Oberto aux Champs Elysées
Dommage que le rôle de Léonora ait été confié à Maria Guleghina; la soprano russe a visiblement du mal à contrôler son instrument : la ligne de chant manque de netteté, le vibrato mal contrôlé, les aigus laborieux et pas toujours justes; si le médium est encore agréable les graves sont souvent écrasés… La diva faiblit pour incarner correctement le personnage de Léonora. Avec Oberto, Verdi pose les bases de ce que seront ses futurs personnages féminins : Desdemona (Otello), Violetta (La Traviata), Léonora (La forza del destino/Il Trovatore) … entre autres rôles. Nous avons, en revanche, plus de satisfactions concernant Ekaterina Gubanova qui incarne une Cunizza très en voix et pleine de sensibilité; à aucun moment elle ne se laisse dépasser par une partition, au livret certes peu inspiré mais difficile. Valter Borin fait un Riccardo moyen même si la voix nous semble prometteuse; à sa décharge, Borin a remplacé du jour au lendemain Fabio Sartori initialement prévu mais qui, malade, a dû renoncer au dernier moment; la volonté du ténor de vouloir bien faire pour incarner un personnage ingrat, est admirable. Dans le rôle titre, Michele Pertusi, qui connait parfaitement l’oeuvre pour l’avoir déjà chantée par le passé, a peu l’occasion de se mettre en valeur au cours du premier acte : l’air d’entrée et les ensembles sont maitrisés avec beaucoup de maestria; par contre l’air et la cabalette du second acte et la cavatine qui suit, morceaux de bravoure comme Verdi seul sait en composer, sont interprétés sans la moindre faiblesse, avc un aplomb même régénéré; Pertusi qui domine largement la distribution fait preuve d’une autorité qui étonne et séduit le public. Sophie Pondjiclis est une Imelda très honorable, mais la brièveté du rôle nous laisse un peu sur notre faim dans la mesure ou elle n’a que quelques répliques et chante essentiellement dans les ensembles.
Le choeur de Radio France, bien préparé par son chef Kalman Strausz, fait preuve d’une très belle musicalité; nous regrettons cependant que la diction ne soit pas toujours parfaite, réserve qui n’ôte en rien son engagement général. Carlo Rizzi dirige l’Orchestre National de France avec une énergie remarquable, tirant sans effort le meilleur parti des musiciens ; dès l’ouverture, le chef, donne le ton de ce que sera la soirée. A aucun moment Rizzi ne se laisse dépasser par la musique malgré les imperfections qui ressortent de ce premier opéra. L’implication des choristes et des musiciens dirigés par un chef qui dans un grand jour est d’autant plus agréable qu’elle nous fait oublier la déception relative de voir une Léonora peu convaincante et un Riccardo au demeurant assez moyen.
Oberto, opéra peu aimé de son compositeur, pose pourtant les bases de sa future carrière au théâtre. L’accueil enthousiaste du public souligne la valeur d’une oeuvre assurément prenante malgré ses faiblesses d’écriture, son livret bancal; saluons le TCE d’offrir un éclairage inédit du jeune Verdi.
Paris. Théâtre des Champs Elysées, le 19 Novembre 2011. Giuseppe Verdi (1813-1901): Oberto, conte di San Bonifacio opéra en deux actes sur un livret de Antonio Piazza et Temistocle Solera. Avec Michele Pertusi (Oberto); Maria Guleghina (Léonora); Valter Borin (Riccardo); Ekaterina Gubanova (Cunizza); Sophie Pondjiclis (Imelda). Choeur de Radio France; Kalman Strausz (chef de choeur). Orchestre National de France; Carlo Rizzi, direction. Compte rendu rédigé par notre envoyée spéciale Hélène Biard.