CD, compte rendu critique. Bel Canto amore mio : ouvertures d’opĂ©ras. Orchestre national d’ĂŽle-de-France. Enrique Mazzola, direction. Enregistrement rĂ©alisĂ© en 2015. BRUTAUX, REPETITIFS : TROP DE FORTE TUENT LE BEL CANTO… Avouons qu’Ă part de trop rares accents justes, ce nouveau disque qui devait sonner comme une formidable carte de visite, soulignant les qualitĂ©s du premier orchestre francilien subventionnĂ©, est une dĂ©ception. Le bel canto symphonique paraĂ®t ici bien trop contrastĂ©, brutalisĂ©, dĂ©naturĂ©… voire instrumentalisĂ©.  Le premier Bellini d’ouverture (I Capuleti) sonne encore grosse caisse, le collectif jouant rĂ©ellement trop fort, la puissance Ă tout craint sacrifiant la finesse d’articulation. D’ailleurs dommage qu’en studio oĂą tous les Ă©quilibres sont possibles, hors des contraintes du concert, mĂŞme le Donizetti qui suit (subtile mĂ©lodie Ă©noncĂ©e au violoncelle de Don Pasquale), retrouve des tutti finaux pĂ©taradants plus mĂ©caniques qu’habitĂ©s et graduĂ©s. Mais, la facĂ©tie, le jeu, un clinquant instrumental savent sauver l’affiche et les apparences. Pour autant la promesse annoncĂ©e dans une ouverture qui doit tenir en haleine le spectateur exige des qualitĂ©s, des nuances, habiles, suggestives, des vertiges inĂ©dits qui appellent la suite. DĂ©fis relevĂ©s de façon plus passionnante dans Roberto Devereux, dans sa première partie – avant le premier tutti, dĂ©cidĂ©ment trop “grosse caisse”. Problème d’esthĂ©tique sonore imputable au chef. Il faut infiniement de subtilitĂ© comme de lĂ©gèretĂ© palpitante pour rĂ©ussir le style belcantiste Ă l’orchestre ; très rossinienne par son abattage expressif, sa distribution instrumentale aussi, Devereux Ă©tonne, sait mĂŞme captiver par la fluiditĂ© Ă©lectrique des cordes.
OUVERTURES en déconfiture
DECEPTION FRANCILIENNE. Chef principal de l’Orchestre francilien depuis 2012, l’espagnol Enrique Mazzola apporte une fièvre pĂ©tillante Ă dĂ©faut d’une vraie profondeur,  comme d’une sincĂ©ritĂ© nuancĂ©e, car sous sa battue heurtĂ©e, trop manichĂ©enne finalement, toujours ce clinquant qui frappe, dans le nerf et l’action, dans le théâtre et l’outrance. Pour autant, les opĂ©ras de Bellini, Donizetti ne sont pas ceux de Verdi, ou des vĂ©ristes. Il s’agit d’Ă©noncer, d’exprimer l’ineffable avec cette distinction et ce legato souverainement suggestif qui caractĂ©risent tant la ligne de chant. On ne retrouve pas ici ces qualitĂ©s Ă l’orchestre : assumĂ© trop fort, dans la dĂ©monstration, le geste manque singulièrement de finesse, de subtilitĂ©, de trouble, d’inquiĂ©tude et de mystère ; tout est dĂ©jĂ donnĂ©, dans l’artifice dès l’ouverture (manque singulier d’imagination dans Ugo de Donizetti)… Le cĂ´tĂ© grand opĂ©ra, pompier, lĂ encore et une manière de Rossini mĂ©canisĂ© dans Margherita d’Anjou de Meyerbeer oĂą se distingue Ă 2’15, un piano (le seul vĂ©ritable Ă sa juste place !!!??) des cordes, signes d’une nuance enfin maĂ®trisĂ©e,… dans un bain de forte, fortissimos, rĂ©pĂ©tĂ©s sans vraie subtilitĂ©.
