mercredi 7 mai 2025

Poitiers. Auditorium, le 29 mars 2012. Albeniz, Mompou, Granados. Jean-François Heisser, piano

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Par notre envoyée spéciale Hélène Biard

Lorsque nous avions évoqué Jean François Heisser en février dernier, c’est au chef d’orchestre, et à l’Orchestre Poitou Charentes, que nous nous étions intéressés). Ce 29 mars c’est le pianiste que nous avons eu l’occasion de voir en action. Le programme se concentre autour de la musique moderne espagnole qu’il connait parfaitement et qu’il affectionne particulièrement. Si Ibéria, que le musicien a par ailleurs enregistré au cd il y a plusieurs années, est la pièce centrale de la soirée, le progamme du concert nous permet de découvrir des partitions moins connues que l’oeuvre d’Albeniz mais tout aussi séduisantes.
Pendant toute la soirée, le Théâtre Auditorium invite son public au voyage; l’invitation est d’autant plus irrésistible qu’elle est initiée par un pianiste talentueux, excellent musicien et fin connaisseur des compositeurs qu’il a choisi.

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Ibéria est l’ultime oeuvre d’Isaac Albeniz (1869-1909) qu’il composa en quatre livres entre 1905 et 1909. S’il s’agit d’une oeuvre virtuose plutôt exigeante, Jean-François Heisser n’en donne cependant que les trois premiers pour ensuite donner la parole à d’autres compositeurs. Nous sommes frappés par la justesse et l’intelligence de l’interprétation du pianiste qui donne le ton de la soirée dès les premières notes. A aucun moment, Heisser ne se laisse dépasser ni piéger par des pages techniquement très difficiles et si Albeniz lance un défi terrible à ses interprètes, ce dernier est relevé avec un brio incomparable. C’est surtout dans le troisième livre que le pianiste démontre son talent avec éclat tant la redoutable difficulté de ces pages a tenu les musiciens éloignés de l’oeuvre pendant de nombreuses années, et du coup elle est longuement restée méconnue. Ibéria est pourtant riche en couleurs, stylistiquement très aboutie, à la croisée des chemins, emmenant le public en Espagne sans qu’il ait besoin de quitter son siège.

Avec le premier livre de Musica Callada composé entre 1959 et 1974 par Federico Mompou (1893-1987), Jean-François Heisser, qui présente le compositeur comme étant un grand timide mais aussi un excellent musicien, aborde un univers très différent et tout aussi séduisant. Si, dans Ibéria, Albeniz propose des pages virvoltantes, Mompou se montre beaucoup plus intimiste, composant une partition redoutable, semée de pièges et d’embuches pour le musicien qui l’aborde. Heisser fait montre d’une subtilité, d’une justesse et d’une intelligence rares rendant justice au chef d’oeuvre de Mompou qui mérite évidemment d’être mis à l’honneur.
Quant à Enrique Granados (1867 1916), avec La maja y el Ruisenor qui est tirée du cycle des Goyescas, dont la composition fut achevée en 1911, le pianiste nous régale en images et couleurs; Granados qui s’est inspiré des oeuvres du peintre Goya, d’où le titre du cycle, a composé une partition haute en couleurs.

Si les oeuvres d’Albeniz et de Granados sont quasi contemporaines, -elles ont été achevées à deux ans de distance-, elles sont tout aussi difficiles l’une que l’autre; tout coule dans La maja y el Ruisenor, partition pourtant périlleuse.

Recital de très haute volée qui montre qu’un chef peut aussi être un pianiste très convaincant. Jean-François Heisser a démontré qu’il est possible de porter plusieurs casquettes sans s’éparpiller. Le talent, la rigueur, la justesse, l’intelligence du jeu ont permis au pianiste de se dépasser et de défendre avec un bonheur évident des compositeurs qui méritent ou mériteraient d’être programmés plus souvent. Leur musique est colorée, riche, pleine d’allusions au pays natal et d’hommages aux autres arts. On ne peut qu’être séduit par l’inventivité des oeuvres présentées et par la vision quasi idéale qu’en donne l’interprète. Conquis, le public réserve une ovation au pianiste.

Poitiers. Auditorium, le 29 mars 2012. Isaac Albeniz (1869-1909) : Ibéria (livre I, livre II, livre III); Federico Mompou (1893-1987) : Musica Callada (livre I); Enrique Granados (1867 1916) : La maja y el Ruisenor. Jean-François Heisser, piano

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