Les Dominos et Florence Malgoire à l’Abbaye aux dames
En cette période de fêtes, Les Dominos reviennent à l’Abbaye aux dames pour un concert qui reprend en grande partie les oeuvres de François Couperin (1668-1733) enregistrées au printemps 2012 pour leur dernier cd, sorti il y a quelques semaines. Soucieux de défendre le répertoire baroque français, ils ont aussi inclus dans le programme, Jean Philippe Rameau (1683-1764) et Elisabeth Jacquet de la Guerre (1665-1729), l’une des rares femmes qui fut non seulement saluée en tant que claveciniste prodige mais qui, également reconnue comme compositrice, vivait de son art. La situation d’Elisabeth Jacquet de La Guerre était très exceptionnelle à une époque où les femmes étaient généralement dans l’ombre de leurs pères ou de leurs maris.
Voyage au cœur du Grand Siècle
Dans le corpus instrumental de François Couperin (1668-1733) se trouvent nombre de sonates, genre qui n’était pas en vogue dans la France de Louis XIV. le compositeur, surnommé « le grand », a introduit l’art de la sonate en France après avoir usé d’un subterfuge pour connaitre la réaction du public face à une musique instrumentale nouvelle. Des quatre sonates jouées par les Dominos ce soir, trois (la Superbe; la Steinkerque et la Visionnaire) datent des années 1690 alors que la dernière, La Convalescente, remonte à 1730, donc à la maturité. Les musiciens jouent avec gourmandise, cherchant les nuances les plus justes, sans jamais s’éloigner de l’esprit de l’époque (fin XVIIe/début XVIIIe). La justesse de l’interprétation, l’évidente complicité des instrumentistes insufflent une énergie et une vie à l’oeuvre de Couperin.
Dans un esprit assez proche de celui de Couperin, Les Dominos interprètent également le 3ème concert de clavecin de Jean Philippe Rameau (1683-1764). Le 3e concert de clavecin fait partie d’une série de six, publiée en 1741, après la création des premiers opéras du compositeur, à commencer par Hippolyte et Aricie (1733) et Dardanus (1739) ; on ne s’étonnera pas d’y retrouver des passages de ces deux oeuvres dans les concerts pour clavecin. Dans celui de ce soir, ce sont des extraits de Dardanus, les tambourins, qui occupent la seconde partie de l’oeuvre. Florence Malgoire et ses musiciens jouent le « concert » avec souplesse et rigueur sans rien masquer de la joie des tambourins qui, dans Dardanus, fêtent la victoire de Teucer sur le fils de Jupiter.
La 1ère sonate pour violon et clavecin d’Elisabeth Jacquet de la Guerre (1665-1729) est l’occasion pour les artistes de remettre à l’honneur une musicienne exceptionnelle, immédiatement célébrée de son vivant. La sonate pour violon et clavecin, extraite d’un recueil composé en 1707, est l’un des plus beaux exemples du don remarquable de la compositrice. Les Dominos font ressortir chaque page de l’oeuvre avec force, cherchant là aussi les nuances les plus infimes ; ils soulignent avec finesse chaque parcelle qui regorge de thèmes subtils distillés avec talent par la première femme compositrice connue à l’échelle européenne.
Florence Malgoire qui dirige depuis son pupitre fait montre d’une intelligence de jeu et d’une musicalité rares. A aucun moment elle ne cherche à imiter son père, avec lequel elle a étudié puis joué; elle trace son propre chemin avec bonheur. Lundi soir, la violoniste et ses musiciens ont donné le meilleur d’eux mêmes, jouant avec un vrai plaisir les oeuvres de trois compositeurs contemporains choisis parce qu’ils ont produit des corpus importants pour le clavecin, instrument commun et central qui dialogue habilement avec les autres instruments à commencer par le violon.
Saintes. Abbaye aux dames, le 17 décembre 2012. François Couperin (1668-1733) : sonate la Superbe, sonate la Steinkerque, sonate la Convalescente, sonate la Visionnaire; Jean Phillipe Rameau (1683-1764) : 3eme concert de clavecin; Elisabeth Jacquet de la Guerre (1665-1729) : 1ère sonate pour violon et clavecin. Ensemble Les Dominos. Florence Malgoire, violon et direction.

partitions enregistrées figurent au programme du concert du 17 décembre à Saintes. Lire la critique intégrale du cd rédigée par notre collaborateur
Benjamin Ballifh (novembre 2012)