CRITIQUE, Zarzuela. ORANGE, ChorĂ©gies, le 6 juil 2019. NUIT ESPAGNOLE, TOUJOURS DIMANCHE AVEC DOMINGO⊠MĂȘme le samedi. Dans la nuit provençale, la rigueur caniculaire apaisĂ©e, pour fĂȘter son cent-cinquantiĂšme anniversaire de plus ancien festival de France nĂ© en 1869, apogĂ©e de la zarzuela, les ChorĂ©gies dâOrange, pour leur flamboyante ouverture, se paraient du rouge et or ânon sang et or Ă rĂ©prouverâ dâune Espagne Ă approuver dont les Espagnols, Ă©prouvĂ©s par lâexil dâune Histoire rĂ©cente sombre, pouvaient se sentir fiers, son bel Ă©tendard lyrique dĂ©fendu mondialement par des Ă©toiles de premiĂšre grandeur, les Kraus, Los Ăngeles, Berganza, CaballĂ©, Carreras, MarĂa Bayo et, bien sĂ»r, comme je le lui disais, PlĂĄcido Domingo qui en a fait un passage obligĂ© de son concours de chant international Operalia, depuis 1993, la rĂ©tablissant dans ses belles lettres de noblesse : populaire.
La zarzuela a bercĂ© mon enfance, apaisĂ© des nostalgies de la distance natale. DĂšs que je lâai pu, Ă cĂŽtĂ© de mes cours magistraux sur lâĂ©thique et lâesthĂ©tique du Baroque, de philosophie, de rhĂ©torique, jâai pu imposer Ă lâUniversitĂ©, dĂšs les annĂ©es 70, des cours plus lĂ©gers sur la musique espagnole, sur la zarzuela, dont se sont nourris aussi de mes Ă©tudiants, certains devenus chanteurs, et mĂȘme chercheurs en la matiĂšre. MatiĂšre chĂšre Ă mon cĆur, qui fera pardonner, je lâespĂšre, ces aveux personnels, sur laquelle jâai aussi multipliĂ© des Ă©crits, des confĂ©rences, des Ă©missions de radio.
DâoĂč la joie de partager collectivement, avec ce public si nombreux, cette Ă©motion si intime, si personnelle, si nichĂ©e au fond de moi. Un critique peut, ou doit, ĂȘtre aussi sentimental dĂšs lors que la raison nâest pas la dupe du cĆur : un public si heureux, si enthousiaste, fut comme lâaval rationnel, objectif, de ce bonheur subjectif.
Zarzuela
Ce terme, il ne faut pas sây tromper, dĂ©signe aussi un plat qui mĂȘle poissons et fruits de mer liĂ©s par une sauce. Ce mot dĂ©rive de zarza (qui signifie ronce), donc, zarzuelaest un lieu envahi par les ronces, une ronceraie. Ce nom fut donnĂ© au Palais de la Zarzuela, rĂ©sidence champĂȘtre dâabord princiĂšre puis royale (câest la rĂ©sidence actuelle du roi Philipe VI et de sa famille), aux environs de Madrid.
Au XVIIe siĂšcle
Le roi Philippe IV, qui avait fui lâEscorial austĂšre de son aĂŻeul Philippe II, et habitait un palais Ă Madrid, venait sây dĂ©lasser avec sa cour, chasser et, disons-le, faire la fĂȘte, donner des fĂȘtes somptueuses, des piĂšces de théùtre agrĂ©mentĂ©es de plus en plus de musique, quâon appellera « Fiestas de la zarzuela », puis, tout simplement « zarzuela ». Câest pratiquement, dâabord, un opĂ©ra baroque Ă machines, dâinspiration italienne mais entiĂšrement chantĂ© en espagnol ou, plus tard, avec des passages parlĂ©s Ă la place des rĂ©citatifs.
En France, il faudra attendre 1671 pour le premier opĂ©ra français, la Pomone, de Robert Cambert, livret de lâabbĂ© Pierre Perrin. En Espagne, environ cinquante ans plus tĂŽt, en 1627, une de ces fĂȘtes musicales de la zarzuela est, en fait, un vĂ©ritable opĂ©ra Ă lâitalienne. Bien sĂ»r, on ne lâappelle pas « opĂ©ra » puisque ce mot tardif, italien, signifie simplement âĆuvreâ, les ouvrages lyriques de cette Ă©poque nâĂ©tant appelĂ©s que dramma per musica, âdrame en musiqueâ, Monteverdi nâappelant son Orfeo que âfavola in musicaâ, fable en musique. En Espagne, on lâappellera donc zarzuela. Câest La selva sin amor, âLa forĂȘt sans amourâ, avec pour librettiste rien de moins que le fameux Lope de Vega, pour lors le plus grand dramaturge espagnol, qui serait auteur de prĂšs dâun millier de piĂšces de théùtre. La musique de Filippo Piccinini, italien Ă©tabli Ă la cour dâEspagne, est malheureusement perdue. La mise en scĂšne, fastueuse, extraordinaire, du grand ingĂ©nieur et peintre florentin Cosimo Lotti frappa les esprits et on en a des descriptions Ă©merveillĂ©es.La zarzuela est donc, dâabord, le nom de lâopĂ©ra baroque espagnol aristocratique, fastueux.
