Paris. Festival Présences 2015 : Les deux Amériques : 6 > 21 février 2015. La Maison de Radio France accueille en février son festival dédié à la musique contemporaine et aux créations. Le 25ème festival Présences réalise un superbe et prometteur écart transatlantique. Accoster sur les terres américaines signifie ici découvrir toutes les musiques continentales : de l’Alaska jusqu’à la Terre de feu, du Rio de la Plata jusqu’au Labrador, d grand nord au Sud le plus méridional. La création musicale revêt bien des formes et des écritures car le spectre est large : il investit la Maison de Radio France en particulier les salles rénovées et flambant neuves de l’Auditorium et du Studio 104 réouvert.
Ecart transatlantique
Les quatre formations maison (l’Orchestre National de France, l’Orchestre Philharmonique de Radio France, le Chœur et la Maîtrise de Radio France) sont à pied d’oeuvre pour transmettre le grand frisson, celui du grand large, dédié depuis les début du festival, à la musique contemporaine et à la création. C’est en prolongement de la thématique du festival 1991 quand il s’intéressait déjà à l’Amérique musicale mais cette fois à l’Amérique du nord. Les champs d’exploration 2015 dépassent la notion d’école nationale et même élargissent leur investigation au delà des seuls Etats-Unis. Présences traque depuis ses débuts les personnalités et les tempéraments charismatiques dont l’écriture transcende tout nationalisme : ainsi aux côtés des compositeurs connus John Adams (Doctor Atomic Symphony et Son of Chamber Symphony ), ou de Steve Reich, s’affirment les argentins que Paris stimule depuis longtemps (de Ricardo Nillni à Martin Matalon), mais aussi Victor Ibarra (d’origine mexicaine), le brésilien Januibe Tejera ou Luis Fernando Rizo-Salom (né à Bogota) … dont les manières s’enrichissent des traditions mondialisées, elles mêmes héritières de cultures anciennes. Métissages, passerelles, rencontres et synthèses… ainsi jaillissent les musiques personnelles et donc originales d’Osvaldo Golijov (polyphonies Yoruba du Nazareno jouées par les sœurs Labèque), de Luis Nahon (paysages changeants de Quebrada/Horizonte), d’Esteban Benzecry (superbe triptyque précolombien : Rituales amerindios)…
Ici l’accumulation des savoirs recomposent de nouvelles mosaïques dont les confrontations stimulent les compositeurs : « José Evangelista est un musicien canadien d’origine espagnole, Juan Pablo Carreno s’est formé en Colombie, aux États-Unis et en France. Tous éprouvent cependant le besoin d’exprimer quelque chose (une nostalgie, un sentiment de la danse, une impatience de l’avenir) et ne se contentent pas d’illustrer des formes pures et parfaites. Beaucoup d’entre eux également aiment l’orchestre, et on se réjouira que la moitié des concerts de cette édition de Présences fasse appel à ce type de formation, ce qui permettra à l’Orchestre National de France et à l’Orchestre Philharmonique de Radio France de donner toute la mesure de leur talent, avec peut-être, côté Philharmonique, une attirance pour l’Amérique du Sud et, côté National, un tropisme boréal. Joshua Dos Santos, James Gaffigan, Domingo Hindoyan, pour n’en citer que quelques uns, illustreront la vitalité de la direction d’orchestre américaine, ce qui n’empêche pas notre festival, évidemment, d’inviter de nombreux ensembles et solistes qui font de la création leur pain quotidien et leur oxygène indispensable. Et au Chœur et à la Maîtrise de Radio France de participer à la Transmigration of the Soul selon Adams « , précise Jean-Pierre Rousseau, directeur de la musique de Radio France.
A l’honneur au sein de la programmation de Présences 2015, l’imaginaire si visuel du compositeur argentin Esteban Benzecry, diplômé des Beaux-Arts de Buenos Aires. En France, à Paris, l’autodicate se forme sérieusement à la composition et l’orchestration dès 1997. Il peut y réaliser et approfondir entre autres son admiration pour les grands coloristes Debussy, Ravel, Messiaen, également Dutilleux et les tenants de la musique spectrale. Riche de multiples sources et d’admirations composites, Benzecry s’est façonné son propre imaginaire musical, suivant les pas de Ginastera, Stravinsky, Villa-Lobos, et les mexicains Carlos Chavez et Silvestre Revueltas. Le compositeur se définit tel un « scénographe sonore » n’hésitant pas à composer des œuvres ambitieuses exigeant des effectifs impressionnants : grand orchestre, choeur. Benzecry est aussi peintre : ses références sont toujours très visuelles et donc picturales. Il emprunte naturellement aux riches folklores toujours très vivaces dans la musique argentine.
