dimanche 29 juin 2025

Toulouse. Eglise Saint-Pierre des Cuisines, le 19 septembre 2011. Johann Krüger (1820-1883) : Fantaisie dramatique sur Faust de Gounod ; Liszt, Ravel, Godard… David Violi, piano

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Un beau diable de pianiste !

La surprise la plus enthousiasmante de cette magnifique 32ième édition de Piano aux Jacobins sera certainement ce concert dans la superbe salle de concert réalisée dans l’austère église de Saint Pierre des Cuisines. Le pianiste peu connu qui a officié ce soir mérite une reconnaissance internationale rapide tant son talent est fulgurant. David Violi a tout juste 29 ans. Originaire de Nancy, il a devant lui une carrière internationale qui va le propulser auprès des plus grands. L’art de la paraphrase est subtil et délicat. En choisissant de construire son programme autour de cette virtuosité qui peut devenir clinquante David Violi ne prenait pas trop de risques techniques car il a une solidité dans son jeu, une assurance dans les traits les plus virtuoses qui permettent de penser qu’il peut tout jouer sans craintes. La pièce de Johann Krüger est inconnue. Elle mérite toute notre attention sous des doigts si habiles. En effet, l’originalité de la pièce rencontre la sincérité du pianiste et les extraits de l’acte du jardin du Faust de Gounod depuis la cavatine de Siebel jusqu’aux langueurs des amoureux puis la prière finale de Margueritte, « Anges purs Anges radieux », tout met en lumière les plus beaux moments lyriques de la partition de Gounod. La souplesse du jeu de David Violi lui permet de mettre en valeur de manière somptueuse la ligne de chant, tout en offrant les guirlandes de notes perlées des variations. Les nuances sont subtilement creusées avec des couleurs remarquables. Une qualité bien rare pour un si jeune artiste est cette capacité à ne pas mettre en avant le geste technique fulgurant mais de toujours privilégier la musicalité la plus délicate. La prouesse est également de ressusciter des partitions que d’aucuns taxeraient de pièces superficielles. La résurrection de la grande Fantaisie de Krüger est un vrai plaisir musical.

Les sonnets de Pétrarque, extaits des Années de Pèlerinage de Liszt, ont d’abord été des mélodies avant d’intégrer les Années Italiennes. L’interprétation de David Violi est si lyrique, si agréablement phrasée, que pour la première fois votre serviteur n’a pas pensé à ses divas préférées dans ces lieder. Cette qualité opératique du jeu de David Violi est tout à fait remarquable. L’élégance de ses doigts et la beauté de ses mouvements permet de comprendre par le regard, la classe du jeu, la profondeur de l’émotion et l’ampleur du phrasé, perçues par les oreilles. « Les Farfadets » et « La Fée d’Amour » extraits de la « Sonate fantastique » de Benjamin Godard relèvent des mêmes qualités. David Violi fait oublier la technique considérable qui est la sienne pour rendre sensible l’émotion contenues dans ces pièces si différentes mais tout aussi difficiles, l’une très rythmique, l’autre chantante et émouvante.

La deuxième partie du concert a encore d’avantage subjugué le public. En débutant par la Mephisto-Polka de Liszt jouée de manière humoristique et non-satanique, David Violi fait du diable un personnage sympathique et gentiment moqueur. Les nuances abruptes, les silences et les tempi souplement distendus font de cette pièce une petite merveille d’humour. Ravel avec son « Gaspard de la Nuit » qui vient suivre ce moment de folie en sort grandi, « Ondine » a les voluptueuses ondulations de la séduction. Mais c’est surtout « Le Gibet », avec son mouvement immuable, qui acquiert après l‘humour et la séduction, un tragique insupportable tant le moindre allégement en est absent. Le poids de malheur et de désespoir contenu dans cette pièce semble pouvoir nous anéantir. Il faut toute l’énergie et la force souple des doigts de David Violi pour relancer « Scarbo » et ses déplacements grotesques. Les subtilités interprétatives de Ravel semblent parfaitement acquises au jeune pianiste. La dimension onirique et poétique est également très présente dans son interprétation. Les variations de Liszt sur la Valse du Faust de Gounod terminent en apothéose le brillant récital du jeune nancéen. Force est d’admettre que la faiblesse de ce thème fait un peu retomber l’intérêt musical, par contre le brillant du jeu est époustouflant avec cet art de mettre en valeur le thème, alors que tant de notes diffusent.
Au final, on gardera comme les qualités les plus précieuse, un art suprême du legato, des nuances riches et des phrasés souples, et avant tout un toucher délicat reposant sur une élégance de gestes inoubliable. L’autre grand compositeur fantastique ne sera pas oublié dans les bis : Hector Berlioz avec un extrait de la Damnation de Faust.
David Violi possède un talent rare. Jeune découverte de ce Festival, il est souhaitable de le réentendre bientôt ! Mezzo ne s’y trompe pas qui va filmer ce programme prochainement ! Et surtout classiquenews qui avait dès le premier concert de ce programme étonnant captivant, en août 2011, déceler un formidable tempérament au service d’oeuvres rares, joyaux du romantisme français… A quand un enregistrement audio ?

Toulouse. Eglise Saint-Pierre des Cuisines, le 19 septembre 2011. Wilhelm Krüger (1820-1883) : Fantaisie dramatique sur Faust de Gounod ; Frantz Liszt (1811-1886) : Années de Pèlerinage, extraits ; Valse de Faust de Gounod ; Méphisto Polka ; Maurice Ravel (1875-1937) : Gaspard de la Nuit ; Benjamin Godard (1849-1895) : La sonate fantastique, op.63, extraits. David Violi, piano.

vidéo

Pour le festival Virtuosités proposé à Venise par le Palazzetto Bru Zane, le pianiste Davi Violi,
jeune tempérament à suivre, ressuscite en un programme inédit intitulé
« Paraphrases diaboliques », le style de deux compositeurs romantiques
méconnus: Johann Krüger et Benjamin Godard… Récital événement le 9 octobre 2011 au Palazzetto Bru Zane à Venise…

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