Au XVIIIe siĂšcle
On appelle toujours zarzuela une Ćuvre lyrique baroque Ă lâitalienne, parlĂ©e et chantĂ©e, parallĂšlement au nouveau terme « opĂ©ra » qui sâimpose pour le genre entiĂšrement chantĂ©, qui mĂȘle cependant, Ă diffĂ©rence de lâopera seria italien, le comique et le tragique. Cependant, lâĂ©volution du goĂ»t fait quâil y a une lassitude pour les sujets mythologiques ou tirĂ©s de lâhistoire antique qui faisaient le fonds de lâopĂ©ra baroque.
LâEspagne avait une tradition ancienne dâintermĂšdes comiques, deux saynĂštes musicales insĂ©rĂ©es entre les trois actes dâune piĂšce de théùtre, la comedia (dont la rĂ©union des deux en un seul sujet donnera dans la Naples espagnole lâopera buffa). Au XVIIIe, ces intermĂšdes deviendront de brĂšves tonadillas populaires qui alternent danses et chants typiques ; Ă©toffĂ©es, elles sâappelleront plus tard encore zarzuelas, avec des sujets de plus en plus populaires, puis nettement inspirĂ©es des coutumes et de la culture du peuple.
XIXe siĂšcle
Du XIXe au XXe siĂšcle, ce nom de zarzuela dĂ©signe dĂ©finitivement une Ćuvre lyrique et parlĂ©e qui, donc, peut aller de lâopĂ©ra Ă lâopĂ©rette, dramatique ou comique. Les compositeurs tels que Francisco Barbieri, ou encore TomĂĄs BretĂłn en ont illustrĂ© un versant pittoresque bouffon, typiquement espagnol. Câest souvent, pour la zarzuela grande, un vĂ©ritable opĂ©ra (Manuel de Falla appellera dâabord « zarzuela » son opĂ©ra LaVida breve (1913). Mais la plupart mĂȘlent toujours, par tradition, le parlĂ© et le chantĂ©.
LâopĂ©ra-comique, câest un opĂ©ra qui est « comique », non parce quâil fait rire, mais, comme le dit le dictionnaire de LittrĂ© au premier sens du mot, « Qui appartient Ă la comĂ©die », bref au théùtre. Donc, un opĂ©ra-comique est un opĂ©ra qui admet des passages parlĂ©s, comme la zarzuela qui lâa prĂ©cĂ©dĂ© de beaucoup. Ă Paris, le théùtre de lâOpĂ©ra-ComiqueĂ©tait le lieu consacrĂ©, au XIXe siĂšcle, Ă ce genre dâouvrage. Il faut le rappeler, Carmen nâest pas un opĂ©ra pur mais un opĂ©ra-comique puisquâil y a des passages parlĂ©s. Ce genre de lâopĂ©ra-comique, en France, naĂźt dans le milieu du XVIIIesiĂšcle. Mais en Espagne, il apparaĂźt un siĂšcle et demi auparavant. Câest justement ce quâon nomme zarzuela, mĂȘme si les sujets en sont trĂšs diffĂ©rents.
Le XIXe siĂšcle sera lâĂąge dâor de la zarzuela. Mais qui subit la concurrence de lâopĂ©ra italien qui rĂšgne en Europe avec Rossini, Bellini, Donizetti et bientĂŽt Verdi. Vers le milieu du siĂšcle, un groupe dâĂ©crivains et de compositeurs rassemblĂ©s autour de Francisco Asenjo Barbieri (1823-1894), grand compositeur et maĂźtre Ă penser musical de lâĂ©cole nationale renoue et rĂ©nove le genre, lui redonne des lettres de noblesse dans lâintention dâaffranchir la musique espagnole de lâinvasion de lâopĂ©ra italien, la zarzuela grande prĂ©tendant au titre dâopĂ©ra national : bataille perdue, la bourgeoise prĂ©fĂ©rant lâitalianisme lyrique international. LâĂ©ventail des sujets est trĂšs grand, du drame historique Ă la lĂ©gĂšre comĂ©die de mĆurs. Cependant, dans la zarzuela qui perdure, toute lâEspagne et ses provinces est prĂ©sente dans sa variĂ©tĂ© musicale de rythmes vocaux et de danses.Madrid devient le centre privilĂ©giĂ© de la zarzuela urbaine brĂšve en un acte, avec ses madrilĂšnes du menu peuple, son accent, ses fĂȘtes, ses disputes de voisinage.
Zarzuela et nationalisme
CâĂ©tait lâune des consĂ©quences des guerres napolĂ©oniennes qui ont ravagĂ© lâEurope, de lâEspagne Ă la Russie, le nationalisme commence Ă faire des ravages : le passage des troupes françaises a Ă©veillĂ© une conscience nationale, pour le meilleur quand il sâagit dâart, et, plus tard, pour le pire comme on lâa, hĂ©las, vu et voit encore. Pour le moment, il ne sâagit que de musique dont on dit quâelle adoucit les mĆurs. Partout, dâautant que les gens ne comprennent pas forcĂ©ment lâitalien, langue lyrique obligatoire, il y a des tentatives dâopĂ©ra national en langue autochtone, mĂȘme si les opĂ©ras italiens se donnent en traduction.
