Mozart
Idoménée, Idomeneo
1781
Tours, Grand Théâtre
Les 16, 18 et 20 mars 2012
Jean-Yves Ossonce, direction
Alain Garichot, mise en scène
Chef-d’œuvre dans le genre seria, Idomeneo (1781) affirme le génie du jeune Mozart, déjà maître de ce format depuis Lucio Silla (1772). Il se montre ici très inspiré par l’esthétique Sturm und Drang, en particulier le style de son aîné, Carl Philip Emanuel Bach dont il a dû connaître l’habile Amadis (1779) conçu pour la scène française et parfaite synthèse entre baroque, classicisme et préromantisme.
Le style de l’opéra mozartien prend acte de la révolution opérée par Gluck: fusion de l’action et de la musique, tableaux spectaculaires et contrastés, réduction des récitatifs pour un déroulement quasi continu des scènes…
Idomeneo, opéra symphonique
L’Elettra d’Idomeneo, personnage haineux, jalouse rivale d’Ilia, a des accents maléfiques et expressionnistes, héritière des sorcières baroques si présentes encore chez Rameau et … CPE Bach (dans Amadis, le caractère d’Arcabone incarne cette filiation expressive). Mozart lui réserve l’un de ses airs les plus impressionnants et sauvages en fin d’ouvrage. A contrario, au centre de l’opéra mozartien, éblouit la tendre et lumineuse Ilia, sincère amoureuse, prête au sacrifice ultime, et déjà préfiguration du Fidelio beethovénien. Entre le père, Idoménée et son fils Idamante, le lien est brisé, car ici domine la volonté des dieux, détenteurs d’un ordre sans sentiments, avides du sang versé en leur honneur. L’obligation du sacrifice (de Idamante par Idomeneo) confirme l’omnipotence des dieux sur les hommes.
Idomeneo illustre la fin de l’opéra seria traditionnel: la présence des choeurs (d’une nouvelle solennité humaine), des ballets (influence française: l’ouvrage de Mozart emprunte son livret à l’opéra éponyme de Campra), surtout l’essor nouveau de l’écriture orchestrale marquent une rupture et confirment le tempérament audacieux d’un Mozart réformateur.
C’est enfin une fresque antique dont l’esprit de grandeur, de sublime, d’élévation morale emprunte comme nous l’avons dit, à la réforme réalisée par Gluck à Vienne et Paris. Le souffle océanien de l’orchestre rappelle la présence de la mer, environnante, présence permanente et naturelle car ici l’action se déroule en Crête dont Idomeneo est le roi trop soumis…
A Tours, les spectateurs retrouvent Yves Saelens (déjà écouté et applaudi sur les mêmes planches dans La Clémence de Titus); c’est aussi une prise de rôle attendue de Elettra, pour Sophie Marin-Degor (belle Thaïs au cours de la saison lyrique)... Jean-Yves Ossonce retrouve Alain Garichot pour ce nouveau Mozart, d’une absolue et sublime clarté… (ils avaient déjà abordé en novembre 2009, le dernier seria de Mozart, La Clémence de Titus, 1791).
Pour les chefs, Idoménée est l’un des opéras les plus symphoniques de Mozart: défi relevé par Jean-Yves Ossonce pour 3 dates de mars 2012, désormais incontournables.
Conférence de présentation: samedi 10 mars 2012 à 14h30. Salle Jean Vilar, Grand Théâtre de Tours.
Tours, La Clémence de Titus (octobre 2009). Jean-Yves Ossonce, directeur de l’Opéra de Tours, dirige le premier opéra de la saison 2009-2010: La Clémence de Titus de Mozart. Le dernier ouvrage lyrique du compositeur (avec La Flûte Enchantée)
est un chef d’oeuvre d’équilibre et d’efficacité dramatique. Le chef
nous plonge dans les subtilités de la partition; le metteur en scène (Alain Garichot) , tout en précisant les options scéniques de la scénographie, souligne l’interaction entre les personnages