Présences 2015 met aussi l’accent sur le compositeur Christopher Trapani, né dans la capital du jazz, la Nouvelle Orléans : à ses débuts trompettiste, Trapani rejoint Paris rapidement où il s’intéresse à la musique de Gérard Grisey. Il met en parallèle et établit un dialogue fructueux entre musique américaine populaire (blues) et musique spectrale, intègre dans son écriture l’électronique lié à sa formation à l’Ircam. Aujourd’hui, le compositeur voyage entre Paris, Manhattan et Istanbul… Spinning in infinity fait fusionner concrètement la musique électronique (bande enregistrée comprenant une partie de banjo et de canun turc) à l’orchestre (les enceintes sont même placées parmi les instrumentistes de l’orchestre). En exprimant l’idée de tournoiement (to spin), la pièce s’inspire d’une song de Paul Simon où l’énoncé de catastrophes se fait sur un tapis carnavalesque – plutôt décalé -, qui associe des rythmes métissés sud-africains, bluegrass, cajun, folk américain… formellement, Spinning in infinity suit structurellement la
figure d’une spirale et d’un tourbillon qui égrène ensuite de façon développée la multitude d’événements énoncés très rapidement au début. Foisonnant, Trapani enchasse les fils mélodiques en les enchevêtrant comme David Foster Wallace dans Infinite Jest qui accumule plusieurs narrations au point de dérouter le lecteur. Trapani avoue travailler sur le raffinement de la légèreté : » je veux une musique légère, fluide, attirante, mais avec une construction et de nombreux détails sous la surface. Ligeti, Ravel, Debussy, Berlioz, Monteverdi allient le raffinement du détail et la légèreté. Parmi nos contemporains, Leroux, Matalon, Hersant ont le même souci de la légèreté » confie-t-il.
Festival Présences 2015 Les deux Amériques
6 concerts incontournables
Vendredi 6 février, 20h
Auditorium- Concert inaugural (n°1)
Conlon NANCARROW – Pièce n° 2 pour petit orchestre
Richard DUBUGNON – Concerto sacra pour hautbois et orchestre, op. 67*
commande de Radio France, création mondiale
Eesteban BENZECRY – Concerto pour violoncelle**
commande de Radio France, création mondiale
Darwin AQUINO – Espacio ritual
Evencio CASTELLANOS – Santa Cruz de Pacairigua
Olivier Doise, hautbois*
Gautier Capuçon, violoncelle**
Orchestre Philharmonique de Radio France
Manuel Lopez-Gomez, direction
Diffusé en direct sur France Musique
Concert d’ouverture du festival dans le nouvel Auditorium de Radio France : l’Orchestre Philharmonique propose deux concertos donnés en vis-à-vis et en création mondiale (il s’agit dans les deux cas d’une commande de Radio France) : l’un de Richard Dubugnon qui engage un dialogue entre l’Europe et l’Amérique latine avec le Concerto sacra pour hautbois inspiré notamment du chant grégorien, Olivier Doise jouant la partie soliste ; l’autre d’Esteban Benzecry, Argentin installé à Paris dont Gauthier Capuçon créera le Concerto pour violoncelle. Avec en début de programme, une pièce de Conlon Nancarrow, afin de rendre hommage à un créateur solitaire qui fut dans son genre un pionnier, et pour terminer l’Amérique latine, représentée par Evencio Castellanos, mort en 1984, l’une des grandes figures de la musique du Venezuela.
