CRITIQUE, opĂ©ra. MUNICH, OpĂ©ra de Bavière, le 4 fĂ©v 2022. Strauss : La Femme silencieuse. Stefan Stoltesz / Barrie Kosky – Avec l’imposition de mesures sanitaires de bon sens (jauge rĂ©duite, port obligatoire d’un masque ffp2 et contrĂ´le d’identitĂ© avec le pass sanitaire), les autoritĂ©s bavaroises ont rĂ©ussi non seulement Ă maintenir les productions prĂ©vues depuis le dĂ©but de l’annĂ©e, mais Ă©galement la formidable vitalitĂ© du lieu : on est agrĂ©ablement surpris, en tant qu’habituĂ© des salles hexagonales, du nombre considĂ©rable de personnes prĂ©sentes avant le spectacle pour boire un verre dans les diffĂ©rents lieux prĂ©vus Ă cet effet. De mĂŞme, pendant l’entracte, on se surprend Ă dĂ©couvrir un parterre d’orchestre entièrement vide, tandis que les spectateurs se sustentent un peu partout. Dans ce contexte, l’OpĂ©ra de Paris a judicieusement emboitĂ© le pas de ses homologues germaniques, en permettant la rĂ©servation au prĂ©alable de diners pendant l’entracte – une initiative Ă saluer vivement pour faire vivre les reprĂ©sentations bien au-delĂ du spectacle proprement dit.
La Femme silencieuse par Barrie Kosky, déjà présentée à Munich en 2017 (DR)
A Munich, l’OpĂ©ra de Bavière n’en oublie pas de fĂŞter les enfants qui ont fait sa gloire Ă travers le monde, tel Richard Strauss. MĂŞme s’il a souvent prĂ©fĂ©rĂ© l’OpĂ©ra de Dresde pour crĂ©er ses ouvrages lyriques, le Bavarois honore logiquement le hall d’entrĂ©e de son buste, en face de celui de Richard Wagner, tout en voyant rĂ©gulièrement ses ouvrages montĂ©s jusqu’aux plus rares, telle cette « Femme silencieuse » (1934) – voir notre prĂ©sentation http://www.classiquenews.com/tag/femme-silencieuse/. Moins couru que les chefs d’oeuvre d’avant 1920, cet ouvrage peine Ă renouveler son inspiration musicale, empruntant sans vergogne aux dĂ©lices tonaux du Chevalier Ă la rose, tandis que le livret de Zweig lorgne du cĂ´tĂ© des comĂ©dies de Goldoni, sans jamais rĂ©ellement surprendre. Pour autant, le mĂ©tier de Strauss rĂ©serve quelques moments dĂ©licieux, notamment dans la palette enivrante des couleurs orchestrales et dans la virtuositĂ© piquante des ensembles. Ce petit bijou d’orfèvre nĂ©cessite toutefois un plateau vocal homogène et rompu aux difficultĂ©s techniques de la partition pour exprimer pleinement l’humour distillĂ© ici et lĂ .
Le dĂ©fi n’est malheureusement qu’imparfaitement rĂ©ussi, du fait d’un niveau inĂ©gal cĂ´tĂ© fĂ©minin, avec la gouvernante bien pâle de Christa Payer et le suraigu peu harmonieux des deux sopranos, Lavinia Dames (Isotta) et Tara Erraught (Carlotta). La première joue trop de son vibrato pour convaincre tout du long, ce qui est dommageable compte tenu de l’importance du rĂ´le. A l’inverse, Tara Erraught (Carlotta) s’impose avec des graves parfaits, aussi suaves que parfaitement projetĂ©s, tandis que la plus belle satisfaction vocale revient Ă l’irrĂ©sistible barbier de Björn BĂĽrger. Le baryton allemand fait valoir la beautĂ© de son timbre par une Ă©mission naturelle, trouvant le juste Ă©quilibre entre jubilation dans la tromperie et manifestation d’autoritĂ© (en lien avec la mise en scène qui lui confie un rĂ´le de maĂ®tre de cĂ©rĂ©monie). On aime aussi le solide neveu incarnĂ© par Daniel Behle ou le choeur local, parfaitement en place. Dommage que Franz Hawlata manque d’Ă©clat dans son rĂ´le prĂ©pondĂ©rant de barbon trompĂ© : la voix usĂ©e n’aide pas Ă donner du mordant Ă ses reparties, et ce malgrĂ© un art du parlĂ©-chantĂ© parfaitement maĂ®trisĂ©.
Dans la fosse, l’expĂ©rimentĂ© Stefan Stoltesz, ancien directeur musical de l’OpĂ©ra d’Essen de 1997 Ă 2013, montre qu’il connait les moindres recoins de la partition, imprimant des phrasĂ©s d’un naturel toujours alerte, au service de l’efficacitĂ© théâtrale. MalgrĂ© quelques infimes rĂ©serves, notamment des cuivres un rien trop forts par endroit, l’Orchestre de l’OpĂ©ra de Bavière donne lui aussi beaucoup de satisfaction, tout particulièrement dans la prĂ©cision des attaques.
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CRITIQUE, opéra. Munich, Opéra de Bavière, le 4 février 2022.Strauss : La Femme silencieuse. Brenda Rae (Aminta), Christa Payer (La gouvernante), Lavinia Dames (Isotta), Tara Erraught (Carlotta), Franz Hawlata (Sir Morosus), Björn Bürger (Le barbier), Daniel Behle (Henry Morosus), Christian Rieger (Morbio), Tijl Faveyts (Vanuzzi), Tareq Nazmi (Farfallo) ;
Chor der Bayerischen Staatsoper, Stellario Fagone (chef de chœur), Bayerisches Staatsorchester, Stefan Stoltesz (direction musicale) / Barrie Kosky (mise en scène). A l’affiche de l’Opéra de Bavière, jusqu’au 10 février, puis le 22 juillet 2022. Photo : ©Wilfried Hösl