Des expĂ©riences naissent un peu partout, en Allemagne avec Weber et son FreischĂŒtz (1821), premier opĂ©ra romantique, en langue allemande (avec des passages parlĂ©s comme dans les singpiel de Mozart, LâEnlĂšvement au sĂ©rail, La FlĂ»te enchantĂ©e), suivi de Wagner qui en signe les chefs-dâĆuvre germaniques. La France a sa propre production lyrique. Mais jugeons de la vanitĂ© des nationalismes : lâopĂ©ra Ă la française a Ă©tĂ© créé pour Louis XIV (fils dâune Espagnole, petit-fils dâHenri IV le Navarrais, qui descend dâun roi maure espagnol) par le Florentin Lully. Câest Gluck, Autrichien, maĂźtre de musique de Marie-Antoinette, qui recrĂ©e la tragĂ©die lyrique Ă la française dans cette tradition ; câest Meyerbeer, Allemand, qui donne le modĂšle du grand opĂ©ra historique Ă la française ; ce sera Offenbach, juif allemand, qui portera au sommet lâopĂ©rette française, et lâopĂ©ra le plus jouĂ© dans le monde, dĂ» Ă Bizet, câest Carmen, sur un sujet et des thĂšmes espagnols. Fort heureusement, lâart, la musique ne connaissent pas de frontiĂšre et se nourrit dâun bien oĂč on le trouve comme dirait MoliĂšre.
LâEspagne
Dans ce contexte europĂ©en, lâEspagne est plus mal lotie. Elle est plongĂ©e dans le marasme de la dĂ©colonisation, rĂ©sultat des guerres napolĂ©oniennes et de la RĂ©volution française, car les colonies refusent de reconnaĂźtre pour roi Joseph Bonaparte imposĂ© en Espagne. Il en sera chassĂ© aprĂšs une terrible Guerre dâIndĂ©pendance qui sonne le glas de lâEmpire de NapolĂ©on : rappelons non pas les heureuses peintures de Goya des temps de la tonadilla, mais ses sombres tableaux sur la guerre, ses massacres, ses gravures sur les malheurs de la guerre. En dix ans, entre 1810 et 1820, lâEspagne perd le Mexique, lâAmĂ©rique centrale et lâAmĂ©rique du sud dont elle tirait dâĂ©normes richesses. Elle ne garde que Cuba, Porto-Rico et les Philippines, qui, Ă leur tour, sâĂ©manciperont en 1898, annĂ©e qui marque la fin dâun Empire espagnol de plus de trois siĂšcle.
Et paradoxalement, ces annĂ©es 1890 sont lâapogĂ©e de la zarzuela, avec le gĂ©nero chico (âle petit genreâ), en un acte, qui connaĂźt un essor sans prĂ©cĂ©dent.
IndiffĂ©rente aux alĂ©as de lâHistoire contemporaine, la zarzuela chante les valeurs traditionnelles dâune Espagne qui continue Ă se croire Ă©ternelle avec ses valeurs, courage, hĂ©roĂŻsme, honneur, amour, religion, patrie, etc, tous les clichĂ©s dâun nationalisme dâautant plus ombrageux quâil nâa plus lâombre dâune rĂ©alitĂ© solide dans un pays paupĂ©risĂ© par la perte des colonies et les guerres civiles, les guerres carlistes qui se succĂšdent, trois en un siĂšcle, entre libĂ©raux et absolutistes, la terrible Guerre de 1936, en Ă©tant quâune suite en plein XXe siĂšcle.
La zarzuela devient une sorte dâhymne dâexaltation patriotique, de nationalisme auto-satisfait oĂč lâespagnolisme frise parfois lâespagnolade. Cela explique que le franquisme, isolĂ© culturellement du monde, tournĂ© vers le passĂ©, cultiva avec dĂ©votion la zarzuela, la favorisa de mĂȘme quâun type de chanson « aflamencada », inspirĂ©e du flamenco, comme une sorte de retour aux valeurs traditionnelles dâune Espagne le dos tournĂ© Ă la modernitĂ©.
AprĂšs un rejet de la zarzuela, et du flamenco, rĂ©cupĂ©rĂ©s et identifiĂ©s Ă lâidentitĂ© franquiste, il y a un retour populaire apaisĂ© vers ces genres typiques, dâautant quâils avaient toujours Ă©tĂ© dĂ©fendus et cultivĂ©s, sur les scĂšnes mondiales par tous les plus grands interprĂštes lyriques espagnols dĂ©jĂ nommĂ©s. Domingo par ailleurs, nĂ© de parents chanteurs de zarzuelas, a imposĂ© la zarzuela comme genre lyrique dans le fameux concours qui porte son nom et des chanteuses aujourdâhui cĂ©lĂšbres comme Inva Mula, albanaise, ou Elina Garanca, lettone, sây sont illustrĂ©es, entre autres.Sans oublier Rolando VillazĂłn.
