La Fondation Orange
Entretien avec Olivier Tcherniak, secrétaire général de la Fondation Orange
A l’occasion d’un entretien avec Olivier Tcherniak, secrétaire général de la Fondation Orange, classiquenews.com brosse le portrait du principal mécène de la voix en France. Approche spécifique et vertus défendues, accompagnement et valeurs… la crise que nous vivons oblige aussi à davantage de vigilance: beaucoup oublient trop vite que la culture est aussi une action de solidarité, plus forte et capitale qu’on pourrait le croire…. Tel n’est pas la cas de la Fondation Orange, mécène exemplaire qui confirme ses actions de mécénat dans la musique et renouvelle ses engagements auprès des ensembles les plus fragilisés.
Le 23 juin dernier s’est déroulée la Nuit de la voix au Cirque d’hiver à Paris: organisée à l’initiative de la Fondation Orange, mécène de la voix et à ce titre accompagnateur généreux de nombreux projets musicaux et d’artistes musiciens en France, l’événement qui se tient chaque année, a souligné la diversité des démarches et des profils artistiques. Or la crise et le repli des actions de mécénat culturels au profit du terrain des solidarités sociales laisse peser une inquiétude sur le devenir de certaines formations qui sans le soutien de la Fondation Orange, et la reconduction exceptionnelle de ses subventions, auraient peut-être tout simplement cesser leur activité. Au cours d’un entretien avec Olivier Tcherniak, secrétaire général de la Fondation Orange, classiquenews.com évoque les fondamentaux d’un mécène unique en France qui tente d’atténuer les effets de la crise sur le spectacle vivant.
« Nous recueillons les demandes de subventions qui sont soumises et étudiées par des comités de sélection constitués de représentants du milieu professionnel musical. Nous accordons une attention particulière aux ensembles jeunes, c’est à dire nouvellement créés. En général, notre aide dure entre 5 et 6 ans: il s’agit d’une période décisive où les nouveaux artistes ont besoin d’un vrai soutien pour se lancer dans la carrière, réussir leurs premiers concerts, rencontrer et convaincre le marché professionnel. La taille de notre aide financière varie selon chaque projet. Nous faisons du cas par cas”, souligne Olivier Tcherniak.
Pour autant, au regard de la dureté des effets de la crise, certains ensembles que la Fondation Orange a déjà accompagnés, sont fragilisés. « Nous avons décidé par conséquent pendant cette période exceptionnellement difficile pour certains, de renouveler notre aide afin de sécuriser ceux qui en ont besoin« , précise Olivier Tcherniak, « ainsi, le choeur Les Cris de Paris, l’Arpeggiata ou encore le Créa, centre d’éveil artistique d’Aulnay sous bois« .
Situation contradictoire en vérité car il s’agit pour les deux premières formations, d’ensemble invités dans les festivals et largement plébiscités par le public, mais qui n’arrivent pas à s’autofinancer. Le rôle d’un mécène s’avère alors primordial. Avec la crise, la Fondation Orange a ajouté à son type d’action, un nouveau mécénat adapté au nouveau contexte: un mécénat de fidélité et de continuité.
Parmi les temps forts à venir, sujet de toute l’attention future de la Fondation, les actions sur le thème de la culture et du handicap, en particulier, l’action menée par l’association fondée par l’ancien directeur de l’Opéra de Paris, Hugues Gall: « music’O seniors ». Elle organise des concerts lyriques de jeunes artistes (élèves des classes de conservatoires préalablement auditionnés) dans les maisons de retraite. Au coeur des programmes, la rencontre des jeunes artistes avec les seniors, l’écoute et le partage transgénérationnel… Les jeunes artistes apprennent leur métier tout en cultivant de très fortes valeurs humaines; de leur côté, les seniors sortent d’un isolement qui peut être dangereux, grâce au pouvoir de la musique.
En 2010, la Fondation Orange fêtera aussi l’année Frédéric Chopin, même si le piano, et la figure du compositeur romantique, dont l’oeuvre est éloignée de l’art vocal, n’est pas en apparence l’un de ses « champs » prioritaires. Le premier mécène de la voix en France peut être fier en 2009, d’avoir su accompagner et financer près de 100 formations, dont par exemple le choeur Accentus à ses débuts. Mais la Fondation finance aussi les festivals, comme Beaune et à nouveau en 2009, le festival d’Ambronay … pour ses 30 ans.
Même si le niveau global du mécénat ne faiblit pas, Olivier Tcherniak, qui est aussi président d’Admical, reste inquiet sur l’état des engagements accordés à la culture qui pourrait devenir préoccupant.
« La suppression de la taxe professionnelle, et un certain désengagement de l’Etat qui réduit les subventions publiques s’ajoutent à une orientation défavorable pour la culture : pour 2009, 22% des entreprises mécènes ont communiqué qu’elles allaient réduire leurs actions de mécénat dans la culture au profit d’actions de solidarité « . Le danger est de croire que la culture n’aide en rien à l’essor des solidarités,: elle reste pourtant particulièrement capitale en période de crise, comme celle que nous vivons.
Or les multiples actions culturelles qui favorisent et améliorent les conditions du vivre-ensemble sont indiscutables, ce dans tous les secteurs de la vie civile. « Il serait ainsi dangereux par exemple de continuer à constater la baisse des initiatives culturelles dans les banlieues. Pourtant, c’est bien la culture qui permet d’éveiller les consciences, de cultiver la curiosité vers l’autre, c’est un pan capital dans l’éducation de toutes les générations« .
La culture est ce bien commun, mis en partage, qui abolit les frontières, les tensions, les classes. « Il faut rendre davantage accessible la culture aux publics qui en sont exclus, écartés, empêchés. C’est le meilleur remède contre les exclusions, l’isolement« .
Aujourd’hui, la Fondation Orange poursuit ses actions dans près de 30 pays: elle place la culture et l’éducation au centre de ses activités: aide à l’éducation des jeunes filles en Afrique, ou programmes spécifiques d’accompagnement des spectateurs atteints de cécité qui grâce à un système d’audio description peuvent suivre les opéras présentés au Châtelet à Paris ou à l’Opéra de Bordeaux. L’accessibilité des personnes atteintes de cécité est à la source du partenariat que vient de signer la Fondation Orange avec le Louvre pour le nouveau département des Arts de l’Islam.
Faire de la culture un combat social, voilà une réalité solidaire que ne devraient pas oublier les entreprises en France. L’histoire se joue maintenant: elle est d’autant plus nécessaire que la crise est encore bien présente. Que la Fondation Orange nous montre la voie, voilà qui n’est pas si surprenant: lucidité et discernement sont aussi les valeurs d’un mécène engagé.
