Belle voix pour musique… oubliable
En ce mois de décembre, le Théâtre des Champs-Elysées ouvre grandes ses portes à Philippe Jaroussky et lui laisse carte blanche, pour trois concerts, l’un consacré en grande partie à Caldara – compositeur qui fait l’objet de son dernier disque –, le second en duo avec un autre contre-ténor qui n’est rien moins qu’Andreas Scholl, et une troisième soirée à l’occasion de laquelle il convie certains de ses amis chanteurs et musiciens.
Ce premier concert permet en effet de découvrir la musique peu connue d’Antonio Caldara, compositeur vénitien à cheval sur les 17e et 18e siècles, auteur de 87 opéras, mis en parallèle avec quelques autres compositeurs de son temps.
La soirée débute avec un concerto à plusieurs instruments de Dall’Abaco, d’une virtuosité appréciable, aux harmonies riches, plein de couleurs et de vivacité, une belle mise en bouche.
Le chanteur attendu entre enfin en scène, et le concert peut véritablement prendre son envol. Comme à son habitude, le contre-ténor français se présente parfaitement préparé, toujours d’une musicalité irréprochable. Fidèle à lui-même, il se montre à son meilleur dans les airs élégiaques, faisant admirer sa maîtrise des piani et son contrôle du souffle, ce qui nous vaut un émouvant « Troppo è insoffribile » et un beau « Tutto fa nocchiero esporto ».
Les airs plus virtuoses sont défendus avec flamme et courage, mais reconnaissons qu’ils flattent moins la vocalité du chanteur, alors que la salle se révèle un peu grande pour la puissance somme toute relative de son instrument.
D’une manière plus générale, il faut également avouer que la musique de Caldara, si elle comporte de beaux moments, manque singulièrement de génie, et l’orchestration réduite aux seules cordes n’y est pas pour rien.
Le contraste est flagrant avec le concerto pour violoncelle de Vivaldi, d’une inventivité musicale totale, magnifié par l’interprétation sensible et virtuose à la fois de Werner Matzke.
Jouant debout, le Concerto Köln accompagne avec élégance et conviction Philippe Jaroussky dans la redécouverte des pièces oubliées qu’il nous présente ici, mais les instrumentistes ne peuvent transformer en chefs d’œuvres des pièces qui demeurent simplement celles d’un bon compositeur de la fin du seicento. Une soirée agréable, mais manquant, à notre goût, de démesure et d’ivresse.
Paris. Théâtre des Champs-Elysées, 1er décembre 2010. Evaristo Felice Dall’Abaco : Concerto à plusieurs instruments en mi mineur op.5 n°3. Antonio Caldara : Temistocle, « Contrasto assai » ; Lucio papirio dittatore, « Troppo è insoffribile » ; Adriano in Siria, « Tutti nemici e rei ». Giovanni Battista Sammartini : Sinfonia pour cordes et basse continue en la majeur. Antonio Caldara : Ifigenia in Aulide, « Tutto fa nocchiero esporto » ; Temistocle, « Non tremar vassallo indegno » ; La Clemenza di Tito, « Opprimete i contumaci », « Se mai senti spirarti sul volto ». Antonio Vivaldi : Concerto pour violoncelle et cordes n°23 en ré mineur RV 407. Antonio Caldara : Demofoonte, « Misero pargoletto » ; L’Olimpiade, « Lo seguitai felice ». Philippe Jaroussky, haute-contre. Concerto Köln