4 nouveaux ouvrages chez Symétrie
Réviser nos repères romantiques
Henri Rabaud: Correspondance et écrits de jeunesse

Compositeur français à la charnière entre le XIXè et le XXè, trentenaire en 1900, Henri Rabaud (1873-1949) est relégué à l’ombre des « grands » tels Debussy et Ravel. Dès son séjour à la Villa Médicis, comme grand prix de Rome (1894), le jeune compositeur affirme une pensée affûtée, déterminée, déjà mûre en bien des points. Il y choisit déjà ses genres, sélectionne les pistes musicales qui lui seront familières comme auteur. Les lettres réunies et commentées ici (adressées par le pensionnaire académicien à Halévy et Max d’Ollonne) dévoilent l’activité d’un compositeur habité par le souci de modernité qui souhaite soigner le beau son et parfaire les modes expressifs du langage musical.
A Halévy, Rabaud avoue sa passion pour l’opéra. Mais à son désir s’ajoute une réflexion personnelle et exigeante qui assoit d’emblée son style et son tempérament (et qui fonde toute l’intérêt du présent texte).
Assurer la transformation de la tragédie antique en drame théâtral et musical, trouver un « vrai » sujet, fort, puissant, prenant, édifiant.. on connaît le défi auquel se frotte tout créateur digne de ce nom: la scène, le chant, les arts visuels permettent au musicien et compositeur ce dépassement poétique décisif…
Henri Rabaud: Correspondance et écrits de jeunesse présentés et annotés par Michel Rabaud. 512 pages. Editions Symétrie.
Théodore Dubois: Souvenirs de ma vie

L’auteur du Traité d’harmonie, des Sept Paroles du Christ, de la Toccata pour orgue se « raconte » ainsi: généreux, simple, sincère et pour le passionné d’histoire musicale, riche voire révélateur en anecdotes et faits historiques. L’homme dévoile tout un milieu, des affinités, des filiations, une société d’admirateurs et de conspirateurs, plusieurs vagues du goût… et par les références de ses oeuvres dont la génèse est restituée, tout un courant de sensibilité, toute une approche qui vit et produit la musique.
L’artiste au risque de surprendre par sa lenteur et la progression d’une pensée qui prend sont temps, préfère « l’évolution » à « la révolution ». Il n’a pas la fièvre ardente et mordante d’un Berlioz pour se défendre de ses détracteurs, préférant le silence et l’amertume à la riposte éclatante et argumentée. D’autant que le fidèle de Gounod ou Thomas est confronté aux secousses les plus violentes : guerre franco-allemande de 1870, Premier conflit mondial, ruptures traumatiques auxquelles correspondent les chants nouveaux de la modernité musicale dont témoigne la nouvelle vague incarnée par Darius Milhaud et Stravinsky (à laquelle l’auteur reste hermétique et critique). Le texte restitue nombre d’oeuvres aux mérites évidents que le public français et le milieu avaient décidé, en toute mauvaise foi (et mauvais discernement) de dénigrer: Symphonie française, Concerto pour violon (1897)…
Tout le parcours du musicien est restitué par le filtre de la rétrospective subjective: l’enfance à Rosnay (jusqu’en 1854), les séjours à Paris, chez son maître Marmontel, l’admission au Conservatoire dans la classe d’Auber, l’apprentissage et le perfectionnement à l’orgue, la composition et le contrepoint auprès d’Ambroise Thomas… la fréquentation de César Franck dont il devient l’accompagnateur à Sainte-Clotilde (vers 1858)… Candidat au Concours de Rome (1861) malgré la petite vérole, … aux étapes principales de la maturation et de l’éveil musical, se mêlent aussi les souvenirs du mélomane vis à des oeuvres marquantes en création à son époque… comme les représentations scandaleuses de Tannhäuser (fin 1861)… Chaque section des Souvenirs (huit au total, de « l’enfance – Rosnay (1837-1854) » à « Période de liberté (1905-1912) »-, comportent de nombreuses notes, et un cahier iconographique de 16 pages en couleurs apportent un complément bénéfique dont la photographie de Dubois, nouvellement nommé directeur du Conservatoire (s’étonnant alors, mais avec une fausse innocence, du nombres d’amis qui se font connaître alors… portrait vers 1890).
En témoin plein d’anecdotes, Dubois qui jouait toutes les musiques de son temps, à quatre mains, avec son épouse, l’excellente pianiste, Jeanne Duvinage, laisse quantité d’épisodes révélateurs: la rencontre à Sainte-Clotilde de Franck et de Liszt, …
A celui qui demeure un « écarté » des salons mondains et des salles de concert, qui en outre fut désavantagé par un léger bégaiement, la présente édition offre un premier hommage en forme de réhabilitation.
Théodore Dubois: Souvenirs de ma vie présentés et annotés par Christine Collette-Kléo. 240 pages. Editions Symétrie.
Aspects de l’opéra français de Meyerbeer à Honegger

