Rimski-Korsakov
(1844-1908)
Né à Tikhvin (à l’Est de Saint-Pétersbourg), d’une famille aristocratique, le jeune Rimsky bien que doué pour la musique doit conformément au standing familial et à la volonté de ses parents guère versés dans les arts et la musique (comme purent l’être a contrario, ceux du jeune Mendelssohn, également enfant d’une naissance fortunée), suivre des études d’ingénieur et intégrer la marine impériale. Pour autant le musicien n’a pas abandonné la musique : il suit des leçons de musique avec Theodor Canillé (ou Kanille) dès 1859 et découvre l’écriture de Glinka. Rimsky se passionne dès lors, dès lors pour la composition.
L’officier se passionne pour la musique…
Viennent ensuite, écrites sur ses heures de repos que lui laisse le service des armées, Sadko (1867) et Antar (1868). L’officier révèle sous son uniforme un génie de la musique russe dont le sens de la mélodie et l’orchestration sont indiscutables. Estimé des compositeurs du Groupe des 5: Rimski se rapproche du milieu des compositeurs contemporains: Borodine, Moussorgski, et bientôt du jeune Tchaïkovski (1868) alors peu connu et taxé d’auteur mineur parce que trop occidental…
Le musicien emménage en colocation (automne 1871) avec Moussorgski: piano le matin pour ce dernier quand Rimski travaille sur ses oeuvres. L’après-midi, c’est Rimski qui joue au piano pendant que Moussorgski travaille comme fonctionnaire. La collaboration musicale produit ses effets: Rimski orchestre l’acte polonais et la scène près de Kromy (finale) de l’opéra de son colocataire: Boris Godounov.
Simultanément à Boris, Rimski compose son propre opéra, La jeune fille de Pskov qui « ose » produire sur scène le Tsar Ivan le terrible. Or depuis 1837, un oukase interdit les oeuvres scéniques représentant la personne du Tsar. Après de nombreuses démarches, les 2 oeuvres pourront cependant être créées. Mais avec changements imposés par la censure impériale.
Musique russe ou contrepoint?
Rimski devient professeur de composition et d’orchestration au Conservatoire de Saint-Petersbourg à partir de 1871 et jusqu’à sa mort. S’il doute de ses compétences techniques pour le poste, il travaille à les combler: il se perfectionne car le travail est une seconde nature chez ce compositeur forcené (assimilation en particulier sous l’influence de Tchaïkovski, de l’harmonie et du contrepoint, jugés « trop occidentaux »…!). Esprit audacieux, Rimski non conformiste, aime surprendre, défricher, expérimenter.
D’autant que son épouse, Nadezhada, à l’égal d’une Clara Schumann, comprend parfaitement la musique et le métier de son époux: elle l’encourage et maîtrise elle-même la technique de composition et de critique musicale (version pour 4 mains d’Antar, 1875). L’inspecteur des orchestres de la Marine (1873), qui conçoit aussi le programme d’études musicales des élèves cadets de la Marine peut enfin, parce qu’il est reconnu et placé à sa juste fonction, opérer les chantiers qu’il a en tête. Praticien de nombreux instruments, Rimski écrit son traité d’orchestration, travaille sur l’acoustique… Beaucoup de ses amis musiciens dont Borodine ne comprennent pas cette immersion dans les sciences, et « les antiquités », lui reprochant de s’adonner au contrepoint, fadaise occidentale. Ce que Tchaïkovski, admiratif, juge pourtant capital.
En 1884, et pour dix années, Rimski devient l’adjoint de Balakirev à la Chapelle Impériale: il y découvre la musique sacrée et écrit un nouveau traité, déclassant celui de Tchaïkovski.
Compositeur érudit et savant ? La « pente » prise par Rimski l’enlise un temps (sa Symphonie n°3 en témoigne: imbroglio contrapuntique qui peine à trouver sa ligne de développement).
