Versailles. Gala Lully, mercredi 2 dĂ©cembre 2015, 21h. En 2015, annĂ©e des cĂ©lĂ©brations de la mort de Louis XIV (tricentenaire de sa disparition survenue en 1715), l’idĂ©e d’un gala Lully s’est imposĂ©e. Lully incarne mieux que quiconque la musique de Versailles au XVIIĂš et de celle du Grand SiĂšcle. Musicien du Roi-Soleil, Lully en dirigeant opĂ©ras, divertissements, ballets, cĂ©lĂ©brations religieuses, pilote surtout la vie musicale Ă l’Ă©poque de Louis XIV. Jusqu’en 1770, sous le rĂšgne de Louis XV oĂč s’impose le culte du Grand SiĂšcle, la musique des opĂ©ras de Lully est encore jouĂ©e. Tendre, tragique, comique, Lully a inventĂ© et fixĂ© les rĂšgles de l’art classique français.
Gala Lully Ă la galerie des glaces de Versailles
Suites d’opĂ©ras de Lully : le baroque versaillais Ă©ternel
Le programme de ce Gala Jean-Baptiste Lully rassemble les piĂšces emblĂ©matiques de l’inventeur de la tragĂ©die en musique, cet opĂ©ra Ă la française qui a contrario de l’opĂ©ra italien oĂč rĂšgnent depuis les VĂ©nitiens (Cavalli principalement) : mĂ©lange des genres et sensualitĂ© mĂ©lodique, Ă©tablit la noblesse intelligible de la dĂ©clamation, calibrĂ©e sur le théùtre de Racine comme un souci majeur. L’AcadĂ©mie royale continue de commenter la simplicitĂ© tragique du monologue d’Armide, les effets saisissants du sommeil d’Atys. Les Suites tirĂ©es de ses opĂ©ras sont jouĂ©s par les Vingt Quatre violons du Roi Ă Versailles, pour les cĂ©lĂ©brations officielles (repas, cĂ©rĂ©monies, promenades dans le parc et ses bosquets, vĂ©ritable opĂ©ra de verdure), et aussi Ă Paris, mais au sein d’un orchestre plus grandiose encore (aux Vingt Quatre violons se joignent les instrumentistes de l’AcadĂ©mie royale de musique), pour la fĂȘte de la Saint-Louis (chaque mois d’aoĂ»t).
Le programme dirigĂ© par Leonardo Garcia Alarcon comprend ainsi comme Ă l’Ă©poque, deux suites dâairs, de chĆurs et de danses rassemblant les Ă©pisodes cĂ©lĂšbres : le chĆur des Trembleurs dâIsis (1677) qui inspira Purcell pour son King Arthur, la plainte italienne de PsychĂ© (1678), lâouverture et le sommeil dâAtys (1676), la Marche pour la cĂ©rĂ©monie turque et le menuet du Bourgeois gentilhomme (1670).
L’autre versant du Lully courtisan Ă Versailles demeure son Ćuvre sacrĂ©e. S’il nâoccupa jamais de charge officielle Ă la Chapelle royale, grĂące au soutien et une amitiĂ© sincĂšre dont lui tĂ©moigna le Roi lui-mĂȘme, Lully compose cependant pour la Cour plusieurs motets Ă grands chĆur et orchestre, genre nouveau dont il reste avec les sous-maĂźtres de la Chapelle royale, Henry Du Mont et Pierre Robert, l’inventeur.
Ainsi naissent onze motets Ă deux chĆurs et orchestre, dont six furent luxueusement imprimĂ©s de son vivant (1684). Y paraĂźt le Miserere, créé durant la semaine sainte de 1663, le Plaude lĂŠtare Gallia, composĂ© pour le baptĂȘme du Grand Dauphin (1668), ou encore le Te Deum, quâil fit exĂ©cuter pour la premiĂšre fois devant la cour Ă Fontainebleau en 1677, pour le baptĂȘme de son propre fils. Le Dies irĂŠ et le De profundis, qui concluent le recueil de 1684, sont créés en lâabbatiale de Saint-Denis le 1er septembre 1683, lors des somptueuses funĂ©railles de la Reine Marie-ThĂ©rĂšse dâAutriche, infante dâEspagne. L’Ă©pouse de Louis XIV, depuis 1660 (la noce fut cĂ©lĂ©brĂ© entre autres par l’opĂ©ra Xerse de Cavalli avec ballets de Lully) s’Ă©teint soudainement le 30 juillet 1683, dâun banal abcĂšs au bras qui lâemporta en quelques jours.
