Mozart: Idomeneo Idoménée (1781). Olivier Py Arte, en direct, vendredi 10 juillet 2009 à 21h40

Dans le royaume de Crète, le roi Idoménée tarde à rentrer de la guerre
de Troie. La princesse troyenne Ilia y est retenue captive et souffre
dans son honneur d’éprouver de l’amour pour le fils du monarque, le
prince Idamante. Un jour, celui-ci vient annoncer à la jeune femme la
libération des captifs troyens et lui avoue une brûlante passion,
qu’elle repousse fièrement. Prisonniers et Crétois célèbrent la paix
mais Électre, princesse d’Argos, surgit pour accuser Idamante de
protéger l’ennemi… Idoménée à qui les dieux ont souri entend les
satisfaire et leur promet de sacrifier la première personne qu’il
croise à son retour de la guerre: coup de théâtre, il s’agit de son
fils, Idamante.

Sacrifice crétois
Un père peut-il sacrifier son fils à son devoir ? Un fils doit-il payer
la fidélité de son père aux vieilles croyances ? L’avenir ne doit-il
pas se fonder sur le renouvellement serein des générations ? Poétisé
par Fénelon dans l’esprit de Racine, situé dans la Crète des héros et
des monstres de l’Iliade, tel est le sujet dont s’empare Mozart à
l’aube de ses vingt-cinq ans pour composer, loin de son père Léopold,
du grand modèle Gluck et du tyrannique archevêque de Salzbourg,
l’infâme Coloredo, sa première œuvre de maturité. Avec Idomeneo, hymne
à la jeunesse et à la raison, Mozart s’affirme autant comme musicien
dramatique que comme artiste des Lumières. Très attendu à Aix, le duo
Marc Minkowski (direction musicale) et Olivier Py (la mise en scène),
déjà réuni dans Pelléas et Mélisande en 2007 à Moscou (cf. le film des éditions Pelléas: « Pelléas et Mélisande, le chant des aveugles de Philippe Béziat« ), flanqué d’une solide distribution, devrait poser sur l’œuvre un regard de modernité et d’introspective compréhension. Olivier
Py a récemment vi sa mise en scène de Tristan und Isolde créée en 2005
à Genève, reprise sur les scènes d’Angers, Nantes et Dijon, en mai et
juin 2009.

L’inventif et audacieux directeur de l’Odéon, depuis 2007, s’intéresse à Aix au seria de Mozart: Idomeneo. Après avoir cette année marqué les esprits par ses approches de Tristan, Les Contes d’Hoffmann, Pelléas, l’homme de théâtre réussira-t-il à se renouveler chez Mozart? La langue des lumières, touchante par sa vérité et son raffinement orchestral autant que vocal (comme aussi choral) l’inspirera-t-elle comme ce fut le cas de Wagner ou de Weber (Der Freischütz)? Certes, cet ouvrage créé à Munich en 1781 mérite d’être réévalué à l’aune des opéras plus célèbres tels Don Giovanni, Les Noces de Figaro, surtout Cosi fan tute que l’on redécouvre… avec La Clémence de Titus. Idoménée est produit 10 ans après Titus, 10 ans avant la mort de Mozart.
Olivier Py demeure captivé par le bouillonnement éruptif de l’écriture qui tend à réinventer le genre si sclérosé du seria. Le sujet peu éloigné de Médée, approche sans fard, la thématique de l’infanticide: pour en exprimer les lueurs et les ténèbres, Mozart use de la langue expressionniste marqué en pays germanique par le courant Sturm und Drang, violence, orage, passion, qui annonce évidemment le romantisme. Mais son seria précédent, Lucio Silla, (composé l’année où Goethe achève et publie Les souffrances du jeune Werther) ne s’inscrivait-il pas aussi dans le sillon d’une écriture mordante et âpre, nouvellement affranchie des conventions de l’époque?

Les dieux ont soif, le héros doit payer son tribut, la nature, plus explosive que jamais – en rien sereine et miraculeuse, telle que la peint Haydn dans La Création plus tard (1798)-, lance éclairs et suscite des nuits d’inquiétude. L’opéra dessine les étapes d’Idoménée vers son affranchissement hors des lois divines. C’est un opéra contre l’esclavage et pour la libération de l’homme dans son milieu. Ni décorative ou historicisante, ni trop décalée ou modernisée -comme l’a fait et réussi Peter Sellars pour la trilogie da pontienne, Olivier Py plonge dans les conflits humains pour en exprimer l’universalité et la permanence. Il devrait dévoiler de nouveaux gouffres dans le théâtre mozartien…