Le titre de l’ouvrage générique « de Meyerbeer à Henegger » insiste aussi sur la présence des auteurs étrangers dans l’évolution du genre lyrique national, constante même avérée dans l’histoire de l’opéra français. Meyerbeer donc (dont L’Africaine créée à titre posthume en 1865, contient « la dernière pensée musicale »), mais aussi Offenbach, et Reynaldo Hahn, « vénézuélien d’origine allemande », et Honegger, « havrais de naissance mais de nationalité suisse, travaillent tous à l’illustration exigeante du théâtre musical français, en interrogeant la question centrale de la langue à l’opéra.
Avouons pour notre part, notre lecture passionnée de « Grand siècle et Belle Epoque: La Carmélite de Reynaldo Hahn », surtout, l’article captivant d’une oeuvre jamais achevé, donc toujours fascinante: « L’opéra perdu de Claude Debussy: La Chute de la maison Usher (1908-1917) » dont le texte propose « éditon et reconstruction d’un chef d’oeuvre macabre »…
En complément, cahier central iconographique de 16 pages en couleurs dont plusieurs documents sur l’Hérodiade de Massenet et des photographies d’une production de La Chute de la maison Usher de Debussy, présentée au Festival de Bregenz 2006, dans la restitution intégrale de Robert Orledge (entre opéra et chorégraphie, le spectacle avait été un coup de coeur de la rédaction dvd de classiquenews.com et à ce titre chroniqué (La Chute de la maison Usher de Claude Debussy, 1 dvd Capriccio 2007).
Aspects de l’opéra français de Meyerbeer à Honegger. 272 pages. Editions Symétrie.
Hérold en Italie

Les textes ici regroupés en argumentent l’intérêt. D’autant qu’ils éclairent, en complément des dernières années mieux connues, ses débuts, surtout ses deux voyages en Italie (1812-1815 et 1821). D’où le titre « Hérold en Italie »: en référene à l’oeuvre de Berlioz (Harold en Italie), qui place sans irrévérence ni extrapolation, Hérold dans le cercle des meilleurs romantiques français. L’apport des sources documentaires choisies analyse ainsi le contexte musical et esthétique de cette « période de formation », auquel correspond un travail précis d’annotation et de présentation de la correspondance du jeune musicien avec sa mère, pendant son périple italien.
Le créateur en apprentissage voit et entend beaucoup à Naples, mais aussi à Vienne (il y rencontre Salieri dont il apprécie les oeuvres, mais regrette d’y subir trop d’ouvrages français…), il croise Hummel et Beethoven. Le jeune homme sait assimiler, synthétiser pour bientôt éblouir l’Europe et la scène parisienne à l’opéra. La lecture offre de nombreuses découvertes: capitale, ainsi la lecture du chapitre dédié aux ouvertures d’Hérold, illustration de la pensée symphonique française et qui révèle « l’impatience du siècle »; ou également, « la vocalité italienne dans les opéras-comiques d’Hérold, ou d’un « usage raisonnable » des ornements »; c’est aussi une évocation argumentée et vivante de « L’Académie de France à Rome au temps d’Hérold: libertés et contraintes »… ou comment les compositeurs ont apporté leur pierre spécifique à l’esthétique « officielle », et ce de façon très tardive puisque l’Académie ne leur fut ouverte qu’en 1803… après les peintres et les sculpteurs.
Hérold en Italie. Ouvrage collectif coordonné par Alexandre Dtrawicki. 448 pages. Editions Symétrie.
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Editions Symétrie (collection « Perpetuum mobile »)
mobile » (Symétrie), présente le profil des ouvrages édités avec le
Palazzetto Bru Zane, Centre de musique romantique française: collection
dédiée aux compositeurs romantiques français, correspondances, textes
autobiographiques, essais… (Musicora 2009)
Critiques de livres rédigées par Delphine Raph, Camille de Joyeuse, Carl Fischer, sous la direction d’Adrien de Vries pour classiquenews.com © 2009