mercredi 7 mai 2025

Paris. Théâtre des Champs-Elysées, le 23 mai 2011. Haendel : Ariodante. Joyce DiDonato, Karina Gauvin, Marie-Nicole Lemieux, Sabina Puértolas. Alan Curtis, direction

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A l’occasion de la sortie du nouvel enregistrement de l’Ariodante de Haendel, toute l’équipe du disque – ou presque – s’est donné rendez-vous au Théâtre des Champs-Elysées pour une exécution en concert de cette œuvre, l’une des plus accomplies du caro sassone.
La salle est remplie, l’ambiance électrique, tout cela sans doute grâce à la présence de la mezzo améraicaine vedette Joyce DiDonato dans le rôle-titre. Car la mezzo-soprano a cantatrice balaye tout sur son passage, autant par son incarnation passionnée du chevalier que par son art du chant, d’une subtilité et d’une finesse rares. Créé par Carestini, le personnage voit sa partie musicale hérissée de difficultés, demandant aussi bien vaillance et virtuosité que pudeur et intériorité. Deux facettes que la cantatrice sait dépeindre à merveille. Son agilité vocale est sans reproche, et elle se joue avec brio des gammes et autres roulades qui parsèment la partition. Mais c’est dans les parties lentes qu’elle éblouit, touche et émeut.
Si dans son « Preparati a morire », la première partie, pyrotechnique, époustoufle par sa précision, c’est bien le volet central de l’air, tout en douleur retenue et en larmes dures, ciselé avec un art d’orfèvre, qui laisse la salle sans voix, retenant son souffle, comme en apnée pour ne pas briser ce moment de magie. Un sortilège qui opère à nouveau dans le somptueux « Scherza infida », littéralement flottant en apesanteur, où la chanteuse laisse s’envoler les teintes sopranisantes de sa voix, cette voix de tête flûtée qu’elle sait iriser avec tellement d’art, avec en outre un sens des mots, auxquels elle donne tout leur poids et leur sens, qui rajoute à ce portrait si finement tracé qu’il en devient déchirant de vérité.


Pur bel canto

Une incarnation majeure dans le paysage haendelien, et qui prouve, s’il était besoin, que ce répertoire appartient bel et bien au plus pur bel canto, et que, aujourd’hui, seule une interprète rompue à Mozart et Rossini peut rendre à Haendel sa vérité technique et musicale.
Ses partenaires, s’ils n’évoluent pas aux mêmes hauteurs, se révèlent pourtant efficaces et engagés. Karina Gauvin fait profiter Ginevra de son instrument plein et charnu, et lui donne ainsi une réelle force, bien que Haendel n’ait pas développé davantage son personnage. Polinesso davantage bouffe qu’impérial et menaçant, Marie-Nicole Lemieux, d’ordinaire si sensible et si musicienne, surprend par son jeu outrancier et ses manières vocales presque vulgaires, notamment dans son air « Se l’inganno sortisce felice », où elle parle plus qu’elle ne chante, rugissant ses sauts d’octaves et appuyant lourdement ses graves. Paradoxalement, son grand air « Dover, giustizia, amor », manque de démesure, trop concentrée et serrée sur ses notes, quant on attendait … un ouragan vocal.
Charmante Dalinda, Sabina Puértolas se révèle parfaitement à sa place en suivante bernée, grâce à sa voix joliment acidulée, franche et bien timbrée, la fausse candeur de son incarnation et ses beaux piani.
En Lucanio, le ténor Nicholas Phan inquiète durant son premier air par ses aigus quelque peu tirés, mais enthousiasme dans le second, grâce à une agilité parfaitement exécutée et un magnifique sens musical. Le baryton-basse Matthew Brook, quant à lui, donne à entendre un touchant Roi, à la douceur paternelle attachante.
A la tête de son Complesso Barocco, Alan Curtis semble n’avoir pas de direction dramatique forte. Si son orchestre sonne agréablement – malgré des cors parfois en difficulté –, il manque souvent de nerf, de panache, surtout dans les airs de vaillance, alors que, pour les arias plus élégiaques, la finesse douce de sa sonorité convient bien mieux. Haendel aurait-il aimé ce continuo souvent répétitif et d’une tension trop égale?
Triomphe au moment des saluts, l’enthousiasme délirant du public allant tout entier à Joyce DiDonato qui a, avec sa simplicité coutumière, a dominé de très haut la soirée et donné à tous une inoubliable leçon de musique.

Paris. Théâtre des Champs-Elysées, 23 mai 2011. Georg Friedrich Haendel : Ariodante. Avec Ariodante : Joyce DiDonato ; Ginevra : Karina Gauvin ; Polinesso : Marie-Nicole Lemieux ; Dalinda : Sabina Puertolas ; Lucanio : Nicholas Phan ; Le Roi : Matthew Brook ; Odoardo : Paolo Borgonovo. Il Complesso Barocco. Alan Curtis, direction

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