Renouvellement par les musiques populaires et Glinka
Mais l’inspiration est revivifiée grâce au fonds des mélodies populaires. Avant Bartok, comme Brahms et Tchaïkovski, Rimski réutilise des mélodies traditionnelles (recueil de chants traditionnels pour voix et piano). A la demande de son frère Mikhaïl Glinka, l’oeuvre de Glinka est reprise pour être éditée: avec Liadov, Balakirev et Rimski, le projet est réalisé jusqu’en 1878. Rimski aime ce travail de restitution, comme il achèvera Prince Igor de Borodine en 1884.
Les deux expériences nourrissent son projet d’opéra, d’après Gogol, la Nuit de Mai, dont l’écriture est amorcée à partir de février 1878. Dans la veine de Glinka, le compositeur opère une synthèse entre musique russe et contrepoint occidental.
Les concerts avec Belyayev
Les rencontres et les expérience se poursuivent. Rimski rencontre le mécène (1884), Mitrofan Belyayev, admirateur de son élève Glazounov. Le maître propose de créer la Symponie n°1 de son élève avec la complicité de Belyayev: grand succès.
L’aventure se poursuit avec un nouveau cycle de concerts: les « Concerts Symphoniques Russes » en 1886 qui permettent au public d’écouter les oeuvres russes: Rimski-Korsakov (création de son Concerto pour piano) et Glazounov (Stenka Razin, poème symphonique).
Le compositeur devenu chef s’adonne à la composition, inféodant désormais le contrepoint à une architecture qui sert essentiellement le développement mélodique et le souffle plastique d’une orchestration foisonnante: pour le cycle des Concerts Symphoniques Russes, il écrit ainsi: Shéhérazade, le Capriccio Espagnol, l’Ouverture de la Grande Pâques Russe, et dirige la Nuit sur le Mont Chauve de Moussorgsky dont il a écrit l’orchestration (sa spécialité).
Pour Tchaïkovski…
Infatigable générosité musicale d’un homme curieux de tout, mais d’un goût expert: Rimski, touché par la mort brutale de Tchaïkovski en 1893 (comme le fut aussi Rachmaninov qui dédia au Maître, son Trio élégiaque), termine l’opéra inachevé de Tchaïkovski, La veille de Noël d’après Gogol. Cette expérience lui insuffle une vague créatrice inouïe dans le genre opératique: Rimski compose près de 11 opéras, de 1893 à sa mort ! Auquel il faut ajouter la cantate Le chant d’Oleg le sage, célébrant le centenaire de Pouchkine (1899).
Pendant la Révolution Russe (1905), Rimski, foncièrement anticonformiste, n’ayant jamais supporté ni cautionné la direction conservatrice du Conservatoire, soutient le mouvement estudiantin. Il est congédié par les autorités! … pour être réintégré sous la pression de ses défenseurs. Esprit libre pour un monde futur à bâtir… Rimski nous laisse son opéra Le Coq d’or dont la critique envers le pouvoir et la guerre nippo-russe, n’a toujours pas été bien mesurée. D’ailleurs, l’ouvrage continue d’être joué dans une version maquillée qui dénature les propos de l’auteur, un comble pour celui qui s’est ingénié à faire écouter les oeuvres de ses contemporains dans le respect de leurs intentions…
Illustration: Rimski-Korsakov, Piotr Illyitch Tchaïkovski (DR)
France Musique, tous les jours à 13h. Du 16 au 20 mars 2009 à 13h. Magazine « Grands compositeurs »: Rimski-Korsakov le féérique. Portrait
musical d’un compositeur russe parmi les plus essentiels du romantisme
russe: admirateur de Glinka et du contrepoint occidental, comme
Tchaïkovski, Rimski-Korsakov né pourtant aristocrate,
ayant réussi une brillante carrière dans la Marine Impériale, poursuit
simultanément son oeuvre de compositeur. Le colocataire de Moussorsgki
laisse une oeuvre capitale, fusionnant style occidentale et saveur
populaire russe, brillant en particulier comme chf compositeur dans le
cycle des Concerts Symphoniques Russes… Portrait musical sur France Musique, du 16 au 20 mars 2009, tous les jours à 13h