Musique espagnole : du typique au topique
La musique espagnole traditionnelle, typique, a une identitĂ© si prĂ©cise en rythme, tonalitĂ©s particuliĂšres, mĂ©lismes, quâelle sâest imposĂ©e comme un genre en soi, si bien que rythmiquement, certaines de ses danses picaresques, mĂȘme condamnĂ©es par lâInquisition comme licencieuses, la chacone, la sarabande, la passacaille, le canari, la folie dâEspagne, le bureo (devenu sans doute bourrĂ©e), se sont imposĂ©es et dignifiĂ©es dans la suite baroque. Quant Ă ses modalitĂ©s et tonalitĂ©s, elles ont fascinĂ© les grands compositeurs, de Scarlatti Ă Boccherini, par ailleurs bien intĂ©grĂ©s Ă lâEspagne, de Liszt Ă Glinka et Rimski-Korsakof, de Verdi Ă Massenet, de Chabrier Ă Lalo, Debussy, Ravel, en passant par la Carmen de Bizet qui emprunte son habanera Ă SebastiĂĄn Iradier et sâinspire du polo de Manuel GarcĂa, pĂšre de la Malibran et de Pauline Viardot, etc, pour le meilleur dâune « vraie » et digne musique espagnole « typique », Ă©crite hors de ses frontiĂšres.
Mais le typique trop dĂ©fini finit en topique, en clichĂ© avec lâespagnolade, qui a ses degrĂ©s, pas tous dĂ©gradants, et qui tiennent plus Ă une surinterprĂ©tation, Ă un excĂšs coloriste de la couleur locale dans la musique, mais, surtout, Ă des textes, pour la majoritĂ© de musiques chantĂ©es, qui surjouent un folklore hispanique oĂč rĂšgne le clichĂ© pas toujours de bon aloi, une Espagne plurielle rĂ©duite abusivement Ă une Andalousie de pacotille, qui agace et humilie les Espagnols, caricaturĂ©e au soleil, au faux flamenco, aux castagnettes et Ă lâabomination de la corrida.
Nuits des Espagnes aux Chorégies
Câest lâEspagne, en fait, dans son unitĂ© et variĂ©tĂ©, fortement une par sa puissante tradition musicale et sa pluralitĂ© de chants et de danses de ses diverses rĂ©gions Ă©voquĂ©es, du nord au sud : Andalousie, Aragon, Castille, EstrĂ©madure, Pays basque, etc.
La Boda de Luis Alonso symbolique ?
Bel exemple, symptomatique, symbolique ici, lâouverture du spectacle, lâintermĂšde cĂ©lĂšbre de La Boda de Luis Alonso (1897) de lâenfant prodige puis compositeur prodigue GerĂłnimo GimĂ©nez qui a composĂ© plus dâune centaine de zarzuelas en un acte dont un âBarbier de SĂ©villeâ El barbero de Sevilla (1901). Il dĂ©passe le cadre du genre avec La tempranica (1900), vĂ©ritable opĂ©ra-comique, trĂšs lyrique, dont sâinspire Manuel de Falla pour sa Vida breve, puis Turina, Torroba en faisant un opĂ©ra en mettant en musique les parties parlĂ©es. Un des airs de La tempranica, le zapateadode la tarentule, mis en faveur par Teresa Berganza, est dĂ©sormais un tube pour nombre de cantatrices, dont Patricia Petibon, qui le chante avec espiĂšglerie et parfait accent andalou. Le succĂšs de sa prĂ©cĂ©dente zarzuela, El baile de Luis Alonso (1896) lui avait suggĂ©rĂ© non une suite mais un Ă©pisode antĂ©cĂ©dent de la vie de son hĂ©ros, Luis Alonso, maĂźtre Ă danser Ă Cadix, son mariage avec une jeunesse, perturbĂ© par lâex jaloux de la mariĂ©e qui, par une ruse brutale et bestiale, un lĂącher de taureaux, rendra compliquĂ©e âou impossibleâ la nuit de noces du quinquagĂ©naire maĂźtre Ă danser âsur un mauvais pied.
Ballet Antonio GadĂšs
La musique est brillante, joyeuse, Ă©lĂ©gante et condense des rythmes et des motifs musicaux autant andalous que du reste de lâEspagne, dont un thĂšme populaire aragonais que Glinka avait utilisĂ© dans sa Jota et Liszt dans sa Rhapsodie espagnole. Un maĂźtre Ă danser et une musique si dansante, rien de mieux pour mettre en valeur le Ballet Antonio GadĂšs, six hommes en noir, huit femmes en jupes blanches, corolles inversĂ©es de lis aux pĂ©tales des volants de dessous en rouge, vert, bleu⊠Le ballet, dans lâĂ©lĂ©gance de ses figures, dĂ©ploie le meilleur de lâĂcole bolera, le ballet classique national espagnol, Ă©purĂ© au XVIIIesiĂšcle au contact de la danse française et italienne de cour, mais nourri, comme toute musique en Espagne, de rythmes, de danses populaires. La rencontre, au XIXesiĂšcle avec le flamenco balbutiant sera fructueuse : celui-ci sâaffine Ă son contact et lâĂcole bolera, en raffine des traits, en adopte et adapte des figures, castagnettes et zapateado virtuoses, grĂące et dignitĂ© des figures, allures, postures. En noir et blanc, avec ces envolĂ©es des volants de jupons discrĂštement colorĂ©s, câĂ©tait toute lâĂ©lĂ©gance sans arrogance qui prĂ©sidait la soirĂ©e, menĂ©e de main de maĂźtre, Ă la tĂȘte du bel Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, par Ăliver DĂaz (qui corrigera, en seconde partie, un niveau sonore excessif, notamment des cuivres, dans ce vaste espace qui nâen a pas besoin).

