jeudi 8 mai 2025

Olivier Baumont: La musique à VersaillesEditions Actes Sud (428 pages)

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Au moment où le Centre de musique baroque de Versailles fête ses déjà
20 ans (automne 2007), l’ouvrage séduira par la qualité du texte,
développé sous le prisme d’une rédaction et d’un regard personnel et
subjectif, ceux du claveciniste Olivier Baumont, autant que par le soin
éditorial apporté à l’iconographie (qui en fait un beau-livre à la
somptueuse scénographie). Opportun, le texte souligne combien la
musique fut l’hôte chéri du palais des rois Bourbons. En visuel de
couverture, la réunion de musiciens d’André Bouys l’indique
clairement: ici est le domaine des musiciens, compositeurs et
interprètes (y figure viole à la main, Marin Marais) qui ont pu trouver
auprès des souverains, de Louis XIII à Louis XVI, pendant deux siècles,
les conditions idéales pour exercer leur art. Réunion d’hommes de
l’art, entente et affinités (du moins supposées) entre des
entrepreneurs de la musique, capable d’édifier la conversation musicale
comme une discipline majeure. Pour glorifier et nourir la propagande
royale, animer les fastes monarchiques, et pour nous, enfants de la
révolution, toujours sublimer les proportions de l’architecture, ou les
perspectives à l’infini d’un parc parmi les mieux ouvragés que
l’Histoire nous a légué…

L’auteur ressuscite les épisodes d’une histoire singulière qui à
Versailles, a su accorder spécifiquement musiques et architectures,
musiciens et lieux, histoire des sensibilités et des goûts, histoires
aussi d’acoustiques: à la Chapelle (ou plutôt dans les chapelles), dans
le Salon d’Hercule, dans les Grands Appartements… Pendant un siècle,
de 1682, quand Louis XIV installe la Cour et le siège du gouvernement à
Versailles, jusqu’en 1789, chute de la Monarchie, la musique rythme
faits et gestes de la petite et de la grande histoire royale.
L’évocation suit l’ordonnencement décidé par Lully pour Louis le Grand:
un prélude puis cinq actes. Les usages de la Cour réglées par
l’étiquette, aux rythmes de la musique, scénographiée, conçus selon la
convenance, pour l »Ordinaire », le « Particulier », l' »Extraordinaire »,
occupent donc les trois premiers actes du livre. L’analyse et
l’évocation pénètrent dans le fonctionnement pratique d’un système
scrupuleusement réglé, hiérarchisé, ritualisé. La Maison du Roi
regroupe plusieurs « départements » destinés à la réjouissance et à
l’agrément de la royauté: la Chapelle, la Chambre, l’Ecurie… Ce sont
au final, plusieurs dizaines de musiciens attachés de façon permanente
(ordinaire) ou par « quartiers » (trimestres) à la vie musicale du
château… Les deux derniers actes/parties de l’ouvrage, évoquent la
permanence aléatoire de la musique à Versailles, après la chute des
Bourbons en 1789: événements exceptionnels, célébrations éphémères
ressuscitant les résonances fastueuses du Versailles baroque et
classique, conçus pour des rois musiciens.

Au fil des pages et des magnifiques illustrations dont la majorité
sont extraites des collections du château de Versailles, le texte
restitue la croissance de l’activité musicale dans le palais, sous les
règnes successifs. Comme un grand corps musical, le domaine qui a ses
deux membres, château et palais, est ainsi évoqué: les trois Journées
(et leur suite) des Plaisirs de l’Île Enchantée (mai 1664, première
grande fête monarchique réglé par Louis XIV et Lully), du Grand
Divertissement de 1668, des Divertissements de juillet et août 1674
(nouvel opéra monarchique en 6 journées), importance de la Messe (acte
incontournable à la Cour sinon renvoi), une journée « ordinaire » du Roi
(dîner au Petit couvert, chasse, souper au Grand couvert, coucher;
fêtes et célébrations dans l’année (Noël, 1er janvier, Fête des rois,
Carnaval, Carême, Passion, le temps de Pâques…). Ce sont aussi les
fastes exceptionnels comme au moment de la mort de la Reine
Marie-Thérèse d’Autriche (1683), la naissance du Duc d’Anjou (1710),
futur Louis XV (et arrière petit-fils de Louis XIV), l’audience de
l’ambassadeur du Shah de Perse en 1715, à la fin du règne du Roi
Soleil… Le règne de Louis XIV, puis la « continuité » avec Louis XV et
ses filles musiciennes (Campra, Mondonville, Rameau, Rebel…),
comptant aussi ses événements fameux comme « les deux mariages du
Dauphin » (1745), la réunion de La Chapelle et de la Chambre (1761), la
présence du jeune Mozart (8 ans) et de son père en 1764, l’ère des
favorites (Pompadour, Du Barry…), le mariage du Dauphin et la
construction de l’Opéra de Gabriel… Avec l’acte 3, « les temps de
l’insouciance », l’évocation est dédiée à la période la plus raffinée du
château, sous le contrôle de l’exquise sensibilité de Marie-Antoinette,
un acte autant frivole que tragique pour ceux qui en ont décidé le luxe
insolent, même s’il fut réservé au « privé » (les soirées illuminées de
Trianon)…

A l’appui du texte, de nombreux portrait de musiciens rendent compte
des honneurs et des gratifications alloués aux artistes méritants,
sujets enviables de la faveur politique, royale ou impériale, ou de
celle des favorites: Marin Marais, François Couperin, Mondonville,
Rameau, Grétry, Paisiello, …

Les amateurs retrouveront tout ce qui a fait l’éclat de Versailles
sous Louis XIV… mais les chapitres dévolus aux règnes suivants, Louis
XV, Louis XVI, aussi au Versailles de Napoléon, à « la tentative de
Louis XVIII », la désaffection de Charles X, enfin dans l’acte V et
dernier, « Les temps de mémoire », aux grandes fêtes éphémères dans le
musée institué par Louis Philippe « à toutes les gloires de la France »,
rappellent les autres faits marquants qui après la Révolution, aux
XIXème pusi au XX ème siècles, ont tout autant contribué au riche passé
d’un lieu conçu pour la musique. Olivier Baumont rappelle fort
judicieusement combien la chaconne qui conclue la fin des opéras
baroques à la française (tragédies lyriques inventées par Lully), tout
en interrompant le fil d’une action commencée, sait aussi se réinventer
toujours, en particulier dans ses mélodies du dessus « inventives,
libres, sans cesse renouvellées »… Le propre de Versailles n’est il
pas là justement? Traverser les siècles et les régimes, toujours se
réinventer, pour perpétuer sa flamme… musicale. Lecture indispensable.

Olivier Baumont: « La musique à Versailles » (éditions Actes Sud, 428 pages)

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