouse. Halle aux Grains. 15 janvier 2011. Béla Bartók (1891-1946) : Danses populaires roumaines Sz.68,BB 76 ; Danse roumaine pour orchestre Sz.47a, BB 61 ; Franz Liszt (1811-1886) : Concerto n°1 pour piano et orchestre ; Igor Stravinski (1882-1971) : Le Sacre du Printemps. Stephen Hough, piano ; Budapest Festival Orchestra ; Direction : Ivan Fischer.

Illustration: Ivan Fischer (DR)
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