Pas facile en vérité de réussir ici, l’apparition vraisemblable de Bacchus en fin d’action, dans un dernier épisode où Ariane qui semble ne s’être jamais éveillée à la réalité du monde, est littéralement transfigurée et donc sauvée par le miracle de sa rencontre avec le jeune dieu grec.
Koch, Archibald: duo miraculeux
La reprise de cette production scénographiée (sans poésie) par Laurent Pelly doit sa réussite à l’excellente tenue de l’orchestre, porté par la sensibilité hyperchambriste du chef Philippe Jordan. Nous avions déjà loué ses recherches de couleurs et des transparence chez Wagner (dans L’or du Rhin puis La Walkyrie pour une Tétralogie en cours, jusque là vraiment réussie), réussissant cet écoulement expressif et dynamique, continu, jamais plus fort que le volume des voix; voici une tenue d’orchestre, d’une rare osmose avec les chanteurs…
Dans Strauss, le souci d’équilibre et d’accomplissement instrumental, de résolution poétique aussi, s’avère gagnant, d’autant qu’il reste très difficile de concilier la débandade du Prologue : véritable foire comique et délirante qui oppose les esthétiques sérieuses et bouffonnes; et le propos spirituel de l’acte lyrique proprement dit. Philippe Jordan réconcilie les contraires, rétablit la richesse vibratile et trouble du sujet. Mais au coeur de l’action théâtrale, le chef sait exprimer le miracle des sentiments. Il sculpte avec une sincérité convaincante le profil d’une Ariane au bord du gouffre et en même temps, à l’aube d’une vie nouvelle…
Saluons la distribution d’une belle homogénéité. Si le ténor (Stephen Vinke) chante un Bacchus un peu droit et parfois faux (il n’a même en rien l’ivresse juvénile du dieu, maître des résurrections), l’Ariane de Ricarda Merbeth refroidit en début d’action, puis trouve une sincérité opulente de plus en plus cohérente. Les seconds rôles (les comédiens italiens du masque dansé) dont surtout l’excellent Harlekin d’Edwin Crossley-Mercer) rayonnent par leur présence et les vitalité collective; leur guide et leur maîtresse, Zerbinette trouve dans la jeune et si prometteuse Jane Archibald, une interprète palpitante, double lumineux de la sombre Ariane. Au Prologue, l’agitation est à son comble, la confusion et l’hystérie des artistes décuplées suite aux nouveaux ordres du mécène viennois… Reconnaissons à la mezzo Sophie Koch, une maîtrise rare dans son incarnation du rôle si poignant du jeune compositeur. Sa rencontre, suave et filigranée avec Zerbinette n’en a que plus d’intelligence trouble. Leur duo se démarque nettement de la distribution. Koch et Archibald s’y révèlent au sommet.
Encore 2 dates (les 25 et 28 décembre 2010) pour écouter deux interprètes particulièrement inspirées par l’écriture Straussienne: Sophie Koch en compositeur et Jane Archibald, Zerbinette irrésistible. Incontournable.
Paris. Opéra Bastille, le 25 décembre 2010. Richard Strauss: Ariane à Naxos; Ariadne auf Naxos. Franz Mazura (der Haushofmeister), Martin Gantner (ein Musiklebrer), Sophie Koch (der komponist), Stefan Vinke (Bacchus), Xavier Mas (ein tanzmeister), Vladimir Kapshuk (ein perückenmacher), Vincent Delhoume (ein offizier), Jane Archobald (Zerbinette), Ricarda Merbeth (Ariane), Diana Exentii (Dryade), Yun-Jung Choi (Echo), Elena Tsallagova (Najade), Edwin Crossley-Mercer (Harlekin), François Piolino (Scaramuccio), François Lis (Truffaldin), Michael Laurenz (Brighella)… Orchestre de l’Opéra national de Paris. Laurent Pelly, mise en scène. Philippe Jordan, direction.
Philippe Jordan, direction
Laurent Pelly, mise en scène