Rossini: La Petite Messe Solennelle. Les 30 ans de l’Atelier Lyrique Tourcoing, les 20, 22 et 24 janvier 2012

On pensait tout connaitre du vieux Rossini… Septuagénaire au début des années 1860, le compositeur qui dans sa jeunesse étincelante, a tant compté dans l’histoire de l’opéra romantique français, fait un retour remarqué sur la scène parisienne… de surcroît, après une retraite silencieuse de 30 ans qui lui fut nécessaire pour se remettre d’un début de carrière aussi fulgurant … qu’exténuant.
On l’attendait dans un nouvel opéra, il « ressuscite » sur le mode sacré et spirituel avec sa Petite Messe Solennelle, joyau lyrique et musical qu’il a nommé « péché de vieillesse »; elle n’est pourtant ni pour l’église ni pour le salon: c’est un ovni musical inclassable et singulier dans lequel Rossini plus inspiré que jamais, délivre une synthèse lyrique stupéfiante et aussi son testament musical… Alors musique sacrée ou sacrée musique ?

Pour les 30 ans de l’Atelier lyrique de Tourcoing, Jean-Claude Malgoire a choisi une partition qui éblouit évidemment par son délire festif ; mais le propos du metteur en scène Jean-Philippe Delavault (dramaturge au Châtelet et ex-assistant de Robert Carsen) offre davantage encore; la réalisation scénographique souligne la facétie sous jacente au texte religieux ; c’est une véritable épiphanie du geste qui souligne combien Rossini affirme son génie théâtral; en chantant par cœur, les solistes libèrent chaque air de son cadre ; chaque nuance de la partition est investie, incarnée, et finalement revivifiée par une liberté souvent délirante.

Ici, le compositeur parait sur scène mieux portant que jamais : en hédoniste et gastronome, cuisinier chanteur d’un type fascinant (et même s’activant aux fourneaux!: épatant Pierre-Yves Pruvot, et plus rossinien que Rossini lui-même dans ses portraits), aux coté de ses deux compagnes aussi et de ses contemporains Auber et Meyerbeer…

Dans la fosse, Jean-Claude Malgoire, chef fondateur de l’Atelier lyrique de Tourcoing, réserve à la partition une attention scrupuleuse, attentif à la plus petite nuance, soucieux de cette vitalité toute en subtilité qui fait la saveur d’un spectacle qui frappe par sa séduction visuelle et son intelligence comique. Ici, pas de gros effectif, ni grand choeur ni orchestre symphonique: que la sincérité chambriste de quelques solistes, chanteurs et instrumentistes, et quels solistes! Tous magnifiquement dirigés, sous l’oeil d’un maestro tout en verve et en vérité.

Jeu théâtral, performance scénique, geste vocal surtout… Rossini n’aurait rien renié dans cette production stimulante. Le nouveau spectacle pétille sans interruption par sa légèreté et sa finesse; c’est l’une des réalisations rossiniennes les plus éblouissantes que nous ayons vues depuis longtemps… une réalisation qui devrait bientôt tourner en France, souhaitons-le, tant l’intelligence et le délire le plus subtil renouvellent la perception de l’oeuvre. Pour Jean-Claude Malgoire et sa brillante troupe lyrique, preuve est faite qu’à Tourcoing depuis 30 ans, la vitalité et l’audace occupent toujours le haut de l’affiche. Production jubilatoire et incontournable.

Rossini: La Petite Messe Solennelle. Les 30 ans de l’Atelier lyrique de Tourcoing. Tourcoing, Théâtre Municipal Raymond Devos, les 20, 22, 24 janvier 2012. Jean-Claude Malgoire, direction. Jean-Philippe Delavault, mise en scène.