mardi 13 mai 2025

Poitiers. Cinéma « le Castille », le 22 mars 2012. En direct du Royal Opera House de Londres. Prokofiev; Roméo et Juliette… Barry Wordworth, direction.

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Lorsqu’une salle d’un niveau international monte un ballet quel qu’il soit, l’on ne peut s’empêcher de penser immédiatement aux corps de ballet russes dont la réputation n’est plus à faire en la matière. Et lorsque le Royal Opera House a programmé Roméo et Juliette dont la musique a été composée en 1935 par Sergei Prokofiev (1891-1953), il faut bien reconnaitre que le pari a été largement relevé. Pendant toute la soirée le corps de ballet du Covent Garden a démontré avec éclat qu’il n’a absolument rien à envier aux compagnies russes tant chaque danseur a fait siennes la musique de Prokofiev et la très belle chorégraphie de MacMillan avec une rigueur et une aisance convaincantes.


Splendides danseurs du Covent Garden

Pour la nouvelle reprise de Roméo et Juliette, la chorégraphie de Kenneth MacMillan, qui date de 1947, est défendue avec beaucoup de classe et de talent par l’excellente danseuse étoile Lauren Cuthebertson (dont nous avions, par ailleurs, salué la splendide performance en décembre dernier dans La belle au bois dormant) et le non moins talentueux Federico Bonelli. Les deux étoiles forment un jeune et beau couple faisant passer les amants de Vérone par une large palette de sentiments et d’émotions.
Leur interprétation libère une impulsion et une dynamique qui déboule sur la scène du Covent Garden telle une tornade entraînant tout sur son passage. Tout dans la danse de ces deux jeunes gens nous séduit : les pas de deux et les solis sont pris à bras le corps et avec une grâce qui semble irréelle tant ils y mettent tout leur coeur et leur amour de la danse; quant à l’émouvant pas de deux dans la crypte des Capulets ou Roméo danse avec le corps inanimé de sa jeune et belle épouse, il n’est pas seulement un morceau de bravoure, au demeurant remarquablement interprété par Bonelli, mais aussi une merveilleuse occasion d’exprimer un réel talent de comédien tant la douleur de Roméo est palpable.

Aux côtés de ces deux brillants danseurs, le corps du Ballet londonien fait des merveilles pendant toute la soirée; le bal des Capulets, par exemple, dont la célébrissime musique est régulièrement donnée en concert, compte parmi les grands moments de la soirée et la rencontre entre Roméo et Juliette fait mouche tel un cheval au galop. Et d’ailleurs, le Tybalt hargneux, bagarreur, haineux de Bennet Gartside qui a pris à son compte l’accumulation de rancoeurs et de malentendus entre les deux plus puissantes familles véronaises se distingue; la volonté permanente du jeune homme à chercher la bagarre, même pendant le bal ressort avec une intensité d’autant plus forte que le costume rouge sang donne le ton.

Cependant les scènes du marché, au cours desquelles ont lieu les duels ne manquent pas de piquant et l’on ne peut qu’apprécier de voir la chorégraphie de Kenneth MacMillan transcendée par un corps de ballet enthousiaste emporté par deux danseurs étoiles talentueux et la présence de quelques « anciens » qui, ayant déjà dansé Roméo et Juliette par le passé, ont transmis leur expérience avec un plaisir non dissimulé…
D’autre part le charisme et le talent d’un Christopher Saunders (Lord Capulet) sont un précieux soutien et un bel exemple pour les plus jeunes membres de la troupe. Les deux petits films diffusés avant la retransmission et pendant le premier entracte permettent au public présent dans les salles de cinéma de comprendre la somme de travail réalisé, non seulement sur un plan strictement stylistique mais aussi au niveau scénique : les duels nécessitent une préparation minutieuse; même s’ils sont moins nombreux que dans la pièce, ils sont calqués sur la musique (et d’ailleurs Barry Wordworth nous dit qu’il « doit être très vigilant afin de ne pas aller trop vite ou trop lentement pour que les duelistes ne soient pas gênés par ce qui se passe tant dans la fosse qu’à leurs côtés sur le plateau ») et sont aussi éprouvants, tant physiquement que nerveusement qu’un pas de deux, un ensemble ou un solo.

Le corps de ballet du Royal Opera House démontre, une fois encore, son talent avec un brio incomparable. Et la rigueur exemplaire avec laquelle Roméo et Juliette a été préparé en amont est d’autant plus nécessaire qu’il faut une vigilance constante pour les scènes de duels qui parsèment le ballet. Les danseurs, à commencer par le couple de danseurs étoiles Cuthbertson/Bonelli, offrent à leur public un moment inoubliable tant la grâce, le talent et l’investissement qui émanent du plateau éblouissent les personnes présentes à Londres et dans les salles de quinze pays. Et d’ailleurs l’ovation qui accueille les artistes et le chef est d’autant plus méritée qu’ils nous ont rapidement fait oublier la scène et les décors pour nous emmener avec eux dans la Vérone du XVIe siècle.

Poitiers. Cinéma « le Castille », le 22 mars 2012. En direct du Royal Opera House de Londres. Serguei Prokofiev (1891-1953) : Roméo et Juliette, ballet en trois actes. Avec Lauren Cuthbertson, Juliette; Federico Bonelli, Roméo; Alexander Campbell, Mercutio; Bennet Gartside, Tybalt; Dawid Trzensimiech, Benvolio; Valeri Hristov, Pâris; Christopher Saunders, lord Capulet; Christina Aresti, lady Capulet; Kristen MacNally, nurse; Kenneth MacMillan, chorégraphie; Nicholas Geogiardis, décors et costumes; John B.Read, lumières; Monica Mason et Christopher Saunders, mise en scène Corps de ballet du Royal Opera House de Londres; orchestre du Royal Opera House de Londres, Barry Wordworth, direction. Compte rendu rédigé par notre envoyée spéciale Hélène Biard

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