2006, abondance de Clémences ! L’année des 250 ans de la mort de Mozart a livré ses révélations : les nombreuses relectures du dernier seria du divin Wolfgang, La Clémenza di Tito, composé en 1791 en même temps que le Requiem et la Flûte, est en passe de réhabilitation.
En témoigne cette production présentée à l’opéra Garnier des plus plutôt convaincante, grâce à un couple de metteurs en scène désormais applaudis pour leur œuvre mozartienne, Ursel et Karl-Ernst Herrmann.
Présenté au préalable à la Monnaie de Bruxelles (au début des années 1980), le dispositif scénique du couple Herrmann accueillit sur la scène de Garnier, fonctionne indiscutablement : elle s’intéresse à la passion expressionniste qui brûle le cœur des protagonistes, moins Titus (noble Christophe Prégardien) que Vitellia (Catherine Ngelstad) et surtout le Sesto dévasté puis solaire de Susan Graham.
Métamorphose des âmes, tourments et cruauté sont autant de qualités remarquablement mises en musique par Mozart, d’autant que l’issue de cet opéra de cour, destiné au divertissement du nouvel empereur Leopold II à l’occasion de son couronnement à Prague comme Roi de Bohême, s’achève dans le pur esprit des Lumières : pardon, renoncement, clémence.
La production choisie par Mortier remplaçait à Paris, celle de Willy Decker qui fonctionnait correctement sous le plafond du palais Garnier. Or le nouveau directeur de l’Opéra de Paris, reprenait en fait une production mozartienne produite pour La Monnaie, avec la complicité de son chef favori, Sylvain Cambreling et ce regard d’une froide élégance, conçu par Ursel et Karl-Ernst Herrmann.
Avec le recul, la reprise s’avère des plus inspirées d’autant qu’elle rend justice à un ouvrage régulièrement écarté par musicologues et historiens. La Clemenza di Tito est l’œuvre d’une immense dramaturge : Mozart y a mis tout son cœur. Et même, il reprend une longue réflexion sur le thème seria, initiée depuis ses premiers ouvrages, Mitridate et Lucio Silla, poursuivie avec Idoménée dont la création en 1781, devance de dix ans, la première représentation de Tito. La comparaison souligne l’évolution de l’écriture : épure, approfondissement psychologique des caractères, sens de la fusion et de la synthèse, car ici le souffle éppique de la fresque romaine, soustend un drame individuel pénétrant. En témoigne le final de l’Acte I qui voit l’incendie du Capitole et l’errance des protagonistes, de plus en plus solitaires.
Titus, opéra bâclé? Un chef d’oeuvre à redécouvrir d’autant plus urgemment en cette année des plus mozartiennes !
Cette vérité ne sera jamais assez dite et répétée. Saluons Mezzo de nous permettre de (re)découvrir cet « opéra jumeau » de la Flûte enchantée, selon les mots du chef Flamand René Jacobs, autre défenseur de la partition.
Mozart, la Clemenza di Tito (1791)
Direction musicale : Sylvain Cambreling
Mise en scène : Ursel & Karl-Ernst Herrmann
Avec Susan Graham, mezzo-soprano (Sesto) ; Hannah Esther Minutillo (Annio) ; Catherine Naglestad (Vitellia) ; Ekaterina Siurina (Servilia) ; Roland Bracht (Publio) ; Christophe Prégardien, ténor (Tito).
Choeur et Orchestre de l’Opéra national de Paris
(2005. Réalisation : Thomas Grimm. 3h32mn)
Lire aussi notre dossier Mozart, pour tout connaître des enjeux et de la genèse de l’opéra seria de Mozart, mais aussi découvrir les dernières réalisations cds et dvds parus à ce jour.
Le 5 septembre à 15h45
Le 9 septembre à 3h
Le 15 septembre à 15h45
Illustrations
Johann Georg Edlinger, portrait de Mozart (1790, musée de Berlin)
Jacques-Louis David, le serment des Horaces (musée du Louvre)