mardi 29 avril 2025

Poitiers. Auditorium, le 14 février 2013. Satie, Poulenc, De Séverac, Debussy, Ferroud, Hahn, Dupont, Koechlin, Schmitt, Ravel, Haendel (bis N°1), Chopin (bis N°2). Anne Queffelec, piano.

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Poitiers. Auditorium, le 14 février 2013. Satie, Poulenc, De Séverac, Debussy, Ferroud, Hahn, Dupont, Koechlin, Schmitt, Ravel, Haendel (bis N°1), Chopin (bis N°2). Anne Queffelec, piano.

A Poitiers, Anne Queffelec séduit le TAP. La pianiste Anne Queffelec, fille et soeur d’écrivain, retrouve Poitiers quelques années après son premier passage. L’artiste défend sur la scène de l’auditorium un récital de musique moderne française; programme qu’elle a d’ailleurs enregistré en 2012 et qui vient tout juste de sortir en cd. Sa passion pour la musique, Anne Queffelec la partage volontiers avec le public qu’elle salue avec une simplicité et une humilité rares.

Anne Queffelec séduit le Théâtre Auditorium de Poitiers

Avant d’entamer la première partie du récital, Anne Queffelec prend le temps de présenter les compositeurs dont elle jouera les oeuvres en première partie. Pendant quelques minutes la pianiste parle avec une véritable tendresse de ces hommes au caractère bien trempé qui se connaissaient, fréquentaient les mêmes salons, ont composé des oeuvres pour piano remarquables.

Ainsi nous apprenons qu’Éric Satie (1866-1925) refusait de laisser les éditeurs publier ses oeuvres « par crainte de se prostituer », qu’il vivait dans une chambre qu’il sous-louait à un clochard et que les jours de pluies il partait avec un parapluie qu’il n’ouvrait pas « pour ne pas l’abimer ». S’il n’est pas toujours aisé de comprendre tout ce que dit la musicienne accomplie à cause d’un micro mal réglé, nous apprécions cependant que la pianiste prenne le temps de parler avec autant d’amour de cette musique française moderne qu’elle défend passionnément. Avec Satie, nous entrons dans un monde très particulier mais exceptionnel; sa musique est si particulière qu’elle est immédiatement identifiable, il introduit dans ses oeuvres les divers mouvements et influences qui se croisent à la fin du XIXe siècle et au début du XXe. Anne Queffelec a choisi quatre oeuvres (Gnossiennes N°1 et 3, la Gymnopédie, Le Picadilly), certes courtes mais qui marquent les esprits par leur densité et les thèmes très forts qui les jalonnent.

Tombé dans l’oubli, Déodat De Séverac (1872-1921) qui fut entre autres l’élève de Vincent d’Indy a laissé des symphonies, deux opéras, plusieurs oeuvres pour piano. Anne Queffelec le remet à l’honneur avec une page dont la fantaisie charmante fait retomber le public en enfance; composée en 1912 « On l’on entend une vieille boite à musique » donne réellement l’impression de voir la boite à musique sur le piano de l’artiste.

Également au programme de la soirée, Pierre-Octave Ferroud (1900-1936), Florent Schmitt (1870-1958) et Gabriel Dupont (1878-1914) ont pourtant laissé une oeuvre pour le piano qui gagne à être connue. La richesse de la vie artistique du début du XXe siècle frappe d’autant plus que Ferroud, disparu à seulement trente-six ans dans un accident de la route, fut l’élève de Schmitt qui lui même travailla avec, entre autres, Charles Koechlin (1867-1950). De son côté Gabriel Dupont, formé par son père, laisse quatre recueils de musique pour piano plus ou moins importants mais d’une intensité très forte. Là encore la pianiste, qui connait parfaitement son sujet, fait ressortir les couleurs et la beauté de cette musique si peu jouée avec beaucoup de grâce sans jamais trahir les intentions des compositeurs.