Jeudi 12 février, 20h
Auditorium (concert n°5)
Christopher ROUSE – Prospero’s room
création française
Andrew NORMAN – Suspend, concerto pour piano et orchestre*
création française
Sean SHEPHERD – Wanderlust
création française
John ADAMS – Doctor Atomic Symphony
Inon Barnatan, piano*
Orchestre national de France
James Gaffigan, direction
Diffusé en direct sur France Musique
L’Orchestre National de France entre en scène à son tour avec un programme entièrement nord-américain reprenant, en création française, trois pièces récentes commandées et créées par de grandes formations elles aussi nord-américaines : Prospero’s Room de Christopher Rouse (commande du New York Philharmonic), Suspend d’Andrew Norman (commande du Los Angeles Philharmonic), Wanderlust de Sean Shepherd (commande du Cleveland Orchestra). Avec, en apothéose, la Doctor Atomic Symphony de John Adams.
Samedi 14 février, 11h
Auditorium, concert n°7
Luis Nahon : Quebrada / Horizonte
Orchestre Philharmonique de Radio France
Domingo Hindoyan, direction
Luis Naon, présentation
Présentation par Luis Naon en personne, pour un public familial, de Quebrada/
Horizonte, hommage aux paysages de l’Amérique.
Jeudi 19 février, 20h
Auditorium (concert n°12)
Eesteban BENZECRY – Madre Tierra
commande de radio France, création mondiale
Peter Lieberson – Neruda Songs
Charles IVES – The Unanswered Question
John ADAMS – On the Transmigration of the Soul
Kelley O’Connor, mezzo-soprano
Chœur de Radio France
Marc Korovitch, chef de chœur
Maîtrise de Radio France
Sofi Jeannin, chef de chœur
Orchestre national de France
Giancarlo Guerrero, direction
Le Chœur et la Maîtrise de Radio France, l’Orchestre National de France au grand complet : un programme spectaculaire qu’ouvre la création mondiale de Madre Tierra d’Esteban Benzecry, écho des mythologies pré-colombiennes. On passe ensuite du Sud au Nord avec les Neruda Songs de Lieberson puis la fameuse Unanswered Question de Charles Ives, avant de partir dans cet étrange voyage qu’est On the Transmigration of the Soul de John Adams.
Diffusion en direct sur France Musique
Vendredi 20 février, 20h
Studio 104 (concert n°13)
HebertT VAZQUEZ – Des jardins/Des Près, concerto pour alto*
création mondiale
Luis Fernando RIZO SALOM – El Juego
José EVANGELISTA – Alap et Gat
John ADAMS – Son of Chamber Symphony
Christophe Desjardins, alto*
Ensemble Orchestral Contemporain
Daniel Kawka, direction
Le programme de l’Ensemble Orchestral Contemporain propose deux pièces ludiques, El juego et Alap et Gat, encadrées par un concerto et une symphonie. Le concerto est signé Hebert Vazquez, qui eu la bonne idée de l’écrire pour l’altiste Christophe Desjardins. La symphonie n’est autre que la célèbre Son of Chamber Symphony de John Adams.
Samedi 21 février, 20h
Auditorium (concert de clôture n°14)
Christopher TRAPANI – Spinning in Infinity*
commande de Radio France, création mondiale
Osvaldo GOLIJOV – Nazareno, concerto pour deux pianos, percussions et ensemble (nouvelle version)
création française
Esteban BENZECRY – Rituales amerindios, triptyque précolombien pour orchestre
création française
Katia et Marielle Labèque, piano
Raphaël Seguinier, Gonzalo Grau, percussions
Orchestre Philharmonique de Radio France
Diego Matheuz, direction
Grégory Beller, réalisateur informatique musicale, Ircam*
Coproduction Radio France / Ircam
Afin de conclure en beauté, trois grandes partitions pour orchestre pour fermer comme il se doit l’édition 2015 du festival Présences avec l’Orchestre Philharmonique de Radio France. La création de Spinning in Infinity de Christopher Trapani (commande de Radio France) pour commencer : une œuvre tournoyante écrite par un musicien de La Nouvelle-Orléans qui se partage entre New York et Paris. Puis l’étonnant Nazareno d’Osvaldo Golijov, qui fait entendre des percussions Yoruba réinventées pour les pianos des sœurs Labèque. Enfin, un grand triptyque orchestral d’Esteban Benzecry en forme d’hommage à l’écho perdu des civilisations précolombiennes.
Festival Présences 2015 Les deux Amériques.14 rendez vous, du 6 au 21 février 2015, Paris, Maison de Radio France : Auditorium et Studio 104. + d’infos, réservations, billetterie en ligne : consultez le site du festival Présences 2015 de Radio France