CRITIQUE, LIVE STREAMING, concert. LEIPZIG, BACHFest, le 20 juin 2021. BWV 21; Magnificat BWV 243. Dernier concert du Festival BACH de Leipzig 2021, dans la ville mĂȘme et dans le lieu emblĂ©matique de lâactivitĂ© de BACH comme directeur musical, lâĂ©glise Saint-Thomas. Depuis le XVIIIĂš, la maĂźtrise de garçons (Thomanerchor Leipzig) perpĂ©tue lâactivitĂ© chorale dont le Cantor Ă son Ă©poque Ă©tait responsable : divisĂ©s en 3 chĆurs, les garçons encadrent le chef ; Ă sa droite et Ă sa gauche, les plus jeunes dâentre eux, se formant, se familiarisant avec lâexpĂ©rience du jeu collectif en public ; engagĂ©s, vivants, leur tenue assure toute la valeur de lâapproche, dirigĂ©e par lâactuel directeur musical Ă Saint-Thomas : Gotthold Schwarz (et sa tignasse capillaire digne de ⊠Liszt). Câest donc une cĂ©lĂ©bration qui met aussi la transmission et la continuitĂ© au devant de la scĂšne.
PortĂ©s par lâĂ©nergie pĂ©tulante de la BWV 21 « Ich hatte viel BekĂŒmmernis / Mon coeur Ă©tait plein d’affliction » composĂ©e le 17 juin 1714 (Weimar) soit pour le 3e dimanche aprĂšs la TrinitĂ©, les jeunes chanteurs dĂ©montrent un plaisir rafraĂźchissant, un chant direct et franc. Câest un temps de rĂ©jouissance oĂč le croyant fusionne avec JĂ©sus en un duo des plus polissĂ©s, davantage conversation Ă©perdue que confrontation compassĂ©e ; en rĂ©alitĂ©, dialogue lumineux et vivant, des plus intimes sur un continuo dansant et Ă©purĂ© (orgue, clavecin, 2 violes) : basse et soprano exaltent cette exaltation assumĂ©e. Bach compose une Ćuvre festive, de cĂ©lĂ©bration heureuse comme le soulignent aussi les 2 airs du tĂ©nor dont la joie sĂ»re et sereine, rayonne ; comme le dernier choeur surtout lâaffirme avec une plĂ©nitude conquĂ©rante presque fracassante.
Pause musicale et protocolaire ensuite, initiĂ©e avec le PrĂ©lude et Fugue BWV 547, grandiose portique qui tutoie les Ă©toiles, le Ciel, jusquâĂ Dieu lui-mĂȘme, dâune passionnante Ă©nergie par Ton Koopman au grand orgue de Saint-Thomas. Puis remise de la mĂ©daille de la ville Ă deux personnalitĂ©s mĂ©ritantes pour service rendus au sein de la Bach Archive (fondĂ©e en 1950) : Dr. Hans-Joachim Schulze et Prof. Dr. Dr. h. c. mult. Christoph Wolff.
Annekathrin Laabs (alto), Patrick Grahl (ténor) / DR
Sur une sĂ©lection des textes de Saint-Luc, le Magnificat est en soi une totalitĂ© agissante, une cathĂ©drale sonore Ă lâĂ©quilibre remarquable tant chacun de ses volets, comme les parties dâun retable idĂ©al, diffuse une diversitĂ© caractĂ©risĂ©e pour entre autres ses 5 solistes requis: airs pour soprano I et II, pour basse, pour tĂ©nor ; duo alto et tĂ©nor ; trio pour les 2 sopranos et lâalto (« Suscepit Israel » avec hautbois)⊠Bach y cisĂšle chaque acte vocal comme une priĂšre individuelle, aux cĂŽtĂ©s de sa puissante Ă©criture contrapuntique dont la fugue finale Ă 5 parties (avant le Gloria Patri de conclusion) offre une ampleur Ă©poustouflante. ChantĂ© en latin (et non pas en allemand), le cycle diffuse une sĂ©rĂ©nitĂ© communicative, une joie rayonnante qui porte trompettes et choeurs angĂ©lique dĂšs le dĂ©but oĂč rient aussi la dĂ©licate touche des 2 hautbois et des 2 traversos. Typique de Johann Sebastian, la succession des airs des deux sopranos : le premier resplendit dâune joie inflexible ; le second (sop 1) est plus grave, sombre, exprimant les doutes du croyant (en conversation avec le hautbois). Deux faces de la dĂ©votion oĂč surgit le choeur survoltĂ© qui vient comme interrompre lâair 2, par une urgence gĂ©niale (« Omnes generationes »).
La gravitĂ© sort de lâombre dans le sublime duo alto / tĂ©nor (« Et misericordia ejus a progenie in progenies timentibus eum » / Son amour sâĂ©tend dâĂąge en ĂągeâŠ) rĂ©vĂ©lant la source de misĂ©ricorde de JĂ©sus. Le choeur Ă©tincelant (avec trompettes) « Fecit potentiam » affirme la puissance divine avec un sens tonitruant ; dramatique, agitĂ©, lâair pour tĂ©nor dĂ©coche lui aussi ses flĂšches ardentes, celle dâun dieu juste et Ă©galitaire qui foudroie les injustices (« DepĂłsuit potĂ©ntes de sĂ©de, et exaltĂĄvit hĂșmiles » / Il renverse les puissants de leurs trĂŽnes, il Ă©lĂšve les humbles) ; rĂ©jouissante alto dans lâair qui suit « EsuriĂ©ntes implĂ©vit bĂłnis et dĂvites dimĂsit inĂĄnes » / Il comble de biens les affamĂ©s, renvoie les riches les mains vides-, qui sait articuler le texte avec dâautant plus de souple intelligibilitĂ© que les deux traversos qui lâaccompagnent, dessinent le plus aimable des cheminement dans la certitude.
Le trio des 3 voix fĂ©minines (« SuscĂ©pit IsraĂ«l pĂșerum sĂșum, recordĂĄtus misericĂłrdiĂŠ sĂșÊ » / li relĂšve IsraĂ«l, son serviteur ; il se souvient de sa misĂ©ricorde) est un acte dâamour, dont la grandeur est restituĂ©e dans le choeur fuguĂ© Ă 5 voix (Sicut locutus ), puis transcendĂ© par le vertigineux Gloria final, parfaitement dansant et rĂ©jouissant dĂšs la section « Sicut Ă©rat in princĂpioâŠÂ », qui est la reprise de lâintroduction. Ce dernier concert sâinscrit dans la joie et lâengagement. Vite le rendez-vous est pris pour 2022 !
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CRITIQUE, LIVE STREAMING, concert. LEIPZIG, BACHFest, le 20 juin 2021. BWV 21; Magnificat BWV 243
J. S. Bach: Ich hatte viel BekĂŒmmernis, BWV 21 âą
J. S. Bach: PrÀludium und Fuge C-Dur, BWV 547
J. S. Bach: Magnificat D-Dur, BWV 243
Thomasorganist : Ullrich Böhme, Catalina Bertucci (soprano), Susanne Krumbiegel (mezzo soprano), Annekathrin Laabs (alto), Patrick Grahl (tenor), Henryk Böhm (bass)
Thomanerchor Leipzig,
SĂ€chsisches Barockorchester
Thomaskantor : Gotthold Schwarz, direction.
 Gotthold Schwarz et le Thomasnerchor (DR)