Le seul Mercadante (Emma d’Antiocha), et son hautbois affligĂ© (sur fond de clarinettes graves, en compassion), puis les doubles trompettes d’une infinie tendresse se rĂ©vèlent d’une puissante originalitĂ© : la dĂ©couverte de l’album et la pièce la plus longue après Ugo. Sa seconde partie oĂą dialoguent la banda hors scène et l’orchestre (harmonie et fanfare) impose une sorte de hargne Ă l’orchestre qui s’entĂŞte, une fièvre qui rassemble les musiciens en une transe collective oĂą l’on recherche en vain, l’Ă©loquence comme la finesse bel cantiste. Encore un disque dont la conception confirmera que les Belcantistes Ă©taient piètres orchestrateurs (Bellini, Donizetti). Et pourtant mais oui, il existe des couleurs, des climats, des teintes tĂ©nues qui ne demandent chez Bellini qu’Ă diffuser leur parfums envoĂ»tants…
Après ses successeurs : comment sonnent les deux Rossini, prĂ©servĂ©s pour la fin ? Tancredi, seria d’une ivresse nostalgique toujours digne : les options du chef Ă©tonnent, ne serait ce que dans le premier tutti qui claque comme un pĂ©tard mouillĂ© (grelots secs Ă l’envi, rĂ©fĂ©rence au SĂ©rail mozartien, pour faire couleurs orientales ? mais au risque de dĂ©naturer le sujet par une surcharge parodique), percussions Ă©tonnantes Ă vrai dire (ajouts de couleurs dĂ©concertantes), d’oĂą jaillissent des cordes enjouĂ©es, frĂ©missantes, dans une vision… un rien dĂ©monstrative et toujours outrageusement contrastĂ©e; aux tutti tĂ©lĂ©guidĂ©s, rĂ©pĂ©titifs comme une mĂ©canique lĂ encore grosse caisse…Quelle dĂ©ception : imagination schĂ©matique, manque de finesse, vision caricaturale, le bel canto de Mazzola est globalement lourd, Ă©pais, Ă©tranger Ă la finesse suggestive du bel canto requis.
La coupe très fine du Barbier de SĂ©ville, resserrĂ©e (dans sa succession de mĂ©lodies gĂ©niales qui s’y succèdent sans rĂ©pĂ©titions), toujours portĂ©e sur l’intĂ©rioritĂ© permet Ă Mazzola d’Ă©viter jusqu’Ă la fin des 3 premières minutes la lourdeur constatĂ©e auparavant : heureusement l’accord plus tendre des cordes et des bois et des tutti mieux nuancĂ©s, rĂ©ussissent la meilleure ouverture du programme (avec le Mercadante relevĂ©e). En bis, un choix de sections saisies au moment des rĂ©pĂ©titions, un bonus complĂ©mentaire qui voudrait nous convaincre qu’ici se jouent des enjeux passionnants et une manière de vivre la musique, autrement…  le chef en français s’exprime sur la frontière tĂ©nu entre esprit comique et tragique, sur les forte chez Rossini,etc … sans rĂ©ellement surprendre ni convaincre. Derniers mots : “c’Ă©tait merveilleux” dit l’ingĂ©nieure du son ou la productrice ? On aurait aimĂ© partager tel jugement. MĂŞme si les qualitĂ©s de l’orchestre se rĂ©vèlent de façon trop fugace dans certaines sĂ©quences, le geste globalement schĂ©matique et pesant du chef, rend opaque et mĂ©canique sa perception du bel canto orchestral. Une pâte trop fouettĂ©e qui manque d’esprit et de saveurs, de finesse comme de raffinement. Ecoutez ce qu’est capable un chef trop absent Ă notre goĂ»t, maĂ®tre orfèvre de ce rĂ©pertoire, Marco Guidarini : fin mozartien, exquis donizettien et tout autant Debussyste de rĂŞve, ses Bellini, Donizetti, Rossini, sont d’un chambrisme autrement incadescent : il a d’ailleurs créé un Concours de chant de Bel canto en hommage Ă Bellini… un rv  devenu incontournable en France : le nouveau berceau du goĂ»t. Pour L’Orchestre national d’ĂŽle de France, c’est dommage. Ce nouveau disque en manque cruellement.
CD, compte rendu critique. Bel Canto amore mio : ouvertures d’opĂ©ras. Orchestre national d’ĂŽle-de-France. Enrique Mazzola, direction. DurĂ©e : 57mn. Enregistrement rĂ©alisĂ© en 2015. 1 cd NoMadMusic