Reynaldo Hahn (1875-1947) est plus connu comme compositeur d’opérette (Ciboulette par exemple. L’oeuvre est actuellement donnée à l’Opéra-Comique). C’est lui aussi qui rendit justice à Charles Gounod en ressuscitant Mireille après un long travail de recherches musicologiques et qui dirigea la recréation de l’oeuvre en 1945. Cependant le corpus de musique instrumentale qu’il laisse, bien que moins connu, mérite d’être mis en avant. Anne Queffelec qui a fait un important travail de recherches et de promotion persévère avec d’autant plus de mérite, que les pièces inscrites à son programme ont le mérite de donner une large palette de thèmes, tirés le plus souvent de la vie quotidienne (Après midi de dimanche de Dupont), des saisons (l’Hivernale de Hahn) ou des sons les plus divers (comme la boite à musique de Séverat ou Le Glas de Schmitt par exemple).

Pour clore sa première partie, la pianiste nous présente des oeuvres de Francis Poulenc (1872-1963), Claude Debussy (1862-1918), dont elle a finalement choisi de selectionner deux pièces différentes (Clair de lune et Le petit nègre remplacent Rêverie) de celles initialement prévues, et de Charles Koechlin (1867-1950). Là encore, les nuances sont jouées tout en finesse et sans aucune faiblesse. Si on retrouve avec plaisir trois compositeurs reconnus de leur vivant pour l’excellence de leur production musicale, nous apprécions particulièrement la lecture intelligente, tout en émotion d’une artiste inspirée et au sommet de son art.

Au retour de l’entracte, Anne Queffelec prend de nouveau la parole pour présenter Les cinq miroirs de Maurice Ravel (1875-1937) qui font l’objet de la seconde partie de soirée. Ravel avait composé son oeuvre entre 1904 et 1905 avec l’intention de concourir au prix de Rome; prix qui lui sera d’ailleurs refusé au motif que la structure de l’oeuvre ne correspondait pas aux critères du jury. Et le scandale qui s’en suivit, ouvrit les yeux des autorités qui pour « se rattraper » proposèrent une médaille à Ravel qui, encore ulcéré par son échec, la refusa tout net. Ces cinq pièces alternent mouvements rapides et lents sans temps mort et l’interprétation de la pianiste en cisèle avec nuance, le dynamisme (recours exemplaire à la pédale).

Le public, ne s’y est pas trompé en réservant un triomphe à Anne Queffelec visiblement très émue qui le remercie en jouant deux bis. Deux oeuvres qui n’ont rien à voir avec le programme mais qui permettent aussi de se rendre compte de l’étendue du talent de la pianiste et du répertoire éclectique d’une artiste dont la réputation n’est plus à faire et dont la popularité est très grande. Qu’il s’agisse du Menuet de Georg Friedrich Haendel (1685-1759) ou de la Fantaisie Impromptue de Frédéric Chopin (1810-1849), le public plonge de nouveau dans deux mondes à la fois différents mais complémentaires tant ces deux oeuvres sont virevoltantes.

Poitiers. Auditorium, le 14 février 2013. Éric Satie (1866-1925) : 1ère gnossienne, 3e gnossienne, Le Piccadilly, La Gymnopédie; Francis Poulenc (1872-1963) : pastourelle; Déodat de Séverac (1872-1921) : Ou l’on entend une vieille boite à musique; Claude Debussy (1862-1918) : Clair de lune, Le petit nègre; Pierre-Octave Ferroud (1900-1936) : Nonchalante; Reynaldo Hahn (1875-1947) : Le banc songeur, Hivernale; Gabriel Dupont (1878-1914) : Après-midi de dimanche; Charles Koechlin (1867-1950) : Chants de pêcheurs; Claude Debussy (1862-1918) Maurice Ravel (1875-1937) : cinq miroirs; Georg Friedrich Haendel (1685-1759) : Menuet (bis N°1); Frédéric Chopin (1810-1849) : Fantaisie impromptue (bis N°2) . Anne Queffelec, piano.

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