Autre interlude, celui des Goyescas (1916), opĂ©ra dâEnrique Granados inspirĂ© plastiquement des tableaux de Goya et, musicalement, de sa suite pour piano (1911) dont le succĂšs Ă Paris lui avait valu cette commande. La crĂ©ation, Ă cause de la Guerre mondiale, se fera Ă New-York en prĂ©sence du compositeur malheureusement : aprĂšs le triomphe, il rentrait Ă Barcelone sur le Sussex qui fut torpillĂ© pas un sous-marin allemand ; Granados, voulant secourir sa femme, se noya avec elle. Lâinterlude, majestueux, sâouvre lentement, trĂšs lentement comme un rideau de scĂšne dont le chef Ăliver DĂaz, qui sâĂ©tait dĂ©ployĂ© en joyeuse frĂ©nĂ©sie rythmique avec Luis Alonso, semble Ă©tirer et retarder Ă lâinfini du rĂȘve lâouverture, faisant planer dâirrĂ©elle façon le motif vaporeux si nostalgique, si caractĂ©ristique du nĂ©oromantisme mĂ©lancolique Granados. La chorĂ©graphe Mayte Chicoa lâintelligence, la pudeur de ne pas parasiter cette parenthĂšse mĂ©ditative, si chargĂ©e de deuil par lâHistoire, par des danses : une femme seule, en noir, erre rĂȘveusement sur le plateau, interrogeant sans doute, pour nous, lâironie cruelle de la vie, succĂšs et mort.
Un autre intermĂšde donnera lieu Ă des danses de toute beautĂ©, ensembles, quadrilles, pas de deux, celui, fameux aussi, de La leyenda del beso (1924) de Sotullo y Vert, avec pour thĂšme central une zambragitane dâune fiĂšre noblesse. En seconde partie, extrait du ballet de Manuel de Falla, El sombrero de tres picos, âLe tricorneâ, la farruca, la danse virile du meunier, est dansĂ©e par un soliste dont le nom mĂ©ritait dâĂȘtre citĂ©, avec lâaristocratique hiĂ©ratisme fougueux du vrai flamenco, loin des vulgaritĂ©s scĂ©niques racoleuses qui, aujourdâhui, se prodiguent trop. Enfin, derniĂšre parenthĂšse de danse pure qui scande le spectacle, câest le prĂ©lude du Niño judĂo (âLâenfant juifâ), 1918, de Pablo Luna qui, arrachant la zarzuela Ă ses frontiĂšres nationales, fait voyager de Madrid en Syrie puis aux Indes sans rien perdre de son espagnolisme puisque on y trouve lâair cĂ©lĂšbre « De España vengo » (âJe viens dâEspagneâ), fleuron lyrique fleuri de mĂ©lismes et roulades typiques du flamenco crĂ©pitant de castagnettes, qui est, en fait, orchestral, lâouverture, oĂč la voix est celle de clarinettes et flĂ»tes. Couleurs dâorchestre et couleurs virevoltantes des figures chorĂ©graphiques sont dâun dynamisme communicatif, roboratif.
Chant espagnol
Accueilli par une longue ovation dĂšs son entrĂ©e en scĂšne, sa grande silhouette chenue, un peu courbĂ©e, saisi dâune visible Ă©motion, vedette de la soirĂ©e, PlĂĄcido Domingone tire pas pour autant la couverture Ă soi dans ce concert bien Ă©quilibré : quatre airs et une chanson en bis pour lui ; trois airs pour le tĂ©nor Ismael Jordiplus trois duos corsĂ©s avec Ana MarĂa MartĂnez, qui avec ses trois duos avec Domingo et quatre airs solistes, est bien la soprano disputĂ©e entre le baryton et le tĂ©nor de la tradition lyrique.
