vendredi 25 avril 2025

Richard Strauss: Ariadne auf NaxosFrance Musique, dimanche 8 août 2010 à14h30

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Richard Strauss,

Ariadne auf Naxos
, 1916


France Musique

Dimanche 8 août 2010 à 14h30


Le Chevalier à la Rose est à peine créé à l’Opéra Royal de Dresde, le 26
janvier 1911, que dès la fin mars Hugo von Hofmannsthal écrit à Richard
Strauss qu’il a, « quasiment terminé dans sa tête, un petit opéra de
trente minutes pour orchestre de chambre intitulé Ariane à Naxos, où des
personnages héroïques issus de la mythologie, en costumes du XVIIIe
siècle, sont mélangés à des personnages de la commedia dell’arte ».
L’assiduité de Hofmannsthal à l’élaboration de l’oeuvre straussienne
n’aura, au départ, d’égal que le dédain du compositeur: « Travaillez,
travaillez, et faites-moi plaisir en m’envoyant bientôt quelque chose de
positif. » De Garmisch, Strauss l’encourage pourtant à poursuivre et,
quelques mois plus tard, semble acquis au projet: « Ravi de votre lettre !
Envoyez, je suis prêt ! » Après de longs échanges épistolaires, parfois
non dénués d’effronterie dans la plume de Strauss ni de désillusion dans
celle de Hofmannsthal, naît une première version d’Ariadne auf Naxos.
L’oeuvre conçue pour être représentée à la suite d’une adaptation (par
Hofmannsthal, en langue allemande) du Bourgeois Gentilhomme de Molière,
sertie d’une musique de scène composée par Strauss, n’obtient pas
l’accueil escompté, lors de sa création le 25 octobre 1912 au Hoftheater
de Stuttgart, en dépit de la présence du compositeur au pupitre et de
la brillante direction d’acteurs du génial Max Reinhardt. La réception
mitigée amène librettiste et compositeur à envisager d’emblée une
révision en profondeur, abandonnant toute interférence avec la pièce
issue de l’oeuvre de Molière, mais tout en conservant la forme du
diptyque. L’intermezzo (censé, dans l’adaptation de Hofmannsthal,
remplacer le Ballet imaginé par Lully en 1670 pour le Bourgeois
Gentilhomme) est transformé fondamentalement. Dépassant le rôle
d’introduction théatrale qui lui était assigné au départ, il devient un
véritable Vorspiel en musique. Afin de ne pas renoncer entièrement à
l’esprit du théatre du XVIIIe siècle qui avait séduit tant Hofmannsthal
que Strauss, le Vorspiel garde un caractère nettement déclamatoire ainsi
qu’un rôle parlé, celui du Majordome (Haushofmeister). Le Prologue,
ainsi métamorphosé, donne à présent tout son sens à l’Opéra (en un acte)
qui le suit. La première de cette version définitive a lieu à la
Hofoper de Vienne le 4 octobre 1916. Le succès, jamais démenti depuis
lors, est cette fois au rendez-vous. La musique de scène de la version
d’origine sera elle aussi remaniée et Strauss en tirera plus tard la
suite pour orchestre Der Bürger als Edelmann.


Un opéra dans l’opéra



Une soirée mondaine dans la Vienne rococo: un mécène, l’homme le plus
riche de la ville, reçoit la jet set ! Le clou de l’événement sera le
feu d’artifice. Le Majordome est chargé de veiller à ce que le spectacle
pyrotechnique ne soit pas retardé par la double représentation prévue
pour le plaisir des invités: un opera seria sur le thème d’Ariane,
première oeuvre d’un jeune compositeur idéaliste, et une comédie
bouffone par une troupe italienne, menée par la frivole Zerbinette.
D’évidence la solution s’impose au mécène, qui ordonne à son Majordome
d’annoncer aux artistes, compositeur, maître de musique et maître à
danser, que pour éviter tout retard les deux représentations seront
données … simultanément ! Mélange inédit de seria et de buffa, la
décision du mécène crée la stupeur et nourrit la méfiance et la jalousie
entre la Prima Donna (Ariane) et la troupe de Zerbinette. Opéra dans
l’opéra, tel est le prétexte à ce troisième chef-d’oeuvre du duo
Strauss-Hofmannsthal, après Elektra (1909) et le Rosenkavalier (1911).
Suivront par après, dans cet irréprochable florilège, Die Frau ohne
Schatten (1919), Die Aegyptische Helena (1928), Arabella (1933) …

La légèreté apparente du propos cache en réalité une oeuvre foisonnante
de questionnements, car au-delà du mythe et de la truculence bouffonne,
s’opposent, en Ariane et Zerbinette, deux conceptions de l’amour:
l’amour sérieux, responsable, mesuré, incarné par Ariane, impliquant
fidélité absolue à l’être aimé qui ne peut qu’être unique; et celui plus
fougueux et capricieux, pour ne pas dire volage, pratiqué par
Zerbinette. Excellent prétexte pour Strauss pour inclure dans la
partition un « air du catalogue » recensant les multiples amants de
Zerbinette, clin d’oeil sophistiqué à Mozart. Inconsolable après avoir
été abandonnée par Thésée, Ariane invoque la mort pour échapper à son
sort malheureux. En vain Harlekin tente-t-il de la dérider avec une
petite chanson: « so versuchet doch ein kleines Lied ! ». Même Zerbinette
avec son aria de bravoure, ne parviendra pas à convaincre Ariane à
renoncer à la tristesse et à embrasser une nouvelle vie. Tout changera à
l’arrivée d’un jeune homme, un Dieu, Bacchus, qui par la douceur de sa
voix et la vertu de l’amour saura transfigurer la princesse morne et
esseulée … D’autres propos sont abordés en filigrane, le rôle de l’Art
dans la société, le mécénat, les rapports entre le texte et la parole.
Strauss y reviendra 25 ans plus tard (mais sans Hofmannsthal, décédé en
1929) et développera ces thèmes avec brio et raffinement dans Capriccio
(1942), son sublime adieu à l’opéra.

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