mardi 29 avril 2025

Mulhouse. La Filature, le 1er janvier 2010. Concert du Nouvel An. Cassandre Berthon, soprano, et Ludovic Tézier, baryton. Orchestre Symphonique de Mulhouse. Marc Tardue, direction

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Voix du Nouvel An

Pour fêter en beauté le début de l’année 2010, l’Orchestre Symphonique
de Mulhouse a placé son concert du Nouvel An sous le signe de la voix
en invitant deux artistes français déjà applaudis plusieurs fois sur
les scènes de l’Opéra du Rhin, plutôt appréciés du public alsacien :
Cassandre Berthon
et Ludovic Tézier, tous deux ambassadeurs reconnus du chant
français.
Le programme varié offrait un joli panorama des
différents styles et écoles musicales. Après un premier mouvement de la
Petit Musique de Nuit mozartienne emmené avec conviction et légèreté
par le chef Marc Tardue – remplaçant Daniel Klajner, souffrant – et
joué avec élégance par l’orchestre, le couple de chanteurs interprète
avec assurance le duo de séduction trompeuse entre
Suzanne et le Comte Almaviva. La fraîcheur de timbre de Cassandre
Berthon se prête à merveille à la séduction mutine de la jeune servante
et la morgue hautaine de Ludovic Tézier, sa haute taille et la noblesse
naturelle de son timbre le destinent tout naturellement au personnage
du comte. Vient ensuite l’inévitable duo réunissant Zerline et Don
Giovanni, d’une finesse musicale dont il semble impossible de se
lasser, les deux chanteurs assurant leur partie avec aisance et
délicatesse.
La méditation de Thaïs de Massenet suspend le temps par ses lignes
pures et l’infinie délicatesse qu’elles requièrent de la part de tous
les instruments, notamment du violon solo, constamment dans un piano
suspendu culminant sur des notes suraigus d’une transparence presque
irréelle.
Avec Athanaël, Ludovic Tézier démontre une fois de plus son affinité
naturelle avec le répertoire français. Sa diction, mordante et précise,
est d’une élocution parfaite, l’instrument se montre fermement tenu,
richement timbré, ne cédant jamais à la tentation de forcer les sons.
Pourtant, malheureusement, l’orchestre se montre toujours plus puissant
que lui, jouant parfois trop fort. Est-ce sa voix sombre, très
couverte, de baryton qui ne peut lutter contre la brillance presque
excessive audiblement recherchée par tous les instrumentistes ? Ou
l’acoustique du lieu qui pénalise les voix ? Quoi qu’il en soit,
l’équilibre entre chanteur et orchestre semble reste absent.
Cette impression gênante se confirme avec la Norina de Cassandre
Berthon
. Dotée d’une voix ravissante, mais d’une puissance limitée,
elle semble, de notre place au balcon, littéralement dévorée par la
masse orchestre, son instrument délicieux n’émergeant vraiment qu’à de
trop rares moments. Et pourtant, la voix semble correctement placée et
les notes, jusqu’aux plus aiguës, émises sans effort. Seul le style
donizettien lui échappe encore quelque peu.
Dans le duo unissant Norina et Malatesta, Ludovic Tézier montre sa
capacité à s’adapter à toutes les écoles stylistiques, doté d’un talent
littéralement polymorphe, sa jolie Norina s’efforçant de se hisser à sa
hauteur. Mais tous les deux semblent prendre un tel plaisir à
interpréter cette musique pétillante, allant jusqu’à jouer réellement
leurs personnages, que leur bonheur, communicatif, emporte l’adhésion.

Dans Bernstein, l’orchestre se donne tout entier, avec certes quelques
lourdeurs ainsi qu’un sens du jazz et du swing discutable, plus
métronomique et calculé que véritablement ressenti. De plus, cette partition
démontre à quel point elle est ardue à mettre en place et à diriger,
tant les contretemps et les tuilages sont nombreux, tâche dont chacun
se tire avec les honneurs.
Avouons que nous craignions le célébrissime Summertime, tant les
chanteuses lyriques convaincantes dans cette pièce se sont avérées
rares. Et c’est là où nous l’attendions le moins que Cassandre Berthon
surprend : elle se révèle parfaitement à l’aise dans ce morceau, jusque
dans la langue anglaise, la ligne vocale flattant sa voix et sa
technique, lui permettant de belles nuances, notamment des piani
magnifiques.
Dans Night and Day de Cole Porter, Ludovic Tézier fait montre des mêmes
qualités que sa compagne, comme si l’esthétique particulière de cette
musique lui faisait rechercher une émission moins sombre, moins
« opératique », plus claire et plus ouverte, comme plus dégagée, lui
donnant davantage de brillance et même de puissance, sa voix portant
alors davantage et traversant la salle sans effort, notamment dans les
notes aiguës, impressionnantes d’éclat. Une belle surprise, vraiment.
En bis, l’orchestre s’en donne à cœur joie dans une ouverture de West
Side Story joyeuse et débridée, invitant le public à participer. Avec
l’air d’Escamillo, Ludovic Tézier retrouve l’un de ses plus beaux
rôles, qu’il interprète avec panache, l’arrogance de son émission
vocale semblant profiter encore des effets bénéfiques de Cole Porter.
Dans l’inusable mais toujours charmant air de Lauretta « O mio babbino
caro », Cassandre Berthon déploie un velouté vocal et un legato
insoupçonnés jusqu’ici, osant des aigus d’une grande finesse.

Enfin, pour achever ce concert sur une note festive, l’orchestre se
lance avec entrain dans l’incontournable Marche de Radetzky composée
par Johann Strauss père. Le public, toujours heureux de réentendre
cette pièce, bat des mains, tradition oblige, et fait un triomphe à
tous, chanteurs comme instrumentistes.

Mulhouse. La Filature, 1er janvier 2010. Wolfgang Amadeus Mozart : Une
Petite Musique de Nuit, Premier mouvement, Allegro ; Les Noces de
Figaro, « Crudel ! Perché finora » ; Don Giovanni, « La ci darem la mano »,
« Finch’han dal vino ». Jules Massenet : Thaïs, Méditation, « Voilà donc
la terrible cité ». Gaetano Donizetti : Don Pasquale, « Quel guardo il
cavaliere », « Pronta io son ». Leonard Bernstein : On the town, Three
dance episodes. Georges Gershwin : Porgy and Bess, « Summertime ». Cole
Porter : « Night and day ». Cassandre Berthon, soprano. Ludovic Tézier, baryton. Orchestre
Symphonique de Mulhouse. Marc Tardue,
direction

Illustration: Ludovic Tézier (DR)

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