lundi 5 mai 2025

Saintes. Abbaye aux dames, le 14 juillet 2012. Vivaldi, Scarlatti, Tartini. Avec le banquet céleste, Damien Guillon, alto et direction

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concert, compte rendu, critique
festival de Saintes 2012

Damien Guillon et Le Banquet Céleste à Saintes,
par notre envoyée spéciale, Hélène Biard.

Nombreux sont les ensembles qui, fondés par un artiste lyrique ou un chef d’orchestre, se consacrent au vaste répertoire que propose la musique baroque. Le Banquet Céleste fondé par Damien Guillon est l’un d’entre eux et il est invité au festival de Saintes pour la sixième année consécutive. Soucieux d’élargir de nouveaux horizons, Damien Guillon a composé un programme qui permet au public de découvrir le compositeur italien Giuseppe Tartini (1692-1770) toujours injustement méconnu.

Le concert qui nous emmène dans l’Italie baroque (fin XVIIe, début XVIIIe) met aussi Alessandro Scarlatti (1660-1725) à l’honneur; s’il a contribué à l’envol de son fils Domenico, il ne faut pas oublier qu’Alessandro a aussi laissé de très belles pages (oratorios, cantates, opéras…). Si Domenico a privilégié le clavier, Alessandro a donné une place de premier choix au genre vocal avec plus de cent opéras et un peu moins de sept cent cantates.

Le Banquet Céleste à Saintes

On ne présente plus Antonio Vivaldi (1678-1741) dont l’oeuvre lyrique et vocale a été longtemps éclipsée par le célébrissime concerto pour violon Les quatre saisons. Cependant Vivaldi a aussi laissé un important corpus d’oeuvres vocales (cantates religieuses ou profanes et opéras entre autres oeuvres) et instrumentales qui n’ont rien à envier aux Quatre saisons; les deux cantates choisies par Guillon sont bâties de telle sorte que les sentiments les plus divers prennent forme avec une ferveur inattendue et soutenus par une musique vivante, sans fioritures inutiles. Damien Guillon prend un véritable plaisir à interpréter les deux cantates de Vivaldi : le Pretre Rosso y parle d’amour sans complexes et avec des mots choisis pour marquer les esprits; chaque mot, chaque note prend tout son sens à travers un chant solaire d’une justesse et d’une intelligence rares. L’accompagnement quasi parfait des musiciens donne plus de force au chant de Guillon, visiblement très inspiré par le répertoire choisi.

Le contre-ténor français met autant de coeur et d’enthousiasme à chanter la cantate « Ombre tacite e sole » d’Alessandro Scarlatti qui prend le pas sur son fils le temps d’une mélodie; là aussi le chant et la diction sont limpides et, comme les deux oeuvres précédentes, Guillon fait siens les sentiments désespérés du personnage sans jamais tomber dans la facilité.

Les musiciens du Banquet Céleste jouent aussi des oeuvres de musique instrumentale qui leur permettent de se mettre en avant avec talent et de mettre à l’honneur un compositeur certes plus jeune mais contemporain de Vivaldi et de Scarlatti : Giuseppe Tartini (1692-1770). Resté dans l’ombre de ses illustres confrères, Tartini compose de très nombreuses oeuvres pour violon, instrument qu’il joue en virtuose, et dont, par ailleurs, il enseigne l’art. La sonate pour violon « le trille du diable », dont le compositeur lui même dit qu’elle lui a été inspirée par un rêve, dans lequel il se voyait pactiser avec le diable, est jouée par un Baptiste Lopez très inspiré qui maitrise parfaitement son instrument et qui se joue des difficultés de la partition avec une aisance remarquable. L’accompagnement discret et efficace du continuo souligne l’incroyable difficulté des trilles qui donnent tout son sens au titre de la sonate de Tartini.

Le concerto ripieno de Vivaldi qui rassemble tous les instrumentistes du Banquet Céleste leur permet de choisir une oeuvre de toute beauté dans l’imposant corpus de musique instrumentale du compositeur vénitien. L’interprétation de cet autre morceau de bravoure dévoile toute la science du Vénitien; c’est une musique qui cumule la somme d’expériences acquises par un Vivaldi alors à son sommet.

Foyer d’ébulitation inventive, la période baroque recèle encore bien des trésors enfouis, des orfèvres à connaître ou approfondir. Le programme en témoigne: aux côtés d’un Vivaldi que l’on apprend peu à peu à comprendre réellement, voici que sortent de l’ombre persistante, Alessandro Scarlatti et Tartini…
Le Banquet Céleste se dévoile en défricheur; il prend le pari des oeuvres pas toujours très connues qui regorgent de rythmes trépidants, d’accents irrésistibles, de couleurs variées en pics et pièges souvent tendus aux interprètes encore que les cantates soient plus proches des lamentations. Cependant la complicité qui lie Damien Guillon et ses musiciens leur permet de jouer les oeuvres sans faillir. En se comprenant à demi-mots. Belles découvertes, servies par des musiciens sincères et entiers.

Saintes. Abbaye aux dames, le 14 juillet 2012. Antonio Vivaldi (1678-1741) : cantate « Amore hai vinto », cantate « Cessate, o mai, cessate », concerto ripieno (allegro et adagio, chacone (allegro ma non troppo)) ; Alessandro Scarlatti (1660-1725) : cantate « Ombre tacite e sole »; Giuseppe Tartini (1692-1770) : sonate pour violon en sol mineur « le trille du diable ». Le Banquet Céleste. Damien Guillon, direction. Compte rendu rédigé par notre envoyée spéciale à Saintes, Hélène Biard.

Illustration: Damien Guillon à Saintes 2012
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