Leonardo Garcia Alarcon choisit de fermer le gala Lully Ă la Galerie des glaces en interprĂ©tant les deux Ćuvres de dĂ©ploration oĂč Ă l’esprit de la grandeur, rĂ©pond la vĂ©ritĂ© des intentions de l’Ă©criture : la mĂ©moire de la princesse fut ainsi honorĂ©e Ă Saint-Denis tirant des larmes Ă toutes l’assistance venue lui tĂ©moigner une derniĂšre marque d’estime et de respect tendre.
La musique funĂšbre pour les souverains de France est le sujet d’un dĂ©corum et d’une pompe inouĂŻs destinĂ©s Ă marquer les esprits. ComplĂ©ment au discours du clergĂ©, les musiciens interviennent en trois points, en trois effectifs distincts, chacun exĂ©cutant sa partie Ă tour de rĂŽle et en alternance ; les 2 dĂ©partements de musique du Roi : les chantres et symphonistes de la Musique de la Chapelle, placĂ©s sous la battue du sous-maĂźtre de la Musique de la Chapelle ; les chanteurs et instrumentistes de la Musique de la Chambre â dont les Vingt-quatre Violons â, placĂ©s sous la direction du surintendant de la Musique de la Chambre ; et au centre, face au catafalque, quatre ecclĂ©siastiques rĂ©alisent le plain-chant, en dialogue avec la Musique. Alternativement au moment de leur performance, les deux “chefs”se saisissent du battoir : le surintendant dirige alors les grands Motets qu’il a composĂ© : Dies irae (au centre du rituel), surtout De profundis (Psaume 129) Ă la fin lors de l’aspersion du cercueil. Le contraste saisissant naĂźt aussi de la diffĂ©rence de style et d’Ă©criture entre Lully et la Messe (Missa pro defunctis) probablement de Charles Helfer (mort en 1661), publiĂ©e dĂšs 1656 : c’est cette Ćuvre Ă la polyphonie stricte et dĂ©pouillĂ©e qui servira en toute occasion lors des rituels funĂšbres Ă Saint-Denis. ComplĂ©tĂ©e par le plain chant psalmodiĂ©, la Messe d’Helfer incarnait par sa noblesse et son caractĂšre ancien, la pĂ©rennitĂ© de la monarchie malgrĂ© les morts de ses acteurs premiers.
Gala Lully : Lully profane et sacré
Ă la Galerie des glaces de Versailles
Mercredi 2 décembre 2015, 21h
Jean-Baptiste Lully (1632-1687)
Suites et airs dâopĂ©ras
De profundis â Dies irae
Judith Van Wanroij et Caroline Weynants, dessus
Mathias Vidal, haute-contre
Thibaut Lenaerts, taille
JoĂŁo Fernandes, basse-taille
ChĆur de Chambre de Namur
Cappella Mediterranea
Millenium Orchestra
Leonardo Garcia AlarcĂłn, direction
2h entracte inclus
Programme détaillé :
Francesco Cavalli (1602-1676)
Ercole Amante (1662)
Trio « Una stilla di speme »
Jean-Baptiste Lully Â
Ballet royal de la Raillerie (1659)
Dialogue de la Musique italienne et françoise
Psyché (1671)
Plainte italienne
Ballet royal de la Raillerie
Bourrée en Double
Atys (1676)
Ouverture â Sommeil
Cadmus et Hermione (1673)
Rondeau
Persée
PrĂ©lude â Air de Mercure « à tranquille sommeil âŠÂ »
Le Bourgeois Gentilhomme (1670)
Menuet â Marche pour la cĂ©rĂ©monie turque
Isis
ChĆur des Trembleurs « LâHiver qui nous tourmente âŠÂ »
Armide (1686)
PrĂ©lude â Air de Renaud « Plus jâobserve ces lieux âŠÂ » â Passacaille
– Entracte –
Jean-Baptiste LullyÂ
Dies Irae
De Profundis