Ismael Jordi
On retrouve avec plaisir, nouveau Ă Orange mais dĂ©jĂ invitĂ© Ă Avignon, cet Ă©lĂ©gant et athlĂ©tique tĂ©nor Ă la voix ample, Ă©gale sur toute sa tessiture, au timbre dâargent raffinĂ©, capable de subtiles nuances dâexpression, Ă lâimpeccable ligne et phrasĂ©. Son premier air est tirĂ© de El trust de los tenorios, âLe Syndicat des Don Juanâ (1910) de JosĂ© Serrano, une leste zarzuela oĂč un sĂ©ducteur en panne, mis en demeure par ses congĂ©nĂšres, sous peine dâamende, de sĂ©duire la premiĂšre femme qui passe, dinDon/Juan de la farce, rĂ©ussira non Ă lâemporter mais Ă faire emporter par un troisiĂšme larron lâĂ©pouse du PrĂ©sident du club. Il chante la jota « Te quiero morena », avec toute la franchise vocale et la saine puissance que demande cet air aragonais large, direct et gaillard, mais sans rudesse aucune. En deuxiĂšme partie, il chante lâair gĂ©nĂ©reux du jeune Javier de Luisa Fernanda (1932) de Federico Moreno Torroba, «De este apacible rincĂłn de Madrid»,Ă©voquant avec une belle envolĂ©e son dĂ©part et retour en ce coin de Madrid, poussĂ© par lâambition de la gloire militaire claironnĂ©e en final par une fanfare brillante de cuivres. En bis (les bis ne seront jamais annoncĂ©s) câest avec une rĂȘverie nostalgique pleine de nuances dĂ©licates quâil donne la romanza (dĂ©nomination de lâair dans la zarzuela) « Sueño de amor », âRĂȘve dâamourâ, bien nommĂ© de la zarzuela El Ășltimo romĂĄntico(1928) des duettistes compositeurs Soutullo y Vert, qui Ă©voque avec prĂ©cision des coutumes du peuple et de lâaristocratie du Madrid du dernier tiers du XIXe siĂšcle agitĂ© par des remous rĂ©volutionnaires.

Mais, dans un duo dâune grande violence avec Ana MarĂa MartĂnez, il sera dâabord un lâeffrayant gitan amoureux de La leyenda del beso qui,Ă dĂ©faut de la sĂ©duire en prĂ©tendant « Amor, mi raza sabe conquistar », âma race sait conquĂ©rir lâamourâ, il en vient Ă la menace ouverte de lâamour Ă la haine et de la haine Ă la vengeance. Sans forcer son accent andalou, ce natif de JĂ©rez Ă nom catalan dâune Espagne sans frontiĂšres, est tout aussi crĂ©dible dans le duo comique avec la soprano de lâopĂ©ra en trois actes et non zarzuela El gato montĂ©s (1917) de Manuel Penella, entonnant le pasodoble fameux, musique pleine de vie devenue malheureusement appel de torture et de mort dans les corridas.
Ana MarĂa MartĂnez, la portoricaine, de cette hispanitĂ© ressoudĂ©e, qui se moule sans peine dans tous les accents hispaniques des zarzuelas rĂ©gionales, du madrilĂšne Ă lâandalou, a affaire, et beaucoup Ă faire, avec les deux pĂ©ninsulaires Espagnols dans des duos qui sont aussi des duels ! Ces mĂąles dominants ont du mal Ă sĂ©duire ou conquĂ©rir des femmes, aussi rebelles que Carmen, guĂšre enclines, les coquines, Ă se laisser dicter un choix.
Mùles en échec
Vaines menaces du gitan, inutiles sĂ©ductions, dâun Domingo redevenu tĂ©nor aragonais dans El dĂșo de La Africana (1893), âLe duo de lâAfricaineâ de FernĂĄndez Caballero qui veut convaincre la prima donnasĂ©villane dâune pauvre troupe dâopĂ©ra, rĂ©pĂ©tant lâAfricainede Meyerbeer, dâabandonner son pingre de mari impresario pour la suivre en Aragon pour y chanter la jota avec lui : « No cantes mĂĄs la Africana »,âNe chante plus lâAfricaineâ, intime-t-il vainement,avec vĂ©hĂ©mence,lâair ayant une strette en contrepoint vĂ©loce trĂšs rossinien sur le rythme de la jota : « No me da la gana » , âJe nâen ai pas envieâ. Le mĂȘme PlĂĄcido, puissant propriĂ©taire dâEstrĂ©madure, se faisant fort dâobtenir ce quâil veut, se voit opposer un ferme « ¥AdiĂłs, Vidal ! » par Luisa Fernanda.
En effet, voix ferme et agile, aux sĂ©duisantes couleurs, Ă©gale sur toute la tessiture, soprano passant sans peine au mezzo, avec les aigus dĂ©chirants du pur lyrique nostalgique des illusions fanĂ©es de la romanza« No cortĂ© mĂĄs que una rosa », âJe nâai cueilli quâune roseâde La del manojo de rosas (1934) de Pablo SorozĂĄbal, âLe bouquet de rosesâ, boutique oĂč travaille une noble demoiselle ruinĂ©e aprĂšs la chute de la monarchie Ă lâavĂšnement de la Seconde RĂ©publique, zarzuela avec des traits sociaux rĂ©alistes, pressentant la guerre. ComposĂ©e presque Ă la fin de la Guerre Civile,en trois actes et en prose, La marchenera (1938), est dâune Ă©lĂ©gance typique andalouse, dont les pĂ©tillantes petenerasflamencas, «Tres horas antes del dĂa ». de Federico Moreno Torroba qui en composa quelque cinquante, genre quâil dĂ©fendit jusquâen 1960. Ami du pĂšre de Domingo, en1980, il composa un opĂ©ra, El poeta, âLe poĂšteâ, avec PlĂĄcido, mais sans succĂšs.
