lundi 5 mai 2025

Peter Sellars, portrait. Arte, dimanche 7 février 2010 à 10h

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Peter Sellars,
Portrait



Arte, Musica
DImanche 7 février 2010 à 10h

Voyage en compagnie de Peter Sellars. Documentaire. Réalisation: Mark Kidel. 2007. 1h30mn. Précédente diffusion: le 17 novembre 2007.

Il faut bien 1h30mn de documentaire (comme ici) pour dévoiler la personnalité complexe du bouillonnant metteur en scène américain, Peter Sellars. Le pétillant voire séditieux activiste pour une scène qui dénonce et saisit l’esprit des spectateurs, si déluré dans Mozart, s’est dépuis bien assagi voire assombri: porteur d’un regard compassionnel et fraternel sur notre monde égoïste, violent, barbare… Peter Sellars qui vit comme un solitaire poursuit son oeuvre de créateur visionnaire, iconoclaste. Il a défait l’art bourgeois, complaisant et décoratif. Il milite aujourd’hui auprès des déracinés et des démunis.
Ce défricheur facétieux qui a dynamité, entre autres, les opéras de Mozart dans des mises en scène actualisées, violemment décriées à leur époque (à la fin des années 80, sous l’ère Reagan, entre 1987 et 1990), vient tout d’abord du théâtre, comme passionné de Shakespeare et des tragédies grecques. Surdoué, inventif, le propre de Sellars est de placer l’homme au centre de son travail.

Un Saint-François moderne

En exigeant beaucoup de ses comédiens chanteurs, le disciple de John Cage, de Brook, Strehler, Stein, Chéreau se concentre sur le coeur des êtres, leur capacité à évoluer, leur métamorphose permanente… Il se rêvait chef d’orchestre, aimait enfant, recevoir des plantes plutôt que des jouets. Passionné par le vivant, il accompagne chacun des interprètes à explorer jusqu’au fond de lui-même les enjeux et les pulsions de la psyché. Travail sur l’intimité et l’émotion qui peut s’avérer ainsi passionnant lorsqu’il s’agit d’artistes comme Dawn Upshaw (interprète de l’Amour de Loin), ou Lorraine Hunt (dans les Cantates de Bach ou les opéras haendéliens)… C’est aussi un solitaire engagé, en particulier du côté des expatriés et des réfugiés, victimes de la barbarie contemporaine. Ce célibataire jovial que Gérard Mortier compare à Saint-François (Sellars a mis en scène la création de l’opéra éponyme de Messiaen, sur les planches de l’Opéra Bastille en 1992), qui aime le contact de l’autre pour mesurer son énergie vitale, décrit ici par Gérad Mortier (pour lequel Sellars a monté avec Bill Viola, un Tristan de Wagner mémorable à l’Opéra Bastille), par la compositrice finlandaise Kaija Sahariao (qui lui a dédié son opéra l’Amour de loin), est aussi un mystique, un croyant humaniste qui interroge notre destinée, notre civilisation, envisage pour la scène, théâtre ou lyrique, un regard critique, affûté, souvent mordant sur les réalités mutliples des violences contemporaines, sur les situations d’échec… qui menace les individus que nous sommes, comme la société que nous ne cessons de créer contre nous mêmes….

Le réalisateur Mark Kidel, auquel nous devons aussi d’autres portraits de Bill Viola, Mario Lanza, Balthus, Alfred Brendel et Leon Fleisher, qui a suivi pendant deux années le travail du metteur en scène, donne un portrait complet de la personnalité atypique de Peter Sellars. Son rapport avec le père, ses influences diverses et enrichissantes (des marionnettes au Japon…), sa quête de pureté et d’harmonie (où se mêlent sa fascination récurrente de l’art Zen et du Bouddhisme, entre autres…), qui a cédé la place à l’humour et la facétie de ses premières réalisations mozartiennes… Le documentaire collectionne les épisodes passionnants, quand le compositeur John Adams évoque leur fonctionnement s’identifiant à l’ovule qui enfante l’oeuvre à naître quand Sellars serait le sperme (!), … en particulier lorsque Peter Sellars explique dans quel contexte et dans quel lieu il répétait alors les opéras de Mozart (au milieu d’un centre pour réfugiés où le prix de la vie se mesurait avec intensité et force), lorsqu’il aborde la question justement de Mozart, un compositeur qu’il a longuement fréquenté, quand il évoque la mauvaise foi et la relecture abusive et restrictive qu’en offre avec le recul la délicieuse et « angélique » Elisabeth Schwarzkopf (non sans ironie), quand il précise les circonstances dans lequelles il a découvert Zaïde du même Mozart, immersion dans une réflexion toujours actuelle entre tortionnaires et victimes… grâce à la proposition d’un écrivain nigérien (mis en scène pour le festival de Vienne 2006), lorsqu’il présente devant la caméra de Mark Ridel, dans son appartement, ce mouvement perpétuel, cette métamorphose continue qui traverse chaque être, de la naissance à la mort, à propos d’un dyptique, tableau vivant du cinéaste Bill Viola! Derrière le petit homme au sourire et à l’oeil épanoui se cache un visionnaire. Eblouissant.

Crédit photographique: Peter Sellars (DR)

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