En bis, toujours sans annonce, avec encore une grĂące andalouse des plus piquantes, Ana MarĂa MartĂnez, animĂ©e dâune vĂ©locitĂ© Ă couper le souffle sauf le sien, se lance dans «Al pensar en el dueño de mis amores »,les virtuoses carcelerasde Las hijas del Zebedeo (1889), âLes filles du Zebedeoâ, air plein dâhumour brodĂ© de roulades dont elle enchaĂźne les cadences flamencas sans coupure, Ćuvre du grand compositeur dâopĂ©ras et de zarzuelas Ruperto ChapĂ, qui a laissĂ© un chef-dâĆuvre absolu comique du genre bref, La revoltosa (1897).
En fin de premiĂšre partie, elle avait partagĂ© le pasodoble en duo , « Hace tiempo que vengo al taller», tirĂ©de la zarzuela rĂ©aliste de SorozĂĄbal, La del manojo de rosas, avec un Domingo, faux ouvrier mais vrai amoureux, seul rĂŽle de la soirĂ©e oĂč PlĂĄcido sera heureux hĂ©ros en amour.
Plåcido Domingo, héros en échec amoureux
En effet, notre Domingo, la voix dâor devenue de bronze bruni, sans tricher sur son Ăąge, a-t-il malicieusement placĂ© toute cette nuit espagnole sous le signe du barbon jouĂ© comme le hĂ©ros de La Boda de Luis Alonso qui ouvrait le programme ? En tous les cas, ici, le tĂ©nor devenu ou redevenu le baryton quâil fut Ă ses dĂ©buts, loin de se la jouer en vieux jeune homme, laisse Ă©lĂ©gamment la place de vainqueur amoureux, explicitement ou implicitement par le choix des Ćuvres, au jeune premier Ismael Jordi. Certes, câest la tradition lyrique que de faire du baryton lâempĂȘcheur de tourner rond les amours de la soprano et du tĂ©nor. Mais, mĂȘme reprenant la tessiture de tĂ©nordans El dĂșo de La Africana, câest un refus quâil reçoit de la diva andalouse rĂ©tive. Son premier air soliste dâentrĂ©e de La del soto delParral (Sotullo y Vert, 1929),« Quiero desterrar de mi pecho el temor»,Ă©voque dramatiquement « les heures heureuses perdues », « la dĂ©sillusion, » lâamertume du temps qui passe.Son second air, « ¥Mi aldea ! », âMon village !â de Los gavilanes (1923), âLes Ă©perviersâ, de Jacinto Guerrero, exprime la joie, le bonheur Ă©clatant du retourtriomphant sur la terre natale de lâindiano,lâĂ©migrééconomique revenu riche des AmĂ©riques,au sommet de sa puissante maturitĂ©. Mais la suite, malgrĂ© sa luciditĂ© : « Je nâespĂšre plus ĂȘtre aimé »et son cynisme misant lâamour sur le « sublime talisman de la richesse », lui prouvera que lâargent ne peut pas tout et le prĂ©dateur, aspirant Ă Ă©pouser la fille de la femme vieillie autrefois aimĂ©e, devra renoncer Ă sa proie. Vidal, le puissant propriĂ©taire terrien sĂ»r de lui et de ses dĂ©sirs, mĂȘme au moment du mariage, renoncera Ă la jeune Luisa Fernanda mieux assortie en Ăąge et sentiment Ă Javier.

En fin de premiĂšre partie, tirĂ© de la rĂ©aliste La tabernera del puerto (1936) de SorozĂĄbal, âLa taverniĂšre du portâ, sur fond de trafic de cocaĂŻne, son air « No puede ser », âCâest impossibleâ, dont son charisme a fait un passage obligĂ© dans les rĂ©citals de tĂ©nors, chante de façon intense, dĂ©chirante, vĂ©hĂ©mente et intimiste Ă la fois, toutes les interrogations dâun homme aimant passionnĂ©ment une femme mal perçue de lâopinion publique. Mais, quand on connaĂźt lâouvrage, on sait que son amour sera enfin couronnĂ© de succĂšs.
SuccĂšs, Ă©chec ? Son bis, toujours pas annoncĂ©, est la superbe surprise de la soirĂ©e : une chanson cĂ©lĂšbre sur la forcĂ©ment Ă©phĂ©mĂšre nuit dâamour dâune prostituĂ©e et de son client.
Ojos verdes (1935). Ces âYeux vertsâ ont pour auteur du texte un aristocrate, Rafael de LeĂłn, comte et deux fois marquis, poĂšte de ladite fameuse GĂ©nĂ©ration de 27, dont faisait partie Federico GarcĂa Lorca, dont il fut ami. PrĂ©fĂ©rant aux salons de la noblesse les cafĂ©s chantants, en trio avec lâauteur dramatiqueAntonio Quintero et le musicien Manuel Quiroga, il deviendra cĂ©lĂšbre et ils enregistreront plus de cinq milles chansons populaires dont certaines sont devenues des classiques du patrimoine espagnol. NarrĂ©e Ă la premiĂšre personne,Ojos verdes traite du troc banal entre une prostituĂ©e et un beau client mais la poĂ©tise par lâĂ©lĂ©gance indirecte de lâĂ©change :
« Appuyée contre la porte du bordel,
Je regardais sâallumer la nuit de mai.
Les hommes passaient et je souriais
Et tu tâarrĂȘtas Ă cheval devant moi. »
Le cavalier demande, non le prix mais, avec courtoisie :
« Ma belle, me donnerais-tu du feu ?
â Mon beau, viens le prendre sur mes lĂšvres,
Je te donnerai du feu. »
Sâensuit, pour la femme une inoubliable nuit illuminĂ©e par les yeux de son amant de passage,
« Yeux verts comme le basilic, verts comme le vert citron, avec des reflets de poignard Ă jamais clouĂ© dans mon cĆur. »
Ă lâaube de la sĂ©paration, encore lâĂ©lĂ©gance courtoise du client qui ne laisse pas le « petit cadeau » gĂȘnant, le prix de ce qui est plus quâune passe, mais dit :
« Ma belle, je veux tâoffrir de quoi tâacheter une robe ».
Ă quoi, la prostituĂ©e, arrĂȘtant son geste, rĂ©pond avec la mĂȘme dignité :
« Nous sommes quittes, tu nâas rien Ă me donner. »
La bĂȘtise de la censure postĂ©rieure franquiste, Ă©poque de prostitution hypocrite Ă grande Ă©chelle, interdisait, sous peine dâamende, de prononcer le mot mancebĂa, âbordelâ, choquant ses chastes oreilles et imposait de dire Ă la place un dĂa , âun jourâ, ce qui donnait :
« Appuyée contre ma porte un jour
Je regardais sâallumer la nuit de mai.
Les hommes passaient et je souriaisâŠÂ »
Bref, transformant la pute, dont câest le mĂ©tier, en quotidienne mĂ©nagĂšre racolant devant sa porte. La crĂ©atrice du rĂŽle, Concha Piquer, rĂ©publicaine, prĂ©fĂ©ra toujours payer les amendes plutĂŽt que de changer la parole.
Domingo, comme dâautres interprĂštes masculins Ă©pris de cette musique, de ce texte superbe, sâest emparĂ© de la chanson, la mettant Ă la troisiĂšme personne, au prix de quelque absurdité : ces yeux verts (de la femme dans cette version), clouĂ©s Ă jamais au cĆur, inoubliables, il est toujours loisible Ă lâhomme, au client, de les retrouver, pas Ă elle. La musique aurĂ©ole les paroles, les mots importants brodĂ©s, bredouillĂ©s, fredonnĂ©s, frissonnĂ©s, mĂȘme du bord des lĂšvres, de dĂ©licats mĂ©lismes andalous, impossibles certes Ă exĂ©cuter dans lâimmensitĂ© du plein air et dans la pleine puissance de cette voix mythique, mĂąle et tendre : mais, une danseuse flamenca, jouant avec son immense chĂąle de Manille, semble jouer, dessiner physiquement pour nous ce que le texte dit et orne avec une souveraine Ă©lĂ©gance physique : avec ce sublime parao, cet arrĂȘt, brusque et graphique, chĂąle dĂ©ployĂ© comme une aile immense, ce digne refus du prix, le foulard frangĂ© symbolisant Ă la fois la robe proposĂ©e et la dignitĂ© de la femme, qui transcende la vĂ©nalitĂ© par la noblesse du geste gratuit.
Des projections murales dâimages de lâEspagne, quelques tables de taverne, des chaises sur scĂšne stylisent lieux et ambiances dâune nuit dâEspagne.
On ne peut que remercier les ChorĂ©gies dâOrange dâavoir offert Ă PlĂĄcido Domingo et ses amis, cette carte blanche, qui a pris les couleurs dâun rĂȘve espagnol par la grĂące, la magie de ce grand artiste qui, traversant et transcendant tous les genres musicaux, fait vivre la Musique pour tous.
CRITIQUE, Zarzuela. ORANGE, ChorĂ©gies, le 6 juil 2019. NUIT ESPAGNOLE, TOUJOURS DIMANCHE AVEC DOMINGOâŠ
ChorĂ©gies dâOrange
Théùtre Antique
Samedi 6 juillet Ă 21h30
Direction musicale, Ăliver DĂaz
Ana MarĂa MartĂnez, soprano
Ismael Jordi, ténor
PlĂĄcido Domingo, baryton
Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo / âšLes ballets d’Antonio Gades
François Thoron, lumiÚres,
Mayte Chico, chorégraphies
Photos Philippe Gromelle
1 . Ballet Antonio GadĂšs ;
2. Gitan jaloux : Ismael, MartĂnez ;
3. Domingo :  âOjos verdesâ.
Diffusion
sur France 5 samedi 27 juillet, 22h30
On trouve quelques zarzuelas intégrales et de trÚs nombreux extraits sur Youtube par les plus grands interprÚtes espagnols. Brefs exemples :
Ataulfo Argenta â Intermedio (La Boda de Luis Alonso)
https://www.youtube.com/watch?v=FFkleozk0xk
La leyenda del beso, Intermedio :
El niño judĂo.CompañĂa Sevillana de Zarzuela. Direction dâorchestre : Elena MartĂnez:
https://www.youtube.com/watch?v=7